Thread by @Alilmrabet

1. Le roi du Maroc vient de nommer le chef du parquet général et grand pourfendeur de ce qui reste de journalisme indépendant, Mohammed Abdennabaoui, président de la Cour de cassation.

Notre cour suprême qui était déjà verrouillée va l'être doublement dorénavant.

2. Le rôle de la Cour de cassation est de dire la loi en dernière instance, loin de la corruption endémique qui mine les prétoires marocains, des pressions et des passions.

3. Celui qui doit la présider doit avoir un curriculum impeccable.
La femme de César ne doit pas être seulement vertueuse, elle doit le paraître aussi.
Elle doit être « au-dessus de tout soupçon », selon la maxime de Jules César.
M. Abdennabaoui est-il au dessus de tout soupçon ?

4. Quand en décembre 2000, après l'interdiction administrative des trois hebdomadaires, «Le Journal», «Assahifa» et «Demain», prise sur ordre du Palais royal par le Premier ministre, et «grand combattant des libertés» selon ses thuriféraires éplorés, Abderrahman Youssoufi,.....

5... nous nous sommes dirigés, @aboubakrj et moi au parquet de Casablanca pour, comme l’exige la loi, déposer un dossier pour de nouvelles publications : «Le Journal hebdomadaire» et «Assahifa Al Ousbouiya» pour Jamaï et «Demain Magazine» pour moi-même.

6. Rien ne devait s’y opposer.
Nous remplissions toutes les conditions et possédions tous les documents exigés par l’article 5 de la Section 1 du Chapitre 2 du Dahir n°1-58-378 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) formant code de  la presse au Maroc (en vigueur à l’époque).

7. De peur d'essuyer un refus, nos dossiers avaient été passés en revue et minutieusement vérifiés par nos avocats respectifs.

Et que se passa-t-il ?

8. Il se passa qu’un certain Abdennabaoui, alors procureur du roi près le tribunal de première instance de Casablanca-Anfa, refusa d'accuser réception de nos demandes, et de nous donner, comme le stipule l’article 6 de la Section 1 du Chapitre 2 du code de la presse, un récépissé

9. La règle dit que tout parquet du Maroc a l’obligation de réceptionner toute demande de périodique, de vérifier, bien entendu !, s’il y a des pièces incomplètes ou manquantes, et par conséquent de délivrer un récépissé provisoire.

10. Passé un mois, s’il n’y a aucun refus argumenté du parquet, on pouvait commencer à publier le périodique.

Mais entre la théorie et la pratique, il y a un monde, surtout quand il s'agit de la presse.

11. Après ce premier refus, et armés de nos avocats, le bâtonnier Abderrahim Jamaï et Me Mohamed Berrada, Aboubakr Jamaï et moi nous nous sommes repointés au parquet de Casablanca-Anfa avec nos volumineux dossiers.

12. Et que fit l’actuel président de la plus haute cour de justice du Maroc ?

Comme il n’avait, apparemment, reçu aucun « coup de fil » lui enjoignant ou lui interdisant de nous remettre le fameux récépissé, Abdennabaoui se barricada dans son bureau et refusa de nous recevoir.

13.Le regretté Me Berrada fit alors une manoeuvre juridique jamais osée au Maroc: faire appel à un huissier de justice pour constater que le procureur refusait de se plier à la loi.
Il y arriva presque quand un magistrat sorti de nulle part empêcha l'huissier de faire son travail

14. Comme nous n'avions pas l'intention de quitter les lieux et que les couloirs du parquet commençaient à se remplir d’avocats, de journalistes, de policiers, en uniforme et en civil, de curieux et d’employés du tribunal, la secrétaire du procureur nous renvoya vers un substitut

15. Une autre scène théâtrale.
Incapable de donner une réponse au refus d'accuser réception de nos demandes, ce substitut, qui suait en abondance alors que nous étions en plein hiver, commença subitement à hurler avant de s'éclipser : « Et la dignité ? Elle est où la dignité ? »

16. Ce à quoi Me Berrada lui répondit sèchement, alors que l'homme de loi quittait précipitamment les lieux : « Monsieur le substitut, arrêtez votre cinéma, il est question de droit ici, pas de dignité. Allez-vous accepter oui ou non de réceptionner le dossier de mon client ?».

17. A la fin, faute de « coup de fil », de responsable avec qui palabrer, nous avons dû nous retirer. Le procureur du roi Mohammed Abdennabaoui et actuel président de la Cour de cassation du Maroc, restant caché dans son bureau et son substitut ayant mystérieusement disparu.

18. C’est seulement quelques jours plus tard, après quelques conférences de presse et un début de grève de la faim d’Aboubakr Jamaï au siège du « Journal » que le procureur Abdennabaoui, qui avait sûrement reçu le « coup de fil », accepta de nous remettre les précieux récépissés.

19. Fin de l'histoire ?
Non.
Comme je sais par expérience qu’il y aura toujours un con qui dira qu'il n’y a pas de «coups de fil», que la justice marocaine est indépendante et que ces tweets sont l'expression d'une diffamation caractérisée, je veux rappeler un bidule.

20. En juin 2018, Abdennabaoui déclara aux trois médias du groupe de presse d’Ahmed Charaï, l'agent de la #DGED, «L’Observateur du Maroc», «Al Ahdath Al Maghribia» et le site «Kifache», que «l’ère des coups de fil et des ordres pour influencer le cours de la justice est révolue.»

21. «Révolue» signifie une ère qui a bien existé mais «qui a fait son temps».
Et vu sa très très longue trajectoire dans la magistrature, et en bon connaisseur de la chose juridique et judiciairedu Maroc, M. Abdennabaoui a donc dû recevoir plein de «coups de fil» dans sa carrière

22. Autre chose.
Avant de devenir ce procureur impitoyable et respectueux de la loi, M. Abdennabaoui écrivait des «histoires» fictives.
C’était en 1977. Un an avant sa licence de droit.
Vu que la loi est fictive au Maroc, il n’a pas raté sa vocation.
Fin.
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