Sur les traces d’André Fouda
Le Premier Maire de Yaoundé (#Cameroun) André Fouda Omgba Nsi ( 34ans)
Dans un ouvrage, Joseph Augustin Fouda retrace la très riche existence du tout premier maire élu de Yaoundé.
André Fouda est le tout premier maire élu de Yaoundé. Il a d’autant plus marqué de son empreinte son passage à la tête de cette municipalité,
qu’un célèbre quartier situé dans les encablures du Stade Ahmadou Ahidjo, porte son nom. Derrière son écharpe d’édile charismatique de la capitale politique du Cameroun, qui est réellement cet homme qui quitta définitivement la terre un matin de février 1980 ?
Dans un ouvrage paru récemment aux éditions Presse monde, Joseph Augustin Fouda fait un récit historique et biographique d’une partie de l’histoire du Cameroun à travers André Fouda (son père). D’abord, d’où vient-il et comment parvient-il à se bâtir un petit paradis
dans la localité de Djoungolo alors qu’il n’en est pas natif ? Les racines familiales d’André Fouda Omgba Nsi se trouvent à Ebom, un petit village situé dans l’actuel arrondissement de Yaoundé 3e, voisin d’Ahala.
Nengue Tsogo, grand-père d’André Fouda, a eu cinq rejetons : Ekobena Nsi, Djou Nsi, Nsi, Essono Nsi, et Omgba Nsi (père d’André Fouda). L’aîné de ses cinq enfants, Ekobena Nsi, contracte la lèpre, « une maladie extrêmement redoutée à l’époque à Ebom,
comme partout ailleurs dans le monde, en raison des mutilations physiques qu’elle provoque ». On est vers la fin du XIXe siècle. Sur décision du chef du lignage Mvog-Ada, Essono Ela, le lépreux doit quitter le village. La famille essaie de s’y opposer, mais en vain.
Une injustice de trop pour la famille (les Mvog-Tsogo), «de tout temps convaincus qu’en raison de leurs caractères phénotypiques, et notamment la couleur noire foncée de leur peau, ils sont l’objet de brimades,
d’humiliation et de discriminations de la part des Mvog-Ela, plus clairs de peau».
Ekobena Nsi quitte définitivement le village. Le benjamin de la famille, Omgba Nsi, accompagne son frère aîné dans son exil forcé. Le chef Edjoa Mbédé d’Emombo, est l’époux de Nsi, s?ur cadette d’Ekobena. C’est celle-ci qui accepte d’accueillir ses deux frères dans le vaste
domaine de son époux à Djoungolo. Edjoa Mbédé qui dispose d’une immense forêt vierge dans la zone installe ses deux beaux-frères dans deux cabanes différentes. Omgba Nsi est chargé d’assurer la liaison indirecte entre son aîné malade (il est en quarantaine) et leur soeur.
« Pour transmettre sa pitance à son frère aîné, Omgba Nsi la dépose à un endroit précis de la forêt et le prévient à haute voix de sa présence…», rapporte Joseph Augustin Fouda. Le stratagème a duré jusqu’au décès d’Ekobena.
Condition sociale
«Le chef Edzoa Mbédé, dans le souci d’aider Omgba Nsi, lui donne l’autorisation d’exploiter les terres sur lesquelles il l’a installé en y développant des cultures vivrières et de rente, spécialement le cacao nouvellement introduit dans la région.»
écrit l’auteur. Omgba Nsi, généreux dans l’effort, améliore sensiblement sa condition sociale. Ce qui lui permet désormais de prendre femme. Avec sa première épouse, Bandolo Tsanga, il ne parvient pas à faire des enfants. Sur proposition de Bandolo Tsanga,
il épouse en deuxième noce Philomène Anaba. Les grands travaux champêtres que ces trois entreprennent vont émerveiller le chef supérieur des Ewondo et Bane, Atangana Ntsama qui, avec l’accord du chef Mbédé, va intercéder auprès de l’administration coloniale allemande
pour qu’un titre de propriété soit délivré à Omgba sur les terres qu’il avait mises en valeur. C’est ainsi qu’il devient propriétaire d’un vaste espace à Djoungolo I.
Omgba Nsi mettra au monde, avec Philomène Anaba, trois enfants dont deux filles (Ebela et Anaba)
et Fouda Omgba Nsi. A en croire le biographe, «l’enfance de Fouda Omgba Nsi se passe sans heurts. Il reçoit une éducation traditionnelle stricte (…) est Il baptisé dans l’église catholique à l’âge de 12 ans et reçoit le prénom d’André».
C’est également cette année-là qu’il est inscrit à l’école primaire élémentaire de Yaoundé. Titulaire d’un Cepe, il s’inscrit à l’école primaire supérieure en 1921, et en sort nanti d’un titre de commis des postes en 1924. Il est aussitôt intégré dans l’administration coloniale
et affecté aux Postes télégraphe et téléphone (Ptt) de Kribi, puis à Akonolinga. Il est affecté en 1937 à Douala. Son engagement politique naît alors avec la création, en 1938, de la Jeunesse camerounaise française (Jeucafra).
Sa naissance a été facilitée par la France et sa gestion est confiée aux fonctionnaires camerounais réputés pro-français. Paul Soppo Priso en est le président, et son adjoint n’est autre que Fouda André.
INVESTI par le peuple Beti, André Fouda s’engage volontairement comme opérateur des Ptt au sein de la France libre, dès le déclenchement de la deuxième guerre mondiale. A la fin de la guerre, il est affecté à Yaoundé. Il reçoit des mains du Général De Gaulle,
la médaille de la résistance française pour son engagement militant et actif au profit de la France libre. Il est également élevé au grade d’officier de l’Ordre de la légion d’honneur française en 1956. Entre temps, il a pris sa retraite de fonctionnaire en 1950, à 47 ans.
Est-ce également son engagement pour la France qui a conduit André Fouda à sa très riche carrière politico-administrative ? Il a été notamment maire puis délégué du gouvernement à Yaoundé, ministre des Affaires économiques, député, etc.
L’histoire retient qu’il est le premier véritable bâtisseur de la ville de Yaoundé. L’auteur de l’ouvrage intitulé : «André Fouda : Premier maire noir de la ville de Yaoundé et figure emblématique du cinquantenaire de la réunification»,
Joseph Augustin Fouda, est pharmacien de formation.
Bonnes feuilles
La conquête de la ville de Yaoundé
En 1950, l’administration coloniale française institue les Communes mixtes urbaines (Cmu) de Yaoundé et de Douala. Ces deux villes étaient depuis le 15 juin 1941 des
Communes urbaines (Cu) dirigées par un exécutif et une commission municipale nommés par le haut-commissaire de la République française au Cameroun. Le chef de région du Nyong-et-Sanaga cumulait à l’époque cette fonction avec celle d’administrateur-maire de la commune de Yaoundé…
Ces administrateurs-maires sont alors assistés par un conseil municipal constitués de notables. La loi du 18 novembre 1955 institue l’élection du conseil municipal et celle de l’exécutif communal.
La même année, les villes de Yaoundé, Douala et Nkongsamba sont élevées au statut
de Communes de plein exercice… Des élections municipales se tiennent à Yaoundé le dimanche 18 novembre 1956. Le lundi 26 novembre 1956, les élus du nouveau conseil municipal [31, dont André Fouda, Ndlr] se réunissent pour élire le premier exécutif de la commune de plein exercice
de Yaoundé et ses adjoints. La plénière est présidée par Edgar Claverie, chef de la région du Nyong-et-Sanaga, administrateur-maire de Yaoundé. André Fouda est candidat… Il suggère que la commune de Yaoundé doit être dirigée par
Mvog-Ada pour des raisons historiques et politiques. C’est autour d’Ongola, sur des terres gracieusement offertes par la Mvog-Ada aux Allemands, que la cité administrative et politique de Yaoundé s’est construite…
Par ailleurs, les Mvog-Ada ont toujours témoigné une grande loyauté envers l’administration coloniale française… Au début du scrutin, le président de séance enregistre sept (7) candidatures… En dehors de la candidature d’André Fouda,
les autres impétrants sont : Sébastien Essomba ; Constantin Ngoah ; Zacharie Belinga ; Timothée Meto’o ; Nicodème Mekongo et Philippe Mbarga… Une majorité de 16 voix est donc requise pour être élu maire… André Fouda n’est donc pas en tête à l’issue du premier scrutin.
Constantin Ngoah, un proche d’André Marie Mbida, mais qui n’est pas Mvog-Ada, mène la danse. Aucun candidat n’ayant rassemblé les seize (16) voix requises, un deuxième tour est organisé…
La voie de la présidence de l’exécutif municipal de Yaoundé semble donc ouverte à
Constantin Ngoah, un Bane. C’est dans ce contexte que le chef Martin Abega Belinga se décide à peser de tout son poids sur la balance électorale. Avant la tenue du troisième tour, il réunit tous les conseillers Ewondo et leur pose une seule question : Souhaitez-vous qu’un Bane…
soit le premier magistrat chez nous?» Parallèlement à cette initiative, André Fouda intensifie sa campagne auprès des conseillers municipaux qui ne sont pas Beti. A l’issue du troisième tour du scrutin, André Fouda recueille 24 voix contre 7 pour Constantin Ngoah.
Jean De Dieu Bidias

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