Thread by @recriweb

#nowreading Contre Lordon. anticapitalisme tronqué et spinozisme dans l’œuvre de Frédéric Lordon, de Benoît Bohy-Bubel

Lordon : un « «post-capitalisme» [qui] reste bien un altercapitalisme qui ne s'assume pas, c'est-à-dire une variante de la société capitaliste, éventuellement « mieux régulée».

Lordon : un « «post-capitalisme» [qui] reste bien un altercapitalisme qui ne s'assume pas, c'est-à-dire une variante de la société capitaliste, éventuellement « mieux régulée»…

« Lordon développe un anticapitalisme tronqué en identifiant le capitalisme à des formes empiriques dérivées (salariat, marché, propriété privée & finance), et en ontologisant en sous-main les catégories de base du capitalisme (marchandise, travail, valeur et argent), ainsi que…

.. les catégories politiques qui dérivent de l'économie moderne (État, nation, peuple*). » (11-12)

Anticapitalisme tronqué (note) : une pseudo-critique du capitalisme, qui identifie ce dernier à certaines de ses composantes phénoménales et partielles (la finance, par exemple)…

.. L'anticapitalisme tronqué passe à côté de la critique nécessaire des catégories de base du capitalisme (marchandise, travail abstrait, valeur, argent), et confond le plan phénoménal avec le plan essentiel. » (12)

« … le plan « ésotérique » lordonien
est spinoziste, avant d'être marxien : même dans ‘Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza’, Lordon ramène systématiquement les concepts marxiens, confusément saisis, à un spinozisme structurel…

.. En nommant le Marx « ésotérique » (sans lui prêter la moindre attention, finalement), Lordon désigne implicitement la théorie critique qui pourra radicalement démonter ses constructions philosopiques et idéologiques, économicistes et naturalisantes. » (14)

« … un altercapitalisme qui s'ignore… » (15)

« … un édifice idéologique national-étatiste… » (15)

« … un projet politique assez précis : autoritaire, populiste, nationaliste et travailliste. » (16)

« … un anticapitalisme qui ciblera spécifiquement la sphère financière, pour défendre le principe d'une « économie réelle » nationale régulée. […] Lordon défend le principe d'une « économie productive » (nationale) + un principe inter-nationaliste (le tiret est important)…

.. qui induit presque une juxtaposition de « luttes » étatico-nationales,qui pourraient déboucher par exemple sur une multiplicité de protectionnismes coexistants. » Lordon « s'engage dans la défense de la sortie de l'euro, dans un cadre franco-français. » (17-18) #souverainisme

« Lordon apparaît alors comme un symptôme du temps présent, qui tend à brouiller les frontières entre réforme et révolution, aménagement et radicalité, souveraineté et liberté. » (21)

« … un réformisme économique national-étatique… » (22)

La plus mauvaise blague, c’est le « structuralisme des passions » — inspiré de l’œuvre de Spinoza — l’aune duquel Lordon interprète non seulement Marx mais également les rapports sociaux et leur histoire : « Selon Lordon, ce sont des affects (au sens spinoziste) qui rendent…

.. possible l'insertion des individus dans de telles structures salariales. Lordon se saisira des trois affects fondamentaux définis par Spinoza (désir, joie et tristesse) pour montrer la réalité « affective» du rapport salarial, auquel il réduit de manière superficielle le…

.. rapport-capital. » Ce seraient ainsi « des affects essentiellement négatifs, tristes (peur de mourir, crainte de la misère), qui rendraient possible la « mobilisation salariale», dans les premiers moments du capitalisme…

.. Durant les « Trente glorieuses», une joie « extrinsèque», liée à la consommation de masse, permettrait une nouvelle forme de mobilisation salariale. Puis à l'ère du « néo-libéralisme», une Joie « intrinsèque», liée à «l'épanouissement» au travail, et…

.. aux stratégies du néo-management, devrait rendre possible cette mobilisation*. » Bref : « un « structuralisme des permettrait de penser «les expressions locales des structures globales. » (25-27)

« Pour Lordon, un bouleversement institutionnel dans le capitalisme pourrait être associé à la modification de l'affect commun d'une « multitude »: par exemple, l'affect commun d'indignation provoquant la sédition », se substituant à celui de la peur suscitant l'obéissance… (30)

Lordon « affirme le caractère indépassable du fait institutionnel & même d'une forme de verticalité institutionnelle », laquelle « serait issue de l'immanence du social (l'affect commun de la « multitude »), mais elle supposerait aussi une « capture» (par le pouvoir) liée à un…

.. effet de transcendance, qui rétroagirait sur la « base ». » Lordon évoque même une « transcendance immanente » pour fonder l’« État » comme « une nécessité onto-anthropologique du fait vertical institutionnel » (30).

Bref : une négation absolue de la nature sociale de l’État.

En matière d’idéalisme, Lordon atteint des sommets dans La condition anarchique et sa théorie spinoziste de la valeur : « c'est l'affect qui fait la valeur ». Les valeurs (sociales, symboliques, économiques), autrement dit, n’auraient pas de « fondement premier »...  (31)

La démarche spinoziste de Lordon et son application au marxisme est dans la continuité du saccage théorique opéré par le célèbre charlatan, Althusser… pour qui, dans l'histoire des théories « matérialistes », Spinoza [fut] « un moyen de liquider la dialectique hégélienne » (33).

« Spinoza et Marx se situent à deux moments historiques distincts celui du capitalisme manufacturier et proto-industriel émergeant, et celui du capitalisme industriel installé. Ce qui peut expliquer également deux niveaux de conscience critique différents. Il ne s'agit pas de…

.. dénoncer, anachroniquement, le manque de radicalité de la philosophie de Spinoza. On peut seulement constater que la pensée de Spinoza ne fournit pas le cadre théorique le plus adapté pour critiquer de façon conséquente et radicale la modernité capitaliste » (58)…

.. Spinoza naturalise « la division du travail, les catégories d'argent, de besoin (de valeur d'usage) », ce qui « pourra justifier par la suite un formalisme économiciste. Il oppose un argent « vertueux» (l'argent comme moyen pr satisfaire des besoins) à un argent « vicieux »…

.. l'argent comme fin en soi), sans pouvoir encore saisir la négativité absolue de cette catégorie, de cette abstraction réelle produisant une inversion réelle. Spinoza, contemporain d'un capitalisme hollandais essentiellement commercial et financier, ne pouvait de toute façon…

.. à son époque, saisir pleinement la « thésaurisation rationnelle» du capitalisme et la manière dont l'argent
industriel,
devient une forme tautologique et systématiquement inversante (A-M-A')…

.. Mais précisément pour cette raison, on ne peut plus utiliser aujourd'hui ces éléments spinozistes, trop datés, pour formuler une critique sociale conséquente. » (59-60)

.. Rien d’étonnant à ce que Lordon, s’appuyant sur Spinoza, finisse « par défendre apologétiquement la valeur économique moderne, et par naturaliser les catégories de base du
capitalisme. » (61)

« Tarde se focalise d'abord sur la question de la demande, de la consommation. Il n'aperçoit pas la possibilité d'une crise de valorisation, dans la production de marchandises, et ne semble thématiser qu'une crise de la réalisation. Ce circulationnisme, comme on l'a déjà vu…

.. peut s'accorder assez bien avec un spinozisme «économiciste», qui ontologiserait la catégorie de « production». La naturalisation de cette catégorie, chez Tarde, est d'ailleurs à ce point importante, qu'il évoquera une «production de la demande»…

.. interprète cette production de la demande dans le cadre de sa psychologie économique: selon les dynamiques ondulatoires des lois inter-psychiques, des croyances et désirs seraient collectivement construits, pour produire de nouveaux désirs et de nouveaux besoins. » (88)

« L'enjeu, finalement, dans le cadre de ce spinozisme tardien, sera une économie politique de la communication. On tentera de réguler l'économie, en ménageant rationnellement des fluctuations harmonieuses entre imitation (reproduction) et invention (non-imitation, prosélytisme)…

.. De façon éloquente, Tarde propose un productivisme quasiment « existentiel »: il s'agirait d'obtenir un maximum d'effets en un temps minima. Cela concerne d'abord le temps d'attention (et donc la sphère psychique), mais cela n'est pas incompatible avec un productivisme…

.. économique au sens restreint. On tentera également de gérer les capacités mémorielles de la « multitude», pour garantir un maximum de « progrès ». De telles théorisations traduisent un souci gestionnaire. Il s'agit de produire de la transformation sociale, de la rationalité…

.. de la « non-imitation », voire de l'insoumission, sur fond de reproduction sociale et de régulation globale. […] Le gestionnaire pourrait mobiliser sa connaissance des lois de l'imitation, et de la géométrie des passions, pr orienter les « conatus » vers « l'émancipation »…

.. qu'il a théoriquement définie, en amont. Il ressemble au « sage » de Spinoza, qui serait presque un sage « par nature». Ce « sage» promouvrait plus de « rationalité» dans un « corps politique » déterminé. » (91-92)

« Les interventions médiatiques de Lordon pourraient être pensées dans ce contexte spinoziste tardien : Lordon, en se rendant visible, en occupant les temps d'attention, tenterait d'orienter les conatus de la « multitude » (de la « plèbe », du « vulgaire ») vers sa conception…

.. «rationnelle» de l'émancipation il mobiliserait sa connaissance de la géométrie spinoziste des passions pour diriger cette « plèbe » « servile passionnellement» vers des affects plus actifs. Une intervention médiatique de Lordon gère rationnellement l'indignation collective…

.. (comme dernièrement, par exemple, dans «Les connards qui nous gouvernent», publié sur le blog La pompe à phynance le 19 mars 2020), promeut géométriquement la sédition (invention), vers la constitution de nouvelles formes hiérarchiques naturalisées (régulation)…

.. Le tout au profit d'un altercapitalisme mal assumé, qui n'est pas si éloigné de la sociologie bourgeoise d'un Tarde (circulationnisme). En un sens, Lordon ressemble à un manager de l'indignation, doublé d'un publicitaire de la « noo-politique» ondulatoire. » (92-93)

Pour rire (car l’idéalisme peut faire rire) : «  L'émancipation effective, pourtant, n'interviendrait que si nous cessions d'obéir à ces gestionnaires […], et si nous saisissions le fait que nos souffrances sont non-identiques aux structures homogènes de l'intellect et…

.. de la production ; nous pourrions alors nous projeter vers de nouvelles formes de vie, non médiatisées par les catégories de la politique, de l'économie, et du spectacle modernes. » (93-94)

« Pour Lordon, même après « l'émancipation», les individus resteront des automates passionnels, en dépit de leurs efforts pour devenir plus rationnels. » (109)

« Lordon ne voit pas qu'il est pris dans des antinomies idéalistes irréductibles, et qu'il se situe du côté de ceux qui reproduisent la domination abstraite marchande. » (118)

« En affirmant la validité complète du spinozisme dogmatique, et en utilisant ce spinozisme dans un contexte «sociologique», Lordon finira par projeter insidieusement la valeur éco. moderne sur le tout de l'existant, sur ttes les « productions» psychiques ou physiques humaines…

.. Lordon développe *ontologisation la plus totale de la valeur qu'on puisse imaginer: toutes les « choses», les pensées, les actions, les phénomènes physiques, sont pensés dans le cadre d'une production, d'un auto-développement de la substance…

.. Dans ce cadre, ce sont toutes les catégories de base du capitalisme qui sont bien naturalisées (marchandise, valeur, travail, argent). L'État moderne lui-même, qui dérive de ces catégories, devra aussi être naturalisé radicalement, en toute logique. » (123)

« Lordon veut montrer qu'il n'y a pas de fondement premier des valeurs (sociales, politiques, symboliques, économiques). Car précisément, le jeu mimétique de la géométrie spinoziste des passions, tout comme les effets de capture, seraient anarchiques, imprévisibles, ondulatoires.

.. Lordon assume un relativisme des valeurs. Mais il n'est pas pour autant « anarchiste». d'un point de vue politique: au contraire, c'est parce que les institutions des valeurs sont à ce point fluctuantes, qu'il s'agirait, dans un cadre lordonien…

.. de réguler de façon plus rationnelle cette anarchie de la servitude passionnelle. Le constat « anthropologique» lordonien d'une anarchie des valeurs peut déboucher sur un autoritarisme assumé (comme on le verra plus loin). » (128)

« Il oppose à ce « structuralisme» de la valeur marxienne son « structuralisme des passions », qui serait plus à même d'articuler le local (affectif) et le global (institutionnel). Il propose ainsi une théorie « socio-affective» de la valeur économique, qui définit la valeur…

.. d'une marchandise en fonction d'un désir. Ce qui permettrait la commensurabilité des biens ne serait plus le travail abstrait, mais le désir fixé sur l'objet valorisé. Un tel désir sanctionnerait la valeur économique dans la consommation, & Lordon renonce à penser…

.. une valeur « substantielle» qui émergerait dans la production. Ce désir résulterait d'ondulations « inter-psychiques», et de fluctuations mimétiques, et serait subsumé finalement sous un « affect commun ». » (130-131)

« Sur la base [d’une] critique de la critique marxienne de la valeur, et du développement d'une théorie spinoziste « socio-affective de la valeur », Lordon défend finalement la proposition friotienne d'un « salaire à à vie »: puisque la valeur économique repose sur l'arbitraire…

.. d'un désir et d'un affect commun, celle-ci pourrait être redéfinie collectivement, vers plus d'« émancipation ». Ce ne serait plus le marché qui orienterait les désirs « valorisants», mais les institutions du salaire à vie […]. » (132)

« Il semble que Lordon considère le fétichisme de la marchandise comme simple voile des rapports sociaux, & comme simple mystification de la conscience […]. Lordon semble ignorer le fait que le fétichisme chez Marx est d'abord une inversion réelle, qui concerne la base même de…

.. la production capitaliste. À vrai dire, le « relationnalisme» au sens restreint désigne simplement un circulationnisme, qui considère que la valeur n'existe qu'en tant qu'elle est validée sur le marché. Or, la théorie marxienne du fétichisme n'est en rien un circulationnisme..

.. puisque le rapport social qu'elle cible est un rapport qui a lieu dans la production. Il n'existe pas de contradiction, chez Marx, entre la critique du travail abstrait et la critique du fétichisme. » (133)

« En se focalisant sur circulation & marché, Lordon manque finalement la complexité de la valorisation capitaliste. Il pourra rejoindre un keynésianisme soucieux d'éviter la « crise des débouchés », & ciblant obsessionnellement la finance « menaçant » l'économie réelle nationale.

.. Ou il pourra, ponctuellement, rejoindre les perspectives d'un marxisme traditionnel productiviste, en critiquant simplement les rapports juridiques de la propriété privée. » (135)

« Lordon pense ici sa critique essentiellement dans un cadre franco-français : les institutions salariales qu'il faut abolir sont des institutions françaises, elles-mêmes soumises aux « injonctions» de l'Europe « néolibérale»…

.. Lordon n'envisage jamais sérieusement la division internationale du travail, et se situe dans un cadre essentiellement protectionniste; il défend par exemple la « sortie de l'euro» pour la France…

.. Par contagion «mimétique», peut-être, d'autres nations pourraient suivre ce modèle « insurrectionnel» français, mais ce n'est pas vraiment ce qui préoccupe Lordon. » (147)

« Si l'on prend en compte, par exemple, la question de l'extractivisme au Congo, dont dépend l'industrie numérique occidentale, et qui se développe sur fond de meurtre de masses et de travail forcé d'enfants, d'hommes et de femmes, on voit bien que la critique radicale du…

.. capitalisme & de ses institutions ne peut pas se résumer à une simple critique de “l'atrophie des puissances d'agir par la normalisation qui tombe du système du pouvoir”. Car ds certains cas, on ne parle même plus de “puissances d'agir”, mais de pures & simples exterminations.

.. Lordon ne prend pas en compte toutes les situations vécues dans le capitalisme globalisé, et sa focalisation, ses “définitions”, révèlent clairement une idéologie nationaliste. » (148)

Selon Lordon, « la finance “néolibérale” “dérégulée” produirait mécaniquement un système de “concurrence” et de “cupidité”, qui serait à la fois « autiste» et “entropique”. Les solutions à cette crise du capitalisme “financiarisée” seraient essentiellement politiques…

.. Lordon défendra le principe d'une finance “serve”, qui devrait d'abord rendre des “services” à “l'économie productive”. Et il proposera, entre autres choses, une nationalisation des banques, et une “politique monétaire antispéculative”…

.. Il est ici assez proche du manifeste des économistes atterrés (2010), qu'il a co-signé, manifeste qui propose, entre autres, cette mesure explicite : “limiter les transactions financières à celles répondant aux besoins de l'économie réelle”. […]

.. Dans Vivre sans ? (2019), Lordon défend encore “l'option Mélenchon” (comme transition, peut-être), et ne dépasse donc pas complètement le cadre protectionniste et néo-keynésien. » (150-151)

« On aurait donc affaire à une critique tronquée du capitalisme, qui valorise un capitalisme régulé (essentiellement occidental), et qui dénonce simplement un capitalisme “dérégulé»”. » (152)

« Le fait de se focaliser exclusivement sur la finance pour expliquer les crises renvoie à une critique tronquée, qui prend un effet pour une cause. Finalement, si l'on veut “protéger” “l'économie réelle” contre la “finance dérégulée”, on reste dans…

.. une idéologie régulationniste superficielle et altercapitaliste. On maintient les catégories de base du capitalisme (travail, marchandise, argent, valeur), alors même qu'elles induisent précisément cette dynamique de crises. » (153)

Lordon promeut régulièrement l’abolition de la propriété privée, du marché capitaliste, du salariat, « mais en soutenant ensuite Friot,
il réhabilite finalement une “propriété d'usage”, un “marché des biens”, une valeur fondée sur la “qualification des salaires”…

.. une “mise au travail” par la hiérarchie des salaires, fondée sur quatre niveaux de qualification, un État national régulateur. Cette critique lordonienne “plus radicale” du capitalisme est bien sûr encore tronquée. » (156)

« Dans son soutien discret à Mélenchon ou à Ruffin aujourd'hui, Lordon ne peut qu'assumer une position néo-keynésienne, clairement réformiste. Or, dans ce contexte idéologique réformiste, il ne s'agit pas d'abolir le marché capitaliste, ni la propriété privée bourgeoise, ni…

.. le salariat. Il s'agit éventuellement de réguler la finance pour protéger la force de travail nationale, de défendre les services publics, d'améliorer les mécanismes étatiques de redistribution, de mettre en place une politique fiscale plus juste, etc.

.. Comment Lordon peut-il tenir ensemble une position néo-keynésienne et réformiste, et une position proche d'un certain marxisme traditionnel, se voulant plutôt “révolutionnaire” ? Lordon lui-même ne se prononce jamais clairement à ce sujet. » (157)

L'horizon politique lordonien est assez “inquiétant”- : « on aperçoit, après la “sédition”, un capitalisme d'État national et autoritaire, issu d'un populisme keynésien s'étant radicalisé. .. Et on donnerait à un tel projet le nom de “communisme”… » (159)

« Avec Lordon, il y aura toujours des institutions verticales, et donc des représentants captant l'affect commun de la multitude (cette thèse d'une nécessaire verticalité des institutions est défendue dans Imperium).

.. Mais l'idéal, peut-être, serait que ces représentants soient des “sages” (Ruffin, Lordon, Friot), susceptibles de mieux gérer la servitude passionnelle de la “plèbe” : laquelle s'orienterait progressivement vers la “raison” et la “démocratie”. » (160)

« En assignant systématiquement les “masses” à une servitude passionnelle indépassable (“masses” qu'on peut aussi appeler “plèbe” avec Spinoza), Lordon reproduit au fond un mépris social et culturel dont il ne semble pas conscient. Il se trouve qu'il s'exclut lui-même…

.. systématiquement de la “multitude”, d'ailleurs, puisqu'il la mobilise toujours, dans ses textes, comme une hypostase extérieure à lui, qui ne le concerne que comme objet d'étude : Lordon ne dit jamais “nous, la multitude”, mais il dit toujours “cela, la multitude”…

.. comme s'il l'appréhendait de l'extérieur, de son point de vue d'expert distancié et rationnel. »

Quant à voir chez Lordon — plus précisément — la catégorie marxiste de “classe ouvrière”, n’y comptez évidemment pas. Lordon y est fondamentalement étranger.

« Lordon va donc évoquer le “point L” (“L” pour Lénine). L'arrivée au pouvoir de Mélenchon engagerait des pratiques d'ordre léniniste. Dans un cadre mélenchonien, cela signifie : “réinstauration flash d'un contrôle des capitaux, sortie de l'euro, donc reprise en main immédiate…

.. de la Banque de France, mais aussi nationalisation des banques par simple saisie, et surtout suspension, voire expropriation, des médias sous contrôle du capital”»… (174)

.. Hélas, B. Bohy-Bunel semble prendre ce délire au pied de la lettre. Un prétexte semble-t-il pour glorifier une nouvelle fois la pensée de Robert Kurz et énoncer des contresens à propos de Lénine. Je passe donc.

Fin du thread.