Léo a 16 ans, lycéen, plutôt bon élève, plein de copains, sa vie n'a rien de particulier, ses parents sont plutôt cool, sa p'tite sœur énervante mais bon, c'est sa p'tite sœur..
Il vit sa vie d'ado, rien qui ne sorte de l'ordinaire.
Évidemment il fait des soirées avec ses potes, il dragouille gentiment et sort même actuellement avec la belle Noémie. Ça pourrait être celle avec qui il franchirait le pas, mais bon, Leo n'est pas pressé et attendra qu'elle soit prête.
Ses parents lui font confiance,
il gère bien au lycée, il n'y a pas de gros clash entre eux, le dialogue est facile.
En soirée, Léo boit de l'alcool avec ses potes, c'est compliqué de pas suivre le mouvement, il y en a toujours un qui a réussi à ramener du sky, de la vodka, soit en piquant chez les parents,
soit en l'achetant dans une supérette pas trop regardante sur l'âge des jeunes.
Quelques joints tournent aussi, Léo a déjà fumé mais bof, c'est pas trop son délire.
L'alcool en revanche, il aime bien la sensation après quelques gorgées, la chaleur dans la gorge et la détente..
Il s'est déjà pris une cuite ou deux, pas facile d'arrêter avant le verre de trop, surtout avec les jeux rigolos qu'ils font entre potes.
Le dernier c'était un duel blind test, le dernier à trouver le titre de la chanson devait boire un shot de vodka.
Ce soir-là, Léo est chez un de ses potes, l'ambiance est bonne, on se marre, on flirte avec les filles, Noémie est là, on danse et on multiplie les selfies et vidéos FB.
Un copain a réussi à trouver de la vodka, il va y avoir revanche au blind test !
Léo va boire beaucoup ce soir-là, il a envie de lâcher un peu prise, lui le bon élève, l'ado sans problème.
Il enchaîne les verres de vodka, mélangés à la Redbull, ça passe tout seul.
En fin de soirée, Léo ne tient plus trop debout, ça tangue de partout, il est temps de rentrer.
Noémie le raccompagne à pied, il habite dans le même lotissement que son pote qui l'avait invité, c'est pratique. Elle a un peu de mal à le diriger mais il tient à peu près sur ses jambes et trouve le moyen de rigoler, de lui dire qu'il l'aime, ça la fait sourire.
Arrivés chez lui, Léo embrasse Noémie, lui promet de l'appeler demain et rentre dans la maison, en évitant de faire trop de bruit pour pas réveiller ses parents et sa sœur.
Il arrive sans trop d'encombres dans sa chambre et s'affale dans le lit, sans même se déshabiller.
C'est sa petite sœur de 8 ans qui, en rentrant dans sa chambre le lendemain vers 10h pour le réveiller en sautant sur son lit, comme elle a l'habitude de faire, découvrira son frère tout blanc, immobile, avec des traces jaunes autour de la bouche et sur les draps.
Elle appellera sa mère en criant très fort, paniquée par l'image qu'elle avait devant ses yeux d'enfant et qu'elle n'oubliera jamais.
Sa mère arrivera et hurlera à son tour, avant d'appeler en larmes le Samu.
Le Samu est arrivé très vite, a tenté l'impossible mais Léo était mort depuis longtemps.
Trop d'alcool, son corps ne pouvait supporter, il avait vomi mais inconscient, totalement assommé par la vodka.
Léo dormait allongé, il s'est tout simplement étouffé avec son propre vomi.
J'ai reçu l'appel le dimanche matin. J'entends encore les tremblements dans la voix de l'enquêteur. Je le connaissais bien, ça faisait 4 ans qu'on bossait ensemble. Je savais qu'il était lui-même père d'un ado de l'âge de Léo.
Comment ne pas penser que ça aurait pu être son fils?
Il m'a raconté le désespoir des parents, la mère en état de choc, le père en larmes, la sœur qui n'arrêtait pas de demander à son grand frère de se réveiller.
On est habitué aux appels durs, quand on est au Parquet, mais celui-ci restera à jamais gravé en moi.
Parlez à vos enfants, faites leur lire ce thread au besoin, expliquez à quel point l'alcool peut être dangereux et pas seulement sur la route comme on peut l'imaginer.
Dites-leur de ne jamais prendre à la légère le copain bourré qui s'endort dans un coin
De ne pas plaisanter sur untel qui était "totalement déchiré" et qui doit bien dormir ce matin.
Précisez à quel point Noémie est aussi brisée et culpabilisera toute sa vie de ne pas s'être inquiétée plus que ça de l'état de Léo.
Léo n'était pas un cas isolé, j'ai eu des dizaines d'appel "découverte de cadavre" pour des personnes, jeunes et moins jeunes, mortes d'une asphyxie alcoolique.
Tous aussi révoltant les uns que les autres.
Mais peu aussi bouleversant que celui lié au jeune Léo.
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Magistrat en télétravail /garde d'enfant, jour 2.
Là il s'agit d'être stratégique pour gagner en efficacité.
7h : réveil
7h10 : assise derrière mon pc, en pyj', une tasse de café, j'ai environ 1h pour finir le jugement avant le réveil des enfants, GO GO GO !!
8h15 : jugement fini (pas de prescription finalement), j'entends ma progéniture se réveiller, parfait.
8h30 : p'tit déj (vive les Pitch qui n'ont pas besoin d'être beurrés).
9h : number 1 sur son exo de conjugaison, number 2 fait des mots mêlés, nickel.
Je retourne à mon bureau.
Allez on arrête le civil, je prépare ma prochaine correctionnelle.
1er dossier, un abus de biens sociaux, c'est parti !
10h : ça avance bien, je suis plongée dans les comptes de la société, allons voir ce que raconte le compte courant d'associé..
"MAMAN VIENS VOIR STEUPLAAAAIT !"
Ma journée de magistrat en télétravail/garde d'enfant..
8h : lever, douche, réveil des nains, p'tit déj..
9h : installation des schtroumpfs devant leur exos et moi devant mon dossier de civil.
9h15 : alors allons voir la jurisprudence sur le contrat de dépôt à titre onéreux,
quid de la faute du dépositaire quand..
9h30 : "MAMAN TU PEUX V'NIR J'Y ARRIVE PAAAAAAAS"
Ok allons-y sur le complément du nom.
Bordel c'est quoi le complément du nom déjà ?
10h15 : allez on y retourne, donc le dépositaire peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il n'a pas commis de faute. Une obligation de moyens renforcée.
Tiens c'est pas un complément du nom ça ?
Pourquoi la justice est-elle aussi lente ?
Explication avec l'exemple d'une plainte pour agression sexuelle.
Julie dépose plainte le 15 avril 2017 pour des faits d'agressions sexuelles commis quelques années auparavant par son oncle quand elle était mineure.
Les enquêteurs commencent leur investigation : ils entendent Julie, les témoins présents sur leur ressort (sa mère, son frère), une expertise psychologique de Julie est ordonnée, on arrive six mois plus tard à octobre 2017 quand tout a été fait là où Julie habite.
Oui ça a pris 6 mois de faire tout cela, notamment l'expert psy qui est surchargé de travail et met donc du temps à rendre les expertises sollicitées.
Cependant, l'enquête n'est pas finie car il y a d'autres témoins à entendre, notamment des amies à qui Julie se serait confiée,
Il y a les violences sexuelles sur mineur, et il y a les violences sur mineur tout court.
Les enfants battus.
Ici l'enquête a démarré suite à un signalement de l'école, Eva, 14 ans, a fini par se confier à une infirmière scolaire, sur l'origine de tout ces hématomes.
Elle a commencé à décrire le quotidien chez elle, avec son petit frères Théo, leur mère et leur beau-père Denis.
Denis n'est franchement pas très gentil, il crie tout le temps et les coups pleuvent, pour une raison ou sans raison, juste parce qu'un enfant est là.
Eva raconte des scènes de brimades, des punitions. Le martinet évidemment, être à genoux sur une règle pendant 1h, les douches froides et les coups quotidiens. Denis tape dur mais jamais au visage, il est pas débile Denis, il sait qu'il ne faut pas que ça se voit.
En parlant des collègues de qualité, je voulais aussi évoquer quelqu'un qui n'en était pas un (de collègue), un avocat. Me S.
Il était réellement exceptionnel.
La cinquantaine, les cheveux grisonnant mais souvent hirsute, une politesse et un respect exemplaire.
Il avait le don de retourner chaque dossier dans lequel il intervenait pour la défense, avec classe.
Pas de défense de rupture, non, tout était dit de la manière la plus courtoise, mais d'une efficacité redoutable.
Il ne laissait rien passer niveau procédural, moi jeune
parquetière à l'époque, il m'a donné de sacrés leçons de procédure !
Et des relaxes à encaisser derrière.
Dur, mais j'apprenais et je rectifiais derrière mes enquêtes.
Quand la culpabilité ne faisait aucun doute et que la procédure était irréprochable, il plaidait à fond la
Revenge porn..
A la barre, Loïc, 19 ans.
Il est poursuivi pour avoir diffusé les photos nues qu'une fille lui avait envoyées.
Cette fille, une gamine de 16 ans, il l'avait contactée via FB.
Ils ont eu pendant quelques semaines, "une relation virtuelle".
Elle, Laura, raconte avoir bien aimé discuter avec Loïc qui était marrant.
Rapidement, ils ont parlé de Q.
Il lui a demandé de lui envoyer des photos d'elle nue.
Elle a accepté, elle dira que c'est très fréquent entre jeunes de s'échanger des nudes.
Mais Loïc a voulu aller plus loin et lui a demandé de venir chez lui pour avoir une relation sexuelle avec elle.
Laura a refusé, elle explique que c'est marrant de s'amuser en ligne mais de là à aller chez un mec qu'elle ne connaît pas, non.