Thread by @LintimisteMedia

#InconnusRemarquables De Mme Prévost, on ne sait à peu rien. Elle était pourtant, dans le Paris des années 1830, une star. Cette "bienveillante et aimable femme" avait installé, blotti derrière un pilier du Palais-Royal, une nano-boutique obscure où ne tenait qu’un client. ⤵️

Une boutique de fleurs. Mme Prévost est la première bouquetière de l’histoire qui ait abandonné son étal de rue pour tenir boutique. Le tout-Paris amoureux s’en remettait alors à son art de composer les bouquets, qui étaient alors la principale monnaie des affections de la ville.

Toutes ses fleurs, dit-on, exprimaient une pensée, un sentiment. Des aveux, des craintes, des serments, des rendez-vous se cachaient dans ses compositions.
Mme Prévost était donc aux premières loges pour observer les menteries et les trahisons dont étaient faites les intrigues

amoureuses du beau monde. Elle en gardait la trace dans un cahier vert, notant scrupuleusement la date et la nature de chaque bouquet, le nom de l’acheteur et celui de la destinataire, l’ensemble formant une chronique balzacienne du cycle éphémère des passions.

Le cynisme sous-jacent parfois à tout cela l’avait rendue un peu misanthrope. Elle ne détestait rien tant que les serial-séducteurs. Alors, quand elle pouvait, elle mettait sa science au service des liaisons de son goût. Une occasion exceptionnelle lui en fut donnée un jour.

Trois galants se présentèrent successivement à la boutique pour faire porter un bouquet à la même veuve désirable. Le premier était de ces consommateurs de femmes qu’elle abhorrait. Il avait l’élégance empotée du dandy manqué et des manières de rustre. Elle lui composa un bouquet

gras, grotesque, écarlate, aussi pontifiant que lui, ainsi privé de la moindre chance.
Le deuxième homme n’était ni pédant ni imbécile, mais un peu insipide. Elle lui composa un bouquet neutre, qui ne lui assurait ni le succès ni l’échec. A lui de jouer sa partition.

Le troisième… Le troisième avait 18 ans. Il était beau, et timide avec ça. Il avait tout pour lui et elle allait le faire savoir. Mme Prévost fit en son nom "un bouquet qu’on eût dit cueilli dans la prairie au mois de juin".

Bien entendu, cet arrangement gracieux, à nul autre pareil, assura le succès de l’amoureux transi. Un mois plus tard, la mignonne et lui s’épousaient.
Ce que c'est, tout de même, que le pouvoir des fleurs et d'une inconnue remarquable ! ❤️