Thread by @VillemurJB

#Adrexogate Il semble qu’il y ait eu des dysfonctionnements dans le transport et la distribution du matériel électoral la semaine dernière. Le prestataire chargé de l’acheminement est #Adrexo. La privatisation des missions de services publics mène à ce genre de paralysie. ⬇️⬇️⬇️

1. Il est évident que confier une mission aussi importante à un prestataire privé est s’exposer à une déconvenue cruelle. Cela en dit long sur le mépris complet du processus électoral de la part de nos sabreurs européistes. Je concluait récemment ceci

https://twitter.com/VillemurJB/status/1396885761618857985?s=20

Ce qu’il s’est produit va dans ce sens. L’objectif est de DÉGOÛTER le peuple du suffrage populaire. Non pas faire disparaître formellement les élections, mais faire en sorte que plus personne ne vote, sinon les populations urbaines favorisées “éduquées”,

lesquelles sont acquises à la mondialisation et à son manège électoral. Le système ne peut se maintenir que si 70 % du corps électoral est cantonné, par divers stratagème, dans l’abstention. Ça peut être au moyen de handicap matériel (comme avec #adrexogate)

ou bien au moyen d’une symbolique répulsive, comme évoqué plus haut avec #macflyetcarlito à l’Élysée, ou comme tout récemment, avec la réception de #JustinBieber à l’Élysée

https://twitter.com/BFMTV/status/1407202309185196037?s=20

Quel Français veut cautionner un système aussi vil, où tout est dégradé ?

Personne. Donc les Français se diront « continuer vos conneries sans nous ». Le Français populaire, d’abord, parce qu’il est par instinct plus sensible à ces choses-là que le Français “éduqué” (mais éduqué à quoi ?).
Toutefois, ce n’était pas là le sujet principal de ce fil…

2. Le sujet en est les incidents de distribution attribués à #Adrexo. Il faut savoir que cette entreprise a des pratiques absolument condamnables (et condamnées, d’ailleurs ! humanite.fr/adrexo-une-nou…).

Plusieurs documentaires ont déjà épinglé l’exploitation honteuse de ses salariés à laquelle elle se livre youtube.com/results?search…
Et c’est de cela que je souhaite parler. Parce qu’il se trouve que j’ai été salarié d’#Adrexo (et je doute que ce soit le cas de bcp de twittos…)

C’était il y a une dizaine d’années, je pense. J’avais 25 ans. J’étais sans emploi et absolument sans le sous. Sans logement aussi, cela va de soi (enfin, mes parents m’avaient gentiment repris sous leur toit). Le seul taf que j’ai déniché fut d’abord distributeur de journaux.

Je travaillais chaque nuit, d’absolument chaque jour de l’année (Noël et jour de l’An compris), de 4 h à 7 h 30 du matin (lever à 3 h 30), et je faisais ma tournée en voiture. Évidemment, cela ne faisait pas une somme considérable en fin de mois (je vous passe les détails

baroques de statut légal, dont il faut retenir que cela ne m’ouvrait quasiment pas le droit au chômage, parce que indépendant). Mais cela faisait toujours trop pour toucher vraiment le RSA (genre 50 € par mois…). Mais bon, je n’avais pas de loyer à payer, etc.

Rapidement, je me suis mis en quête d’un autre travail. Et je suis naturellement tombé sur Adrexo. Fin de la parenthèse biographique.
3. Comment ça fonctionne, Adrexo ? On vous attribue un ou plusieurs secteurs de distribution (selon vos disponibilités),

puis, chaque semaine, vous vous rendez à l’entrepôt et vous recevez une feuille de service (qui vaut contrat une fois signée) qui vous assigne un certain nombre de prospectus à distribuer dans votre secteur. Un secteur, grosso modo, c’est un gros quartier.

(Je distribuais pour ma part essentiellement dans la quartier de mes parents, où j’ai passé mon enfance.) le nombre de prospectus varie en fonction de l’activité publicitaires des commerces. Ça va du simple au triple (à l’approche de Noël par exemple).

Soit entre 10 et une grosse trentaine pour chaque BàL. En moyenne une vingtaine. Là-dedans il y a des prospectus simple, un feuillet recto-verso, et des prospectus composés, dont parfois de mini-catalogues (Lidl est très fortiche là-dedans).

Normalement, il y a une limite de poids par prospectus (mais qui la vérifie ?). En revanche, je n’ai pas souvenir d’une limite de poids par BàL. Bref. Il faut donc en premier lieu réunir les bonnes qté de prospectus (répartis par liasses sur des palettes dans l’entrepôt).

Sans se tromper bien sûr. Puis il faut les charger dans son coffre. Puis rentrer chez soi et les stocker dans son garage (pour ceux qui en ont un). Parfois repartir chercher le reste (parce qu’un voyage ne suffit pas). Il m’est arrivé de stocker 1/2 t de pub. UNE DEMI-TONNE.

Ensuite, vous disposer de 3-4 jours pour tout distribuer. En fait il y a une date limite. Vous pouvez accédez à l’entrepôt à partir du lundi 10 h (par ex.) et vous devez avoir achevé la tournée pour le vendredi 17h (dans mon souvenir). Évidemment tout cela dépend fortement

des disponibilités de chacun. Moi, ce n’est pas le temps libre qui me manquait.
Une fois chez vous, vous devez donc défaire les liasses, les répartir et constituer vos liasses à distribuer. Soit empiler les prospectus de chaque liasse pour en faire de nouvelles,

composées de chaque différent prospectus. Maintenant, je vous demande d’imaginer le temps qu’une telle tâche prend et l’énergie nerveuse qu’elle réclame. Entre l’aspect parfaitement mécanique de l’activité, les différences de grammage et de main de chaque prospectus

qui font que certains glissent, d’autres collent, d’autres se froissent, se déchirent, etc. Autant de prospectus, autant de papier de qualité différentes. Et le même geste du coude et de l’épaule, toujours, pendant des heures. Et à la fin vous avez brassé une p*** de demi-tonne.

Une fois cela fait, le vrai travail commence (le lendemain). Il faut répartir vos nouvelles liasses en paquets pas trop lourds, assujettis par des élastiques (généreusement fournis par Adrexo), les recharger dans la voiture, puis partir sur le secteur de distribution.

Et rebrasser de nouveau une demi-tonne de papier, aidé seulement du diable fourni par Adrexo. Perso, je faisais des paquets de 20-25 parfois 30 liasses (soit 15-20 kg). Porté à un bras et distribué d’une seule main. Mais j’avais 25 ans.

Je ne suis pas sûr que les mémés ou les jeunes femmes maigrelettes que je croisais à l’entrepôt chaque lundi faisaient de même.
Bref, je passe les détails, les élastiques qui lâchent, les liasses qui se défont, la pluie qui s’en mêle, les BàL inaccessibles, les clébards, etc.

Vous aurez deviné que ce boulot est un travail qui vous abrutit puis vous éreinte. Et tout cela pour quoi, me direz-vous (et quel rapport avec le sujet initial) ?
Tout cela pour 3, 4 ou 5 euros de l’heure… 🤯
Comment est-ce possible ? Fort simple. ⬇️⬇️⬇️

Vous vous souvenez de la feuille de service ? Eh bien il y est également inscrit le volume horaire supposé de la tâche. Autrement dit, depuis l’arrivée au dépôt jusqu’à la distribution finale, pour un secteur donné et un volume de pub donné, il est calculé un volume horaire

que sont censés occuper l’ensemble des opérations que je viens de rapidement vous lister. Pour mon secteur, si ma mémoire est bonne (je dois encore avoir les feuilles quelque part), cela devait requérir à peu près 12-15 h par semaine.

Rien que le temps de chargement m’en réclamait 2-3. le façonnage devait m’occuper 5 heures. Il me prenait en réalité le double. Et idem pour la distribution. Autrement dit, les feuilles de service sont calculées de telle façon qu’il est IMPOSSIBLE de tenir l’horaire.

Et vous comprenez l’escroquerie. Donner 30 heures de boulot à des gens, et ne les rémunérer que 15 (au Smic, ça va sans dire). Je n’ai JAMAIS pu tenir la cadence. Et pourtant, j’étais autrement plus en forme que la majorité des salariés de cette boîte.

Alors comment font-ils ces gens ? Eh bien, il travaillent à plusieurs (ce qui revient au même, le salaire est divisé par 2 ou 3), le mari ou les gosses aidant la femme. Ou bien il “salopent” le boulot, tout simplement (ce que je n’ai jamais fait).

Et ils vont jeter une partie de leur chargement à la benne ou ailleurs (ou les brûlent, que sais-je, parce que les cadres d’Adrexo contrôlent, bien entendu).
Vous voyez enfin où je veux en venir (outre une critique de ces conditions de travail — et de ce travail lui-même).

Étant donné les conditions de travail imposées par les cadences d’Adrexo, et les conditions d’existence des salariés, il est à supposer que ceux-ci ont agi comme ils le font parfois : en se débarrassant purement et simplement de la propagande électorale

ou bien en ne remplissant qu’à moitié les enveloppes, etc.
Et on ne peut pas leur en tenir rigueur. Ils ne sont pas eux-mêmes les gagnants de la démocratie européiste, tant s’en faut. Alors le respect qu’ils devraient au processus électoral…

Conclusion : la lésine publique, l’austérité de l’État a toujours un coût. S’en remettre à une entreprise qui agit de la sorte, avec autant de prédation, mène les scrutins à la ruine. L’immixtion du capitalisme dans les rouages électoraux ne peut que gripper la démocratie.