Vendredi, le SPW MI s’est livré à un nouvel exercice de "transparence".
Pourquoi sa démonstration sur la décision prise le lundi 12/07 au #barrage d’#Eupen ne tient pas la route. Analyse.
Thread [1/59]
[2/59] La communication (de crise ?) était pourtant bien préparée, bien écrite :
"Des vies ont basculé", entame Étienne Willame, le directeur général du SPW MI, qui fait précéder son audition par un "message de compassion".
[3/59] Il est adressé "à l’attention de toutes les personnes touchées par cette épouvantable catastrophe naturelle".
D’entrée de jeu, en usant d’un discret qualificatif - il reviendra -, le cadre de la démonstration est aussi posé.
[4/59] Mais la promesse reste celle d’un "exercice de transparence" :
Contrairement au directeur du Centre de crise national, en dépit du secret de l’instruction judiciaire en cours, le SPW MI a "choisi de s’exprimer publiquement".
[5/59] Ce fil s’intéresse de près à ce moment où, lundi 12 juillet, les premières décisions sont prises par le SPW MI au barrage de la Vesdre, à Eupen.
Il ne couvre pas les autres aspects évoqués lors des 3 auditions : signaux météo, modèles, modalités de la restitution, etc.
[6/59] Dans sa chronologie générale, le DG indique d’abord que dès le week-end des 10 et 11 et jusqu’au mardi 13 juillet, la capacité de rétention des barrages de la Gileppe et d’Eupen reste inchangée :
➡️ Elle est au "double de la normale".
Nous y reviendrons.
[7/59] Il reconnaît ensuite que le lundi 12, en termes de prévisions météo, le maximum attendu très localement au sud du sillon Sambre-et-Meuse pour l’épisode à venir est bien de 150 mm/m2.
[8/59] Mais, comme pour les "alertes" EFAS, les prévisions météorologiques de l’IRM sont décrites comme vagues, imprécises, presque inutilisables :
Un max de 150 mm, c’est une certitude.
En revanche "on ne sait pas où"…
[9/59] Veut-on vraiment nous faire croire qu’au SPW MI, personne n’est en mesure :
🅾️ d’interpréter un bulletin ?
🅾️ de lire une carte météo ?
🅾️ une carte de risque d’inondation ?
🅾️ un hydrogramme ?
🅾️ ou de se méfier du plateau des Hautes-Fagnes ?
[10/59] Ce qui est important à retenir ici, c’est que, contrairement au communiqué du 6 août, ce n’est plus à la "mauvaise" prévision de 50-100 mm (celle de la prov. de Limbourg) que le SPW se réfère désormais pour se justifier.
[11/59] Pour Étienne Willame, c’est un fait :
"les barrages ont permis d’écrêter la crue" tout en assurant leur fonction 1re de réserve d’eau potabilisable.
C’est au 3e témoin du jour qu’il revient d’étayer cette affirmation dans le détail…
➡️
[12/59] Mais l’impatience a raison de plusieurs commissaires. @Christine_Mauel ou @JulienLiradelfo n’attendent pas.
Leurs premières questions portent, entre autres, sur la capacité de rétention des lacs le lundi 12 ou sur les décisions quant aux lâchers d’eau préventifs.
[13/59]
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➡️
[14/59] Stéphane Hazée @Steph_le_vert va même plus loin :
Il demande comment s’opèrent les calculs de capacité de rétention à partir des prévisions, comme celles contenues dans l’alerte jaune de l’IRM le lundi 12/07.
[15/59] Tous devront répéter leur question au moins une fois.
[16/59] Mais M. Willame finit par confirmer : "les prévisions de l’IRM étaient bien de 150 mm".
Et, surtout, "oui, ce chiffre de 150 mm est pris en considération par les équipes, tant d’un point de vue hydrologique que du point de vue des barrages".
[17/59] Pour répondre à Stéphane Hazée, plutôt que de détailler la méthode de calcul, il enchaîne alors sur la façon dont s’est "articulé" le "raisonnement" du lundi et du mardi.
[18/59] Il se fonde sur :
- le volume de la réserve d'empotement
- l’expérience des équipes
- une prise en compte des contraintes de l'aval sur une restitution "massive"
Or le lundi, "avec les 5,6 Mm3 disponibles à Eupen", le barrage était "en mesure d’accumuler les 150 mm".
[19/59] Marie-Martine Schyns @MM_Schyns a été la seule à s’étonner de la prise en compte de ces 150 mm, là où dans un très officiel communiqué de presse du SPW MI, le 6 août, il était pourtant question d’une autre valeur… : 50 à 100 mm.
➡️
[20/59] Le DG tente d’abord de justifier cette référence, déployant soudain un argumentaire plus offensif.
Mais il maintient sa déclaration : "c’est bien 150 mm qui ont été pris en compte dans les réflexions".
[21/59] Je voudrais tenter de prouver l’inverse.
Et démontrer qu’à mon sens, il est probable que ce soit sur un "malentendu" que les premières décisions ont été prises à Eupen, le 12/07.
Mais attardons-nous d’abord sur les déclarations du témoin chargé de détailler les choses.
[22/59] Responsable du dpt voies hydrauliques de Liège & barrages-réservoirs, Thibaut Mouzelard a notamment expliqué le mode de gestion de ces ouvrages (8:24:16).
➡️ Objectif 1 : maintenir une réserve d’eau à même de satisfaire les besoins au cours de 2 années sèches successives
[23/59] On travaille pour cela avec des "courbes de manutention".
Elles figurent, mois par mois, le volume d’eau minimum à stocker (zone marron).
[24/59] Depuis 1988, au sommet du graphe, figure un espace vide : la "réserve d’empotement", un volume qu’il faut laisser libre toute l’année et qui sert à écrêter les crues.
[25/59] L’inspecteur général va insister, lui aussi, sur cette capacité de rétention au "double de la normale" :
> Lundi 12/07, 5,6 Mm3 sont en effet libres (vs une réserve d’empotement min. fixée à 2,8 Mm3).
> D’après le SPW, ils pouvaient accueillir les 150 mm prévus par l’IRM.
[26/59] Ce jour-là, le "raisonnement" se base sur :
✅ les prévisions
✅ le volume de la réserve disponible
✅ l’expérience de crues précédentes
L’ingénieur de garde "prend attitude et estime qu’il n’est pas nécessaire de modifier la restitution".
[27/59] Curieusement, ce raisonnement *a priori* ne sera pas reproduit devant la Commission.
On lui préfère une démonstration *a posteriori*, mais assumée comme telle.
[28/59] Grosso modo, on explique, graphe à l’appui, qu'à Eupen, le cumul de 150 mm annoncé lundi par l’IRM est atteint entre 14h (pluvio Jalhay) et 21h (Ternell)…
… Alors que le lac, lui, atteint sa cote max. après que ces 150 mm sont tombés (22h43)
➡️
[29/59]
"Ceci valide donc la posture qui a constitué [sic] à ne pas procéder à un lâcher préalable", conclut Thibaut Mouzelard.
[30/59] Dépassement de la réserve d’empotement : à quoi la faute ?
À cette "cellule", décrite par M. Willame à plusieurs reprises, qui s’est "acharnée" sur les Hautes-Fagnes et qui a déversé "dans la nuit" 70 mm en qq heures sur le bassin versant du lac.
[31/59] Nota Bene :
🅾️ le pluviomètre de Jalhay correspond + au bassin versant de la Gileppe que d’Eupen…
🅾️ l’averse enregistrée par le pluviomètre de Ternell a lieu entre 20h30 et 0h et non "au plus fort de la nuit".
[32/59] Or on savait depuis l'alerte rouge IRM du matin que ces pluies supplémentaires étaient susceptibles de tomber !
Et qu’elles viendraient porter les cumuls à ces valeurs folles, proches des 250 mm.
Le SPW l’avait bien compris :
[33/59] Sans compter que la veille, mardi 13 juillet, le SPW reçoit de l’IRM, via son modèle ALARO, une prévision de cumuls maxima de 190 mm, réservée aux hydrologues du pays.
[34/59] On constate aussi que, pour une démonstration a posteriori, le SPW est manifestement en mesure d’interpréter une carte de cumul de précipitations.
Une carte fort similaire était pourtant disponible en ligne lundi midi : celle du run de 0h du modèle ECMWF (cf. supra).
[35/59] Pour cette audition, c’est cette fois au tour d’Anne Kelleter @Wirrkopfeline d’interroger le témoin sur ce "raisonnement" et sur le calcul effectué afin d'estimer la réserve disponible pour faire face aux 150 mm prévus par l’IRM.
[37/59] Ils devront aussi répéter leur question.
Et seront encore suivis par Stéphane Hazée…
[38/59] M. Mouzelard confirme, avec le même ‘wording’ que son supérieur :
Pas question de "calcul", mais bien d’un "raisonnement" dans lequel "oui, bien entendu, les prévisions sont prises en compte".
[39/59] Quelles ont été les prévisions prises en compte pour prendre les premières décisions au barrage d’Eupen ?
Les témoins garantissent qu’il s’agit bien du cumul de 150 mm annoncé par l’IRM le lundi.
Qu’en est-il au juste ?
[40/59] Curieusement, devant la Commission, aucune mention des crues de référence qui, couplées aux prévisions, fondent le "raisonnement" du SPW MI.
Or, dans le communiqué de presse qu'il diffuse le 6 août, on parle bien de celle des 8 et 9 juillet 2004.
[41/59] La "prévision était similaire" et la crue avait été "totalement absorbée" par le barrage, qui disposait d’une réserve "comparable à celle de la mi-juillet 2021".
Que donnait cette fameuse prévision ?
[42/59] Elle ne figure en tout cas pas dans la liste des événements météorologiques remarquables depuis 1901 publiée par l’IRM :
[44/59] Lundi 12 juillet, c’est donc bien la fourchette de prévision de l’ordre de 50 à 100 mm qui a servi de référence au SPW pour ce "raisonnement".
Une prévision qui valait, pour rappel, pour la province de Limbourg, et non pour les Hautes-Fagnes.
[45/59] La réserve d’empotement en 2004 était alors comparable à celle de juillet 2021. Elle avait permis d’absorber la crue…
Les témoins auditionnés ce vendredi 01/10 ont beaucoup insisté sur le fait que mi-juillet, elle était même "au double de la normale".
[46/59] Elle était certes au double de la réserve minimale fixée dans les années 1980, mais il semble qu’il y avait une marge par rapport au seuil saisonnier du mois en cours.
Surtout quand on compare la situation de 2021 à celle de 2020...
[47/59] En examinant la courbe de manutention des eaux du barrage d’Eupen, on voit qu’en 2020 la courbe du niveau du lac suit d’assez près les seuils saisonniers, et qu’en juillet 2020, la réserve d’empotement était bien plus ample que cette année.
[48/59] Ainsi, le 12 juillet 2021, si la réserve d’empotement du lac du barrage d’Eupen se situait bien au "double" de la valeur minimale fixée...
... par rapport à celle du seuil théorique de juillet (qui correspond à un niveau de 349 mètres), elle était presque 3x moindre.
[49/59] En voici une version plus lisible, déjà évoquée (
[50/59] Or, le 12 juillet, le niveau du lac était d’environ 356 mètres.
Il était de 352 mètres en juillet 2020.
[51/59] Certes, Thibaut Mouzelard a précisé que "ce n’est pas pcq on pourrait se tenir, d’après la courbe, proche du minimum soutenable que c’est ce qui doit être fait".
La gestion "nécessite de garder un niveau suffisamment haut pour pv faire face à des sécheresses".
[52/59] Lors de l’audition du SG du SPW MI le matin, Christine Mauel avait rappelé qu’on ne se situait pourtant pas dans une année de sécheresse et qu’il y avait peu de risque compte tenu de l’état des aquifères.
[53/59] On comprend mieux maintenant pourquoi, sans doute, le ministre Henry avait initialement déclaré que le barrage était "à moitié plein" avant les événements de la mi-juillet, alors qu’il était rempli à un peu plus des 3/4 : 77,32 %.
[54/59] Enfin, on comprend mieux aussi tout le sens de la réaction de Sabine Laruelle en Commission.
Elle semble avoir immédiatement réalisé la "supercherie" : "Pour moi, le rôle d’écrêtage n’a pas joué à plein".
[55/59] Le SPW et ses ingénieurs effectuent-ils pour autant un "calcul" pour prendre leurs décisions de délestage ou ne se fondent-ils que sur l’expérience des crues passées ?
C'est encore à, éclaircir, mais plusieurs personnes se sont déjà essayées à un tel exercice.
[56/59] Notamment la rédaction du Soir, pour qui "même avec 200 mm […] on n’aurait pas pu remplir le lac s’il avait été à moitié vide au départ".
[57/59] Ou encore Damien Ernst @DamienERNST1.
Il considère les bons paramètres météorologiques, utilise le même coefficient de ruissellement jugé "prudent" par les chercheurs interrogés par Le Soir et par la Commission.
[58/59] Dans quelle mesure une vidange partielle préventive aurait-elle atténué les conséquences de la crue des 14 et 15 juillet ?
Difficile de répondre avec certitude, évidemment, mais sans doute...
[59/59] L’autre question, désormais rhétorique, c’est celle déjà posée le 8 août dernier.
Alors, pour la seconde fois : est-ce sur un "malentendu" que les décisions ont été prises le 12/07 ?
[60/59+1] On comprend de la réponse donnée à François Desquesnes, qui avait proposé un calcul de volume entrant à partir de 150 mm et d'un ruissellement de 100% (vol qui devait donc être nécessairement libre le 12/07), que ./...
[61/59+2] ... la très petite taille des bassins versants et la faible granularité des prévisions météo rendent impossible un tel calcul.
La décision de restituer ou non repose exclusivement sur une comparaison entre la réserve d'empotement et le profil des crues précédentes.
[62/59+3] C'est quoi qu'il en soit la réponse apportée par le SPW MI...
... Ce qui n'empêche pas de se livrer, comme lui, à de tels calculs, même a posteriori.
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Réalité ou fiction ?
Ce que révèle un exercice de gestion de crise de 2011 sur le scénario idéal, les cartes et les procédures en cas d'inondation extrême en Wallonie.
Thread [1/34]
[2/34] Éloignons-nous un peu des barrages.
Et faisons de nouveau un bond dans le temps, voulez-vous ?
Passé ou futur ? Je ne sais pas.
16 novembre 2050 : Les pluies sont extrêmes. Dinant est surprise par une crue centennale.
[3/34] Il est 19h30, ce jour-là... en 2011.
Capucine coordonne la planification d'urgence de la Ville. Les eaux montent.
Elle explique que les caravanes des bords de Lesse ont déjà été évacuées.
Elle attend de nouvelles données pour procéder à d’éventuelles autres évacuations.
Ce n'est pas un fantasme : on l'appelle aussi "onde de crue" ou "front d'onde".
Elle peut se propager en aval d'un barrage suite à une rupture ou une "vidange rapide".
[2/40] On a beaucoup parlé du déchaînement de la #Helle et de son rôle potentiel dans la formation des deux "vagues" observées à Béthane (chez Corman), Verviers ou Pepinster dans la nuit du 14 au 15 juillet.
[3/40] Ce fil s'intéresse au barrage de la #Vesdre en s'appuyant sur une publication de 2016 issue des actes d'un colloque sur la sûreté des barrages et consacrée à celle des barrages-réservoirs en Wallonie.
Le Soir rapportait vendredi les critiques dont font l'objet les cartes des "zones inondables" en Wallonie.
Et avance qu'elles "devront être corrigées".
[2/31]
✅ Aléa d'inondation
✅ Zones inondables
✅ Risque d'inondation
✅ Risque de dommage
Elles portent tous ces noms parce qu'elles sont toutes différentes (mais pas tant que ça).
⏩ Passer directement à [10/31] pour aller à l'essentiel.
[3/31] Elles font partie de 2 ensembles aujourd'hui régis par un AGW (10/03/2016) "adoptant les PGRI en ce compris les cartographies
☑️ des zones soumises à l'ALÉA d'inondation et
☑️ du RISQUE de dommages dus aux inondations"
[2/5] "Nos agents n'ont effectivement pas rendu visite aux Verviétois pour les avertir et les évacuer", précise le chef de corps de la zone de police #Vesdre. ./...
[3/5] ... "Le 14/07, le gouverneur de Liège a distribué une carte sur laquelle sont indiquées les zones inondables. Cette carte daterait de 2013. Verviers n'y était pas indiquée. [...] Il n'y avait pas d'ordre d'évacuer. Nous ne pouvons pas décider nous-mêmes."
#Inondations Un récit de 1936 et 1 article de 1960 pourraient-ils permettre de comprendre la formation des vagues observées à #Verviers et #Pepinster la nuit du 14 au 15/07 ?
Les conditions sont similaires.
Le parallèle est saisissant. #Vesdre#Helle#Soor#Eupen
Merci @marcodzo
@marcodzo 1936 : Après un bref et violent orage sur les fagnes, "la Soor a subi une crue brutale et immédiate. Une heure après la fin de l'orage, le flot arrivait à Eupen, 1h et demie plus tard, il se marquait à Dolhain, et deux heures encore plus tard, on pouvait l'observer à Verviers"
1952 (accident du tunnel de la Soor) : "Les personnes travaillant devant l'entrée du tunnel au moment de la catastrophe ont parlé d'un véritable mur d'eau haut de plusieurs mètres qui serait arrivé environ 20 minutes après le début de l'orage."
#DeuilNational#inondations ⚫🇧🇪 Le 14 juillet dernier, en #Belgique, on décidait d’ouvrir, in extremis, en pic de crue, les vannes d’un #barrage arrivé à saturation, pour éviter qu’il ne faiblisse voire qu’il ne cède. 1/7
Par arrêté provincial, on ordonne alors l’évacuation préventive, avant 17h, des zones à risque des 3 1res communes en aval : Eupen, Baelen et Dolhain-Limbourg. 2/7
Pour les communes suivantes, dont #Verviers et #Pepinster, "normalement, il n'y a pas de vague qui doit venir", leur dit-on : elles ne "devraient pas être impactées de manière significative". 3/7