Que diriez-vous, pour bien débuter la journée, d'un peu de lecture sur le concept tendance à Bruxelles: l' « autonomie stratégique ».
Soyons fous.
Le sujet a émergé au printemps dernier, et depuis, il est devenu un vrai enjeu politique à Bruxelles.
Explication rapide du principe: lors du premier confinement, les Européens se sont rendus compte qu'ils dépendaient trop de l'extérieur, dans certains secteurs stratégiques. Médical et sanitaire en l'occurence.
Mais aussi, que la Chine n'avait aucun souci à utiliser ses capacités de production à des fins politiques. Que oui, derrière la beauté du commerce international, des transformations technologiques, il y a des enjeux de puissance.
Certains diront, que les Européens ont été « naïfs ». Possible, mais pour quelques pays, le libre-échange n'est pas une naïveté, mais une façon de voir le monde, et des intérêts nationaux à défendre.
La France, elle, cela fait longtemps qu'elle dit que ça ne va pas. Que le commerce pour le commerce, ça ne veut rien dire. Cf. la souveraineté europ. défendue par Macron depuis 2017. C'est un autre terme pour désigner ce que recouvre largement l'idée « d'autonomie stratégique ».
Mais Paris a longtemps plaidé dans le vide... jusqu'à la crise du coronavirus. Là, retournement de situation. Dès le printemps 2020, cela devient THE sujet de discussion entre les chefs d'Etat et de gouvernement, entre les ministres, entre diplo. Voir:
Victoire pour la France, le principe du développement de « l'autonomie stratégique de l'Union tout en préservant une économie ouverte » est acté par les Vingt-Sept, lors du sommet d'octobre 2020. Une première.
Honnêtement, un an auparavant, cela aurait été inimaginable.
Sauf qu'une fois l'idée crantée par les 27 grands patrons, encore faut-il la mettre en musique, la mettre en pratique. Et ça, c'est le job de la Commission européenne.
Or, la Commission n'est pas un monolithe. Elle est composée de personnalités politiques, aka les commissaires (si, si, je vous jure, ce sont des politiques). Ils n'ont donc pas tous la même vision de cette « autonomie stratégique ». Loiiiiin de là.
En réalité, le sujet ne fait pas du tout consensus en interne, en particulier sur ce qu'elle recouvre. Deux lignes s'opposent:
1. La minimale, qui passerait par une diversification de certains approvisionnements et encore plus d'accords commerciaux. Une autonomie très très ouverte donc. Ligne défendue par les vice-présidents exécutifs à la Concurrence, Vestager, et au Commerce, Dombrovskis.
2. La maximale, incarnée par le commissaire français Breton. L'Union doit développer des outils pour analyser les chaines de valeurs, être capable de bloquer les stratégies hostiles de la Chine et des US, et même développer ses propres capacités de production dans certains cas.
Autant vous dire, que cela ferraille pas mal en ce moment en interne, à la Commission européenne. Pas de quartier.
Surtout que le dossier ne retombe pas... l'enjeu des vaccins alimente le débat. Idem avec les Etats-Unis qui maintiennent la pression sur la Chine, Trump ou pas.
Prochaine échange de cette lutte: la stratégie industrielle de la Commission, attendue pour avril. Mais d'ici là, pour en savoir plus (si vous lisez toujours), je vous propose de continuer avec ce papier, made in maison, en accès libre pour 24h.
« Accord historique » pour certains. « Echec de Macron » pour d’autres.
Essayons de raison garder, et de démêler ce qui a été négocié pendant 4 jours et 4 nuits à Bruxelles et finalement approuvé.
Fil (qui risque d’être un peu long).
Tout d'abord, il faut savoir que les 27 ont approuvé ce matin deux choses: le plan de relance + le budget 2021-2027 de l'Union. Les deux sont liés, mais restent deux choses assez différentes. L'un est ponctuel, l'autre est structurel. On va commencer par le plan de relance.
750 milliards d'euros dont 390 de subventions. C'est-à-dire de l'argent qui va être distribué aux Etats selon les besoins liés à la crise économique. Les chiffres sont encore flous, mais cela représenterait plus de 60 milliards pour l'Italie. Plus de 55 pour l'Espagne.
Quand on voit comment en France, l’Assemblée nationale peut être maltraitée par le gouvernement [calendrier, qualité du texte, vote, etc], on se dit que le Parlement européen - malgré qq. grosses faiblesses structurelles - est bien plus puissant que son cousin français.
Déjà, le Parlement européen, il gère son agenda comme il veut. S’il ne veut pas voter un texte, il ne le vote.
Si l’examen de la réforme des retraites à l'AN commence à vous lasser (si si, avouez), j’ai un autre match politique à vous proposer.
Le budget européen 2021-2027. Cela a l’air aride dit comme ça (voir carrément techno), mais le scénario est très prometteur.
Qq. explications.
L'UE fonctionne avec une programmation budgétaire sur 7 ans. Qu'il faut donc négocier tous les 7 ans. Entre temps, il suffit de dérouler ce qui a été décidé, en ajustant aux marges.
Actuellement, nous sommes à la fin du "cadre financier pluriannuel 2014-2020".
Aujourd'hui, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept se retrouvent à Bruxelles pour tenter de déterminer le suivant. Le 2021-2027.
Ca fait un moment que l'UE bosse dessus. La proposition initiale de la Commission date de mai 2018. Maintenant, va falloir trancher.
Le PR a sorti l’artillerie lourde pour tenter de recoller les morceaux avec la Pologne, de montrer aux Polonais que la France peut les comprendre, les soutenir, tout en fixant des limites claires (comme les valeurs).
Qq. extraits.
Dès le début, Macron rappelle un fait historique méconnu: en 1000 ans, la Pologne et la France ne se sont JAMAIS affrontées. Pourtant, les deux pays n’ont pas lésiné sur les aventures militaires.