Avec ses annonces de ce soir, Macron a fait un choix, celui de la vaccination quasi-obligatoire de fait pour la population générale, mais sans l'imposer en droit. Inciter, mais pas obliger. Je ne comprends pas ce choix.
Quelques réflexions sur la vaccination obligatoire. ⬇️
1) La vaccination quasi-obligatoire de fait, sans l'imposer en droit
Pourquoi je dis ça : pour accéder à un spectacle, parc d'attractions, concert, festival, café, restaurant, centre commercial, hôpital, maison de retraite, établissement médico-social, avions, trains cars...
Il faudra soit un vaccin, soit un test négatif. Or les tests PCR et antigéniques vont, sauf prescription médicale, devenir payants à partir de l'automne.
Concrètement, ça signifie que vous avez trois choix :
- ne plus pouvoir entrer dans tous ces lieux,
- payer votre test régulièrement,
- ou vous faire vacciner.
(On pourrait déjà souligner une première rupture d'égalité en faveur des riches, mais passons.)
En parallèle, la vaccination sera obligatoire pour les soignants (à partir du 15 septembre) : ils ne seront sinon plus payés et ne pourront travailler s'ils ne sont pas vaccinés.
Or je ne comprends pas ces choix... Parlons un peu de vaccination.
2) La vaccination (autre que covid) obligatoire existe-t-elle en France ?
La loi prévoit l'obligation de se faire vacciner pour tout ces trucs là, à l'article L3111-2 du code de la santé publique. Mais sans sanction pour la faire respecter, une obligation ne vaut rien.
Pour les enfants, deux éléments :
-on peut déduire l'obligation de vacciner son enfant de l'obligation de le protéger (art 227-17 du code pénal)
-et l'article R3111-8 du CSP fonde le droit de refuser l'entrée en crèches etc.
Pour les adultes, l'article L3116-4 du CSP prévoyait six mois de prison et 3750€ d'amende au refus de vaccination. Sauf que Buzyn, Philippe et Macron ont abrogé cet article au 1er janvier 2018.
Donc pour les adultes (et sauf erreur de ma part), la réponse est "oui, la vaccination est obligatoire en droit, mais dans les faits, non".
Ma question, c'est : pourquoi ?
3) Pourquoi ?
Les arguments de Véran et Buzyn à l'époque se résument à "la coercition, c'est pas bien pour convaincre les antivaccins"...
M'est avis que c'est un mauvais argument : si j'étais anti-vaccin, je répondrais "si c'est pas obligatoire, c'est que c'est pas SI important que ça"
Si j'étais désinformateur, j'ajouterais même "c'est pour que l'Etat ne soit pas responsable si un vaccin me cause du tort"...
On peut se questionner sur la faisabilité d'emprisonner ou mettre une prune à tous les gens qui refusent de se faire vacciner hein. Mais je ne comprends pas pourquoi on s'est privés de cet outil. Parce que...
4) Un peu d'histoire
Pour autant que j'ai pu remonter (loi de codification du 7 octobre 1953), la vaccination obligatoire semble avoir été imposée pour lutter contre la variole, la diphtérie, le tétanos, les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes A et B et le typhus.
Et holy shit ce qu'ils rigolaient moins que nous niveau drasticité des mesures :
-destruction de maisons et de biens
-vaccination obligatoire de tous sur décision du préfet
-vaccination obligatoire des soignants
-isolement de zones géographiques circulaires.gouv.fr/jorf/id/JORFTE…
Je veux pas perdre 10 000 followers d'un coup donc je ne vous mets que les symptômes des maladies en question et je vous épargne les photos. Mais googlez les, et vous comprendrez vite pourquoi ils ne tergiversaient pas du tout à l'époque.
5) Pourquoi, en vrai
A mon avis, le vrai "pourquoi" de pourquoi on a retiré la vaccination obligatoire, c'est : parce qu'on ne voit plus ces maladies.
Ce que je veux dire, c'est que ces maladies sont extrêmement graphiques, sur le corps des victimes et/ou en nombre de corps qu'elles laissent derrière elles.
Comme on les a largement éradiquées (en France, en tout cas) par des traitements et/ou une couverture vaccinale, on ne voit plus leurs ravages et on a oublié le vrai danger que représentent ces maladies. Et on s'autorise à tergiverser avec les marchands de doute.
Idem avec le covid, qui ne se voit grosso modo pas, jusqu'à très (trop) tard. Et dont (à part les soignants) on ne voit pas les corps. La preuve ?
De quand date la dernière fois que vous avez vu une photo d'une unité covid débordée ? Des morts ?
Sans googler, vous sauriez dire si on est à 100, 110, 120 ou 130 000 morts en France ?
Et sans googler, vous sauriez dire à combien de millions de morts on est dans le monde ?
6) De la liberté de ne pas se faire vacciner
Personnellement, je ne comprends pas pourquoi on tergiverse avec les marchands de doute. A mon sens, la question de la liberté individuelle s'applique tout à fait. Mais pas dans le sens où certains l'entendent.
Oui, vous avez le droit de disposer de votre corps. Mais il y a aussi le fait que si vous mettez en danger les autres, vous abusez de votre liberté, et de la société. D'ailleurs, en droit, l'article 4 de la DDHC est constitutionnel, et prime sur l'art. 16-1 du Code civil.
En droit toujours, il y a aussi, explicitement prévu à l'article 5 de la CEDH, le fait que si vous refusez la vaccination, on peut restreindre votre liberté. Il est lui au dessus de l'article 16-1 dans la hiérarchie des normes.
Il y une analogie utile aux maladies contagieuses : imaginez que quelqu'un se balade dans le métro avec une fiole qui chaque seconde a 0.1% de chance de se briser et relâcher un truc type peste noire, qui tue en gros 1 personne sur trois.
Vous croyez qu'on tergiverserait longtemps ? (C'est fou, dès qu'on convoque l'image d'un terroriste, d'un coup, tout devient plus clair).
Accepter d'être un danger public n'est pas bien différent.
Et si on peut estimer que le covid est bien moins dangereux, il faut se rappeler qu'on ne connaît de cette maladie que sa contagiosité lorsque la planète entière porte des masques, se badigeonne de gel et se confine régulièrement. En libre circulation, le bilan serait bien pire.
Le droit est toujours une question de proportionnalité, et imposer le vaccin me paraît, au vu des connaissances scientifiques sur le virus, sur les vaccins et au vu des enjeux, totalement proportionné, comme ça l'était pour la variole, le typhus, la diphtérie, etcaetera.
C'est ne pas l'imposer, et autoriser des gens qui sont dangereux pour les autres (et pour eux-mêmes) à circuler en liberté, au prétexte de motifs fallacieux (peu importe leur bonne foi), qui est disproportionné.
7) De la lisibilité des politiques publiques
Plus encore, imposer la vaccination obligatoire (avec calendrier, aménagements, etc, évidemment) pour tous aurait été clair, bien plus que ce mix bordélique de "pas obligé mais incité, sinon tu peux pas rentrer là mais ici c'est ok".
Ca éviterait également d'avoir à rendre les tests payants, mesure qui se comprend pour inciter, mais reste aberrante du point de vue de la santé publique : on VEUT détecter les cas et les variants.
Alors bien sûr, ça exigerait une égalité des territoires et des populations dans l'accès aux tests et aux vaccins, de la vaccination volante, etcaetera, et on sait que ce gouvernement n'y pourvoit pas.
Mais là encore, c'est une question de choix politique.
Funeste, à mon avis.
(Rappel : l'abonnement fait revenir l'être aimé.)
PS : arrêtez de parler de nudge comme si c'étaient des génies de l'économie comportementale. C'est pas du nudge. Le nudge c'est utiliser vos biais cognitifs (ou plus exactement vos heuristiques de jugement) pour vous faire agir d'une certaine manière. Sans contrainte 😉
Une précision : une obligation vaccinale ne prendrait évidemment pas la forme "on vous attache et on vous pique" : personne ne l'autoriserait, et surtout, ce serait désastreux en terme de communication et donc de politique publique.
Personne (en tout cas pas moi) ne demande ça...
Une obligation vaccinale prendrait la même forme que ce qui existait (au moins en théorie, probablement extrêmement rarement en pratique) jusqu'au 01/01/2018 : vous pouvez refuser de vacciner vous ou vos enfants... mais vous risquez amende et/ou prison à chaque nouveau refus.
Par ailleurs, ça me semblait évident mais apparemment ça ne l'est pas : je ne dis pas qu'il faut recourir immédiatement à la coercition. Evidemment que la pédagogie, l'accompagnement et un travail sur l'accessibilité des vaccins sont 1000x préférables et doivent être priorisés !
Mais : 1) Je n'aime pas ce faux semblant de Macron, qui n'assume pas ce qui est de facto une quasi-obligation vaccinale. Une bonne politique publique exige de la clarté.
Je pense que c'est une erreur stratégique, pour ménager un public qui ne changera pas particulièrement d'avis s'il a le sentiment qu'on se fout de lui, comme c'est le cas actuellement.
2) Je ne comprends pas pourquoi l'Etat s'est privé de l'outil coercitif, en dernier recours.
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Vraiment, avant chaque tweet j'essaie de me demander comment je peux produire soit un truc un peu drôle, soit un élément un peu intéressant... mais là j'avais rien, juste de la fatigue.
J'ai déjà dit en quoi c'était une mascarade politique, mais par ailleurs, Castex ment : rien n'oblige à l'arrêt après la seconde lecture, le texte peut faire un aller-retour indéfiniment, jusqu'à ce que l'une des deux chambres cède à la rédaction proposée par l'autre.
VOUS ME SAOULEZ avec la vidéo de la députée LR qui veut interdire les danses aux mariages : vous êtes des gros débiles.
Ils proposent n'importe quoi qui a 0 chance de passer, vous vous indignez comme des robots, et hop ce sujet envahit le débat public... ⬇️
Et la députée (que je ne nomme volontairement pas) ? Elle est ravie, mission accomplie : jusque là elle n'était connue que pour ne pas savoir tenir l'hémicycle quand elle préside, maintenant elle va avoir a une petite aura médiatique de droitarde et son entrée sur les plateaux.
Comprenez le mécanisme au lieu de réagir comme le chien de Pavlov, merde !
@Sw3tch (En vrai, plein de câlins à Mbappé, il va se prendre des seaux de merde sur la gueule alors qu'il y est pas pour grand chose, on a tous vu le match, on sait tous qui est responsable de toutes les erreurs tactiques grossières qui nous ont fait passer de 3-1 à 3-3 en 10mn : Macron)
"Alt right" : j'entends de plus en plus souvent cette expression dans la bouche de journalistes. Je sais que leur intention est bonne. Mais je leur dis : cette expression n'est pas polie. Eh non. 1/4
A la place, dites : "extrême droite" ; "fascistes". D'une façon générale, les journalistes sont de moins en moins alertes, je sais. Or je peux vous dire que cela fait une énorme différence sur la vigilance politique de vos lecteurs. 2/4
Ne dites pas "RN", mais "parti du raciste qui torturait des gens avec un couteau SS". Parlez comme les personnes lucides que vous êtes, à coup de "néo-nazis". Pas de "ni-ni", que des "alliés de l'extrême droite". 3/4