De retour au procès des attentats du #13Novembre2015 pour une nouvelle journée consacrée aux auditions des parties civiles du Bataclan.
En attendant que le procès reprenne, je vous conseille de lire ce papier de ma collègue @helenesergent sur l'audience de mardi 20minutes.fr/justice/314625…
L'audience est reprise. #13Novembre2015.
Avant d'entendre les parties civiles du Bataclan, on entend une femme, sœur d'une victime de la Belle Equipe qui souhaite se constituer PC. Le président lui accorde de dire quelques mots "même si ce n'était pas prévu".
"Il y a plus de cinq ans j’étais tellement dévastée par la perte de ma sœur, je n’ai pas fait les démarches jusqu’au bout." #13Novembre2015
"Je pensais que la douleur était moins vive et que j’apprendrais à vivre avec elle. (...) Ma mère est morte littéralement de chagrin d’avoir perdu son aînée pratiquement deux ans jour pour jour après la mort de ma sœur."
On entend maintenant Véronique, elle a perdu sa fille au Bataclan. « Claire est mon enfant unique, je l’ai élevée seule depuis ses six ans. Elle avait 23 ans. » #13Novembre2015
En nov 2015, Claire a fini son école de commerce et va entamer un doctorat de philosophie. "Elle était passionnée de rock, gardait l’espoir d’enfant", explique sa mère qui lit un texte.#13Novembre2015
« Ne nous attends pas ce soir, nous sortons », lui lance le matin sa fille, avant de partir au travail. Elle va au concert ac son petit ami, Cyril. Vers 23h30, alors qu'elle dormait, c'est un message de la mère de ce dernier qui la réveille et lui annonce que sa fille est blessée
La sœur de Cyril arrive chez elle au même moment pour ne pas qu'elle soit seule. Lui arrive dans la nuit, explique que sa fille a été touchée en haut de la cuisse, qu'il a essayé de l'extirper, l'a installé à un endroit où elle pourrait être rapidement prise en charge.
Elle raconte le long chemin de croix pour tenter de retrouver sa fille. Le tour des hôpitaux tout le we. La permanenace des Invalides, pas de réponse. Lundi 16 nov, elle appelle l'institut médico-légal. « Inutile de vous déplacer, on ne vous donnera aucune information ».
"C’est seulement le mardi 17 nov, vers 20h, qu’on m’annonce que ma fille était décédée. Ce qui me dévore le coeur, c’est que tous ces jours, j’ai cru que ma fille était quelque part dans le coma, nous identifié", raconte Véronique
« Je dois lutter pour garder la douleur à distance, y compris dans ma propre famille, c’est une pudeur que chacun s’impose. », explique-t-elle .Pendant qu'elle parle des photos sont projetés sur un écran géant.
On entend maintenant Caroline, 37 ans. Elle était au Bataclan ce soir-là avec son compagnon, Nicolas. Comme ttes les victimes, elle raconte la détonation qu'elle prend pour des pétards, puis les "éclairs" qui sortent des armes.
"J’aperçois Nicolas qui blêmit et suffoque. Je comprends ce qui arrive. (…) je lui demande de parler mais il ne me répond pas. A ce moment là, je ne comprends pas que c’erst un attentat. » Ce n’est que lorsqu’elle tombe au sol, entraînée dans la chute de son compagnon."
Caroline: "Je suis dans une zone à découvert, je suis très exposée. Je me colle contre le corps d’un homme qui ne bouge plus." Elle n'aperçoit plus son compagnon, juste derrière elle. « Les rafales reprennent, j’ai l’impression que ca ne finira jamais » #13Novembre
Caroline raconte: "Ils visent, ils tirent, ils visent, ils tirent. (...) Leur visage est calme, détendu et satisfait. C’est le visage de la banalisation du mal." #13Novembre
A un moment, elle voit un groupe de personnes s'enfuire. « D’un bond je me relève, je sprint, je cours vers l’entrée principal, dans l’entrée, il y a des corps au sol » Dehors, elle se rend compte qu'elle est blessée au bras. #13Novembre
Caroline poursuit: «Prise de remords, je me dis qu’il faut que je retourne, que je ne peux pas laisser Nicolas là-bas. » Elle est retenue par un homme qui lui dit de ne pas y retourner. "J’ai dû me résoudre à laisser Nicolas seul."
Elle apprendra le lendemain qu'il est décédé, elle sera opérée quelques heures plus tard. « Le traumatisme, c’est de retrouver sur la table les restes d’une soirée passée ensemble, le 12 novembre, les verres et les assiettes que nous avions eu la flemme de ranger. »
« J’ai dû repenser ma vie sur les restes sanglants de ce 13 novembre. » Caroline raconte la longue reconstruction. L'impossibilité de vivre seule pendant 1 an, de travailler pendant un an, de prendre le métro pendant 2 ans... #13Novembre2015
Caroline: "La haine et la colère ont été ma boussole, elles ont été des étapes nécessaires dans ma reconstruction. Aujourd'hui, je suis apaisée et c'est parce que je vais mieux que j'ai pu laisser ma colère et ma haine derrière moi."
J'ai bcp de retard dans ce live-tweet, mais après avoir entendu la mère de Nicolas Classeau, entourée de 2 des trois enfants de la victime. Elle apprends sa mort le samedi midi « J’aurai voulu crier, me rouler par terre, mais j’étais dans un tramway, y avait plein de monde »
Jocelyne ne veut pas pas voir le corps de son fils, ni à l'IML, ni à son enterrement. « Il était tellement vivant Nicolas que je ne voulais pas le voir mort. Maintenant, il repose dans 2 m² au père Lachaise. » #13Novembre2015
« J’ai des regrets de ne pas lui avoir dit simplement que je l’aimais, on n’avait pas pris l’habitude de ne se dire ces mots là, on se le disait autrement », confie-t-elle, la gorge nouée.
Jocelyne conclut: « Je ressens une peine immense devant la souffrance de mes petits enfants ». Elle pleure, ses deux petits enfants, à ses côtés, la réconforte, la prennent dans leurs bras. #13Novembre2015
C'est ensuite au tour de Delphine, sa première compagne, mère de ses 2 premiers enfants qui s'avancent à la barre. Ses deux fils l'entourent, comme ils ont entouré leur grand mère. Ils ont aujourd'hui 17 et 21 ans.
Le soir du 13 novembre, elle envoie un texto à Nicolas pour prendre de ses nouvelles. Il ne répond, ça l'inquiète, ce n'est pas normal. Ce n'est que le lendemain, au petit matin, que Caroline, qu'on a entendu toute à l'heure, l'avertit que Nicolas a été blessé au Bataclan
Elle part faire le tour des hôpitaux pour tenter de le retrouver. Ses fils à ce moment-là, ne se doutaient de rien. Vers midi, elle décide de rentrer chez elle, à Montreuil. « Je dois parler à mes fils. Je cherche mes mots dans la voiture, je répète. »
Elle leur dit alors que leur père a été blessé, qu'ils sont en train de le chercher. "Ma voix est froide, nette, comme si j’étais sur un plateau télé". Deux heures plus tard, son beau-frère leur annonce qu'il est mort.
Delphine raconte: "Je raccroche, je cris, papa est mort, papa est mort. Je les prends dans mes bras, je ne sais pas quoi leur dire. Je leur dis que je les aime."
C'est très dur de retranscrire la puissance de ces témoignages, ce récit polyphonique sur la mort de Nicolas, toutes ces strates de douleur.
« Depuis 2015, j’accompagne mes fils dans un difficile parcours", explique Delphine. Et d'ajouter qu'il n'y a "rien de pire pour une mère de voir des enfants avoir du mal à se lever".
Elle raconte les crises d'angoisses, les troubles de la concentration, les cauchemars, l'hospitalisation de son cadet, en 3e, après des pensées suicidaires, les décrochages scolaires...« Depuis nous sommes contraints de réparer les vivants et d’apaiser les douleurs. »
On entend ensuite Nino, 21 ans. Le fils aîné de Nicolas, tué au Bataclan. Ce soir-là, il dinait avec une partie de sa famil qd il reçoit les 1ere notif. Vers 23h, il envoie un texto « Coucou papa, tu as vu ce qu’il se passe. Il ne m’a jamais répondu » Il pense alors qu'il dort
Vers midi, le lendemain, sa mère leur demande de descendre, il sent tout de suite au son de sa voix que qqch ne va pas. "Ma mère nous annonce que mon père était au bataclan et qu’on est en train de le chercher dans les hôpitaux. Je sens au fonds de moi que c’est trop tard."
Deux heures plus tard, la confirmation tombe. "Ma mère nous appelle avec un cri que personne ne souhaite ensemble ici. Je tombe, je m’écroule, je ne peux plus me lever." Il raconte la sidération, sort dans la rue, hurle qu'ils l'ont tué, s'écroule.
Il retourne au lycée, 3 semaines plus tard, se sent différent des autres. A la barre, il raconte ce décalage, les troubles de la concentration. Il envisageait d'aller en médecine, ce projet lui semble impossible.
« Dès que je ferme les yeux, j’ai l’impression de voir mon père se faire tuer une bière à la main », explique-t-il. En revanche, il n'a jamais arrêté d'aller au cinéma, dans des concerts, d'écouter de la musique.
Son petit frère témoigne à son tour. Il a 17 ans, en terminale. « J’aurais préféré travailler ma dissertation de philosophie... », entame-t-il. A l'époque, il avait 11 ans. Ce 14 novembre constitue "une rupture de mon enfance avec le jeune garçon que j’étais."
"Quand j’apprends le décès de mon père, l’espoir qui s’enlève de tous les sentiments que j'avais auparavant. Il ne me reste plus que la haine et la colère", confie-t-il. Les deux frères sont incroyablement touchants,
« J’avais appris à vivre avec ce mal-être, je pensais que c’était normal de souffrir autant mais un jour j’ai pensé à la mort, que ce serait une réponse à mon mal-être. » Il est alors en 3e et passera 2 mois en hôpital pédo-psychiatrique.
« Je me demande souvent qui je serai si mon père n’était pas mort au Bataclan. », confie-t-il. Il a aujourd'hui repris les cours mais a malgré tout le sentiment de ne pas être comme les autres.
Après son témoignage, l'un des accusés, Farid Kharkhach, se lève, très ému. "Tous ces témoignages sont bouleversants, font saigner le cœur", entame-t-il, expliquant être très touchés par ce témoignage des 2 enfants, il a l'âge de leur père, précise-t-il.
Après le récit des deux aînés de Nicolas, est venu le tour du père de la victime. Il a 74 ans et a eu trois autres enfants dont le dernier est à peine plus jeune. Il a longuement parlé des études de son fils, de sa fierté.
Il raconte que sur la tombe de Nicolas, on trouve un pot en céramique, dessus son fils Marius avait écrit « pourquoi tant de haine », et "c’est la réponse à cette réponse que j’attends de ce procès".
On entend par la suite la mère du 3e enfant de Nicolas. Son petit garçon avait 6 ans. Elle, journaliste, en apprenant qu'un attentat a lieu envoie un texto à Nicolas. Elle lui demande de le prendre, pour qu'elle aille couvrir les attentats. « Je pense à mon boulot ».
Il ne répond pas. « Je finis par me coucher, j’ai un très mauvais pressentiment ». Elle reçoit un appel vers 8 heures le lendemain de la mère de Nicolas, lui disant qu'il a été blessé, qu'ils le cherchent.
Elle apprend la nouvelle vers 14 heures, elle est avec son père. "On retourne vite à table avec L. qui mange ses pates, il est heureux, insouciant, je me demande comment je vais lui annoncer cette nouvelle."
Elle décide de l'emmener malgré tout à l'anniversaire d'un de ses copains l'après-midi, lui donner "quelques instants d'insousciance"
A son retour, elle lui explique. "Je fais bien attention à utiliser les mots précis pour qu’il n’ait pas de doute.(...) Une fois que j’ai fini, je vois ce regard affolé, perdu : « alors je ne verrais plus jamais mon papa, il fond en larme et conclu, j’ai plus de papa. »"
Elle raconte que son fils a rapidement repris sa vie, il fait le clown. Puis elle ajoute: "Pdt longtemps, il ne peut plus dormir seul, il s’accroche à moi comme une sangsue." Pendant lgtemps, il parlera de son père au présent.
A 12 ans, maintenant, « il a du mal lui aussi à se concentrer, à focaliser son attention » Elle ajoute que régulièrement, "il craque, il flanche, il se réfugie dans son lit, il est inconsolable". Elle ajoute: "je me sens tellement démunie face à cette souffrance"
Avec la mère de Nino et Marius, elles bataillent pour habiter à côté l'une de l'autre, que les enfants continuent de se voir. "On continue aussi à voir Caroline". Elle voit aussi souvent Jocelyne, la mère de Nicolas.
« La réalité de cet attentat, c’est ça aussi, de nombreux jeunes enfants qui doivent apprendre à grandir avec un repère en moins », insiste-t-elle. #13Novembre2015
Ce live-tweet va s'interrompre pour l'instant. Je vous conseille ceux de mes consœurs @ChPiret ou @aureliesarrot . Le papier est à retrouver sur @20minutes ce soir

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