Thread by @c_politi

Jour 19 au procès des attentats du #13novembre2015. Aujourd'hui, après avoir entendu les victimes du stade de France et des fusillades des terrasses, la cour d'assises spécialement composée va commencer entendre celles du Bataclan. Cela va durer près de 4 semaines

Avant que le procès ne reprenne, je vous conseille vivement de lire le papier de ma collègue @helenesergent sur les victimes du Comptoir Volaire 20minutes.fr/justice/314107…

Tous les accusés sont dans le box. "L'audience est reprise, veuillez vous asseoir", entame le président de la cour d'assises spécialement composée, Jean-Louis Périès #13Novembre2015

On entend d'abord Jean-Charles, petite moustache, veste en cuir. Il venait d'arriver ce soir-là à l'Apérock café, le gérant était un de ses amis proches. "On allume une clope et c’est là qu’ils sont arrivés. Au début on a cru à des pétards... comme tout le monde."

Jean-Charles affirme avoir vu 4 terroristes. « J’insiste sur le chiffre 4, c’est pas des rumeurs, des on-dit. » Le pres insiste sur le fait que la majorité des témoignages et les investigations semblent prouver qu’ils étaient 3. « Vous êtes vraimt certain d’en avoir vu 4 ? « Oui»

On entend maintenant Irmine, 55 ans. En tailleur noir, carré blond. Elle était dans l'entrée du #Bataclan. "A un moment je me retrouve au sol, face contre terre, dans le noir. J’entends un homme d’une voix juvénile crier "la France n’a rien à faire en Syrie". " #13Novembre2015

Irmine: "Dans ce cas là, on a envie de rentrer dans le sol, on ne sait pas si on est vivant ou mort. On a qu’une envie c’est de ne pas être touché, mais on sait pas si on l’est, on n’a plus trop de notion de son corps." #13Novembre2015

Irmine reste au sol un moment, sans savoir combien de temps. Tout à coup, elle entend une voix, probablement "didi", le vigile qui dit "ils sont sûrement en train de recharger leurs armes, c’est le moment de sortir» #13Novembre2015

Irmine voit alors son ami au sol. « Sa tête est méconnaissable. J’essaye de stopper l’hémorragie de sa tête." Elle ne veut pas le laisser là. "J’essaye de le prendre par les jambes, le tirer. J’arrive pas." Elle pleure. "Je veux pas le laisser là, c’est horrible." #13Novembre

Elle se résout finalement à partir, pensant à son mari et ses enfants. Elle se retrouve dehors, rentre dans une voiture pour s'éloigner puis est finalement accueillie par une famille. "J’avais les mains pleine de sang, je savais même pas si j’étais blessée." #13Novembre2015

Elle a reçu plusieurs éclats de balles notamment dans la poitrine et au poignet. "J'ai eu de la chance." Le président la reprend gentiment, lui de ne pas minimiser ses blessures. « Il y a des cicatrices de peau et de coeur et d’âme », confie-t-elle. #13Novembre2015

On entend Jean-Charles, 40 ans. Barbe courte, veste en jean. Il était au Bataclan avec sa compagne et 5 amis ce soir-là, il croise une dizaine de connaissances. Lorsque les tirs ont commencé, il était ds la fosse, s'apprêtait à aller fumer une cigarette avec sa compagne.

Il tombe nez-à-nez avec les assaillants, voit les "flammes sortir de leurs armes". Rapidement, les gens se mettent à hurler, à fuir. Lui tombe au sol. "Je me suis retrouvé au sol près du milieu de la fosse, prostré sans aucune possibilité de me protéger ou fuir." #13Novembre2015

Il aperçoit sa compagne tenter d'atteindre la sortie, mais les tirs reprennent à ce moment-là, il ne la voit plus. Il reste alors allongé, "j’avais que le son, j’avais pas l’image, je me couvrais le visage." #13Novembre2015

Mea culpa, il s'agit de Jean-Marc et non de Jean-Charles.

Il raconte, très ému, des sanglots dans la gorge, que le téléphone de son voisin sonne. Il est exécuté. Le sien se met à vibrer, il tente de se décaler pour que le bruit n'attire pas l'attention des terroristes. « J’ai senti des douilles tomber sur ma tête. » #13Novembre2015

Il reste dans la fosse jusqu'à ce que la police les évacue. "Quand je me suis redressé, un des policiers m’a demandé d’ouvrir ma veste pour vérifier que je n’étais pas un danger." Il peine alors à retrouver ses esprits.

Il retrouve ses amis dehors. « J’ai essayé de comprendre pourquoi mes amis et moi on était encore vivant (…) Je n’avais pas de raison de me plaindre, je me disais qu’une fois le choc passé ca irait mieux. Ce n’est pas forcément le cas." #13novembre

Emu, il confie également à la cour sa colère "contre les assaillants, son pays" mais aussi ce sentiment de culpabilité. "Coupable d’être encore en vie et de ne pas l’apprécier à sa juste à valeur" #13Novembre2015

On entend maintenant Cédric. Il avait alors 37 ans. Bras tatoué, yeux bleus perçants. Il venait d'arriver au concert avec sa compagne quand il entend les bruits, sent de l'agitation derrière lui. "Je me retourne, je vois des éclairs." Ils tentent alors de prendre la fuite.

Cédric tombe ds le mouvement de foule. "J’avais la jambe droite écrasée par tout le monde." Au moment où il voit l'un des terroristes rechargés, il dit à ceux qui l'entourent, dont sa femme, de fuir. Ce qu'elle fait, lui ne peut se lever. #13novembre2015

Il se met à ramper, il ne sait pas si sa femme a pu sortir. Les terroristes tirent, au coup par coup, sur les victimes.
Ils ns "tiraient comme des lapins". Ils racontent avoir assister à l'agonie des blessés, "cette personne que j’ai entendu pendant 2 heures s’étouffer"

Quand la BRI arrive, il se voit mourir, a du mal à croire que ce sont réellemt des policiers. Dans la rue, il cherche désespérémt sa femme, fait les bars, les cours pr la retrouver en vain. Puis pdt 45 min, il regarde parmi les cadavres, les blessés. Il la voit finalement sortir

Cédric a arrêté les psys en 2019. "Il a fallu enlever cette culpabilité d’être vivant, de n’avoir rien pu faire, il a fallu enlever cette colère, cette incompréhension. Toutes ces images. Entendre des gens qui meurent pendant deux heures." #13Novembre2015

Cédric se tourne vers les terroristes: "Est-ce que vous avez vu des gens mourir dans les yeux? (...) Vous êtes en colère contre un Etat. Mais pourquoi nous ? C’est de notre faute, nous on n'était pas militaire." #13Novembre2015

On entend maintenant Clarisse, elle avait 24 ans en novembre 2015. Les cheveux relevés en chignon, les traits fins, elle se balance à la barre. Elle parle vite, vite, probablement pour cacher son émotion. #13Novembre2015

Cette fan de rock était avec 2 amis au concert. A 21h47, ils s'apprêtaient à aller à la supérette pr acheter des bières, "stratagème d'étudiants fauchés", quand "un son assourdissant déchire le silence de la nuit". Les terroristes sont alors ds la rue et se rapprochent.

Elle comprend, ds les yeux du videur, le danger. "Ca tire une, deux, trois, quatre fois. Ils sont là. Ils arrivent." Ils ne peuvent pas sortir, court vers la salle de concert. "Et là je suis prête, j’attends de me faire tirer dans le dos, ils sont derrière." #13Novembre2015

"Je cours vers la fosse, je suis en pilote noire. Je pousse des gens, je renverse des bières, je m’en veux de renverser des bières." Les tirs confirment ses craintes. "Ds mon malheur, j’ai eu de la chance, j’ai eu le temps de réfléchir à ce que je dois faire." #13Novembre2015

Allongée dans la fosse, Clarisse attend que les terroristes rechargent leurs armes pr gagner la porte qu'elle a repéré. Dans sa tête, 1000 questions se bousculent, les pensées qui s'entrechoquent, elle s'inspecte les membres pr savoir si elle est blessée. #13Novembre2015

Qd les tirs cessent qqs instants, elle se précipite vers la porte. Mais elle est bloquée. Ac d'autres, ils parviennent à l'ouvrir mais il ne s'agit pas d'une issue de secours. Elle se retrouve ds une loge. "Quelle mort de merde, je vais mourir dans une loge pourrie", se dit-elle

Par instinct de survie, elle va ds les toilettes et "défonce le plafond à coup de poing comme une furie. Je suis la 1ere à monter, à arriver dans ce plafond." Une cinquantaine de personne la suivent, rampent entre les fils électriques et la laine de verre. #13Novembre2015

Elle restera 4 heures ds une salle d'aération avec un homme de l'âge de son père qui la rassure. "Son père protecteur", comme elle l'appelle.

Vers 1h30 du matin, la BRI les fait évacuer. "Quand les M. de la BRI sont venus nous chercher, j’avais peur qu’ils me prennent pour une terroriste sans émotion." Elle met du temps à pleurer, à sortir d'une phase de déni.

Puis vient une "descente aux enfers", conduite à risque, abus d'alcool, perte de sens... "Vous m’avez voler le plaisir de vivre facilement, sans angoisse." #13Novembre2015

A la fin du témoignage, le président de la cour d'assises l'interroge: "Vous avez conscience que vous avez sauvé beaucoup de personnes?" "C'est ce qu'on m'a dit", sourit Clarisse. #13Novembre2015

L'audience est suspendue quelques minutes

L'audience est reprise. On entend Helen, un tee-shirt "Love always wins". Elle a un fort accent anglais, elle travaillait ce soir-là, avait une entreprise de cattering, faisait la cuisine pour les artistes. Elle est très émue.

Elle est plaquée sur l’estrade par Nick Alexander, l’« amour de sa vie». Il tenait un stand de tee-shirt à l’entrée. « Il me dit, je vais mourir ce soir ». « Je lui dis mais non, tu vas pas mourir. » #13novembre2015

Il est blessé, elle supplie les spectateurs de l’aider à évacuer son compagnon. Elle reste avec lui. « Je lui dis, je vais pas te quitter, jamais. » #13Novembre2015

Elle est touchée aux jambes. Son compagnon est touché au ventre. "Il commence à me dire « j’ai du mal à respirer »". Elle lui fait du bouche à bouche. "je lui dit, nick réveille toi. Je vois que sa peau est très froide et on est allongé dans une flaque de sang." #13Novembre2015

Elle se résout finalement à sortir pour aller chercher de l'aide. "Je savais qu’il était décéder mais j’étais pas convaincue. Je l’embrasse." Malgré ses blessures, elle parvient à se mettre debout et sortir. Son chirurgien lui a dit qu'elle avait perdu 4 litres de sang.

On entend maintenant Edith, 43 ans. Elle tremble de tout son soûl au moment de prendre la parole. Témoigner, "ça me pose un problème de légitimité. Je suis entrée dans le Bataclan, j’y suis restée un bon moment. J’en suis sortie vers 23h15, indemne physiquement."

Au moment de l'évacuation, la BRI leur intime l'ordre de ne pas regarder: « La marre de sang qui se situe en bas de l’escalier, elle est colossale, elle est épaisse, elle est noire. »

Au moment de sortir, le médecin de la BRI dit: "'les valides levez-vous'. Personne ne s'est levé. C'est effroyable, c'est gravé dans mes rétines pour le restant de mes jours. Je ne crois pas qu'il y ait de mots." #13Novembre2015

Edith n’appelle pas son mari en premier. « Je ne sais toujours pas pourquoi... J’appelle un ami pour lui que je ne serais peut-être pas au travail lundi. »

Après les attentats, elle envisage un instant le suicide pour faire cesser la douleur. A la barre, elle raconte le syndrome du stress post-traumatique, l'insomnie, l'hypervigilance, les cocktails d'anxiolytique pour faire "cesser les voix". #13novembre2015

En 2016, Edith découvre qu’elle est enceinte, une grossesse par le passé désireuse. Mais "je ne peux pas imposer ca à un autre enfant", explique-t-elle, se qualifiant de "mère défectueuse". Elle avorte.

Elle finit par perdre son boulot, elle est licenciée pr inaptitude. "Mauvaise mère, mauvaise épouse, mauvaise dans mon boulot." Ils n'ont plus les moyens de vivre à Paris, finissent pas déménager. #13Novembre2015

Ce live-tweet va s'interrompre pour cause de papier à écrire. A retrouver ce soir sur @20Minutes