1. "On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants". Ce que cette phrase de Macron, datée du 15 janvier, dit du fantasme bourgeois de remplacement de la politique par la technique :
2.Macron est lancé, dans le rôle du père fouettard du peuple, qui dit à ces gaulois réfractaires que leur modèle social ne tient pas la route et qu’il "va falloir" en finir. Et pourquoi "on ne pourra pas" continuer à avoir un système qui n’a "aucun prix" pour les étudiants ?
3.Parce que, "1/3 des étudiants sont boursiers et où, pourtant, nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale"
4. La mauvaise foi macroniste est ici à son top niveau : on ne peut pas continuer avec des études gratuites (encore faudrait-il qu’elles le soient réellement, mais passons) et des bourses parce que trop d’étudiants restent pauvres.
5.Le bon sens serait de répondre "peut-être que les bourses sont trop faibles par rapport au coût de la vie, au niveau des loyers, par exemple ?". Mais ce bon sens nous est confisqué par la fausse évidence macroniste : non, c’est que "ça ne marche pas", donc on va arrêter.
7. les études "gratuites" dont il parle, pourquoi "on ne pourra pas [y] rester" ? Parce que c’est de l’argent public. Et que pour un type comme lui, l’argent public pour les gens, ce n’est pas sain. Pour les actionnaires, oui, mais pas pour les gens, c’est de l’argent perdu
8. Le flou autour de la formulation est volontaire : car qu’en est-il des enfants de bourgeois dont le contribuable finance bien davantage les études que celle des enfants de prolo ? (cf ce beau graphique). Était-ce d’eux dont parlait Emmanuel Macron ?
9. Evidemment que non. C’est bien la fac qui est dans son viseur. Mais il ne va pas jusqu’au bout de sa pensée qui est, « on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants D'ORIGINE MODESTE »
10.les gens qui l’écoutaient savaient bien que Macron ne parlait pas de leurs enfants, qui vont continuer à profiter des largesses du contribuable, de ce système éducatif français où l’on dépense en moyenne deux fois plus pour les étudiants d’origine aisée que pour les autres.
11. Le pire avec ces gens-là, c’est que s’ils pensent tous dans leur for intérieur que financer les études des pauvres est une connerie mais que dépenser davantage pour les enfants de riche c’est super bien (c’est de « l’excellence »),
12... ils n’auront aucun problème à soutenir qu’il faut une société « d’égalité des chances » où seuls le travail et le mérite payent : mais pourquoi donner autant de thunes publiques à vos enfants alors ? Ça ne risque pas de fausser la course ?
13. Tout l’art de la politique bourgeoise est là : plutôt que de nous dire "je ne VEUX pas qu’on finance les études des enfants de la classe laborieuse et je préfère qu’on se concentre sur celles des enfants de riches parce que j’en suis un" il nous dit "on ne POURRA pas blabla"
14. Ce n’est pas une question de volonté, c’est une question de capacité. Ce n’est pas qu’il ne veut pas, c’est que « ça ne marche pas ». Bref, il ne s’agit pas d’un choix politique mais d’un impératif technique, « on ne peut pas ».
15. La dernière fois que cet argument technique a été massivement utilisé, c’était lors de la dernière tentative de réforme des retraites, en 2019. L’allongement de la durée de cotisation, dans la bouche de notre classe dominante, « on ne peut pas faire autrement »
16.Ils ont entouré la réflexion de tout un tas d’institutions donnant une consistance sérieuse et technique à ce qui est en fait un choix politique de répartition des richesses : faire travailler + les salariés plutôt que ponctionner davantage les actionnaires via des cotisations
17. Qu’importe que jamais les profits distribués n’aient été aussi importants, et qu’il soit donc tout à fait possible de rééquilibrer les choses sans faire s’écrouler toute notre économie. On aimerait bien, mais « on ne peut pas ».
18. Les hauts fonctionnaires de Bercy ont dû avoir une trique sévère quand le Président de la République a invoqué un « système de retraite par points ». Pensez-vous, plutôt que d’avoir chaque année un débat politique sur l’augmentation de la durée de cotisation, on aurait eu,
19. un système où chaque année des experts décident que le point vaut tant, parce que la croissance a été de X, que le chômage est de Y, la durée de vie est de Z, vous multipliez par douze, vous prenez la racine carré du total et paf : les gens doivent cotiser plus longtemps
20. Sa petite phrase contre l’université gratuite n’est qu’un teasing. Car nul doute qu’en finir avec la démocratisation de l’enseignement supérieur les fait tous kiffer. Ces masses d’étudiants qui venaient choisir leur vie, leur vocation, c’était tout bonnement insupportable
21 Derrière le « on ne pourra pas rester dans un système… » de Macron, il y a ce cri du cœur de la bourgeoisie qui ne veut plus, qui ne supporte plus d’avoir à payer pour des gens qui ne sont pas purement aux ordres de l’économie capitaliste.
22. Non, décidément, on ne pourra pas rester durablement dans un système politique et social où nos vies n’ont aucun prix pour ceux qui nous dirigent et prétendent nous représenter.
1. Primaire populaire : mais pourquoi sont-ils si agaçants ? Quelques hypothèses.
2. J'ai beaucoup vu tourner cette vidéo de Samuel Grzybowski, un des leaders du mouvement politique startuppisé "Primaire Populaire". Du coup, je l'ai regardé. J'ai mieux compris à qui on avait à faire et qu'au delà de la blague on avait affaire à un phénomène inquiétant.
3. La forme : lorsque j'ai débattu sur @_alairlibre avec Grzybowski, j'ai eu une "alerte macroniste" vu le ton général de positive attitude néolibérale qui se dégageait de la moindre phrase : "l'espoir", "le changement", "l'envie", "tous ensemble" :
L'engagement politique sans l'amitié je n'y ai jamais cru : grâce à @SelimDe Frustration est passé du papier au web et s'est épanoui tout en gagnant en notoriété. Nos journées et nos soirées passées à discuter de nos colères, de nos espoirs, de nos vies, ça n'avait pas de prix.
Frustration est un média politique qui évolue avec les personnes qui le compose. @SelimDe y a imprimé sa marque : je pense notamment à son exigence sur la forme, à ses excellents conseils d'écriture, et le plus précieux : donner de la chair à tout ce que nous écrivons.
C'est grâce à lui que Frustration est sorti de son style très pamphlétaire et un peu loin du terrain pour contenir du récit personnel, du reportage, de la vie quoi ! Et à titre personnel, il m'a énormément encouragé, a eu confiance en ce que faisions.
#PatronIncognito mettait hier en scène un patron de restauration rapide venant contrôler le travail de salariés au SMIC et sortir des phrases du genre "Isis ne se rend pas compte que donner 5 serviettes aux clients c'est des dizaines de centimes en moins à la fin de la journée"
A chaque épisode, le discours est le même : les salariés de base ne se rendent pas compte que les "process" mis en place par la direction servent à économiser le moindre bout de chandelle pour maximiser la profitabilité. Mais, au SMIC, pourquoi ils s'y intéresseraient au juste ?
Comme on est sur M6, l'histoire se veut "nuancée" et on aura le droit au point de vue du salarié, souvent bien amer. Hier soir, le cuistot Kylian craquait alors que son patron déguisé en collègue lui avait envoyé 15 clients d'un coup pour tester ses limites.
Pour fêter mes 25 000 abonné.e.s ,(merci !) Je partage ici mes articles de l'année dans @Frustration_web , ceux dont l'écriture a le plus compté pour moi :
1/Pourquoi dire "les gens sont cons", c'est con.
Je crois que c'est une des théoriques militantes et populaires que je trouve la plus toxique. Mélange de pessimisme et de sentiment de supériorité, elle ne mène nulle part.
2/L'amour plus fort que le capital. Love is all around et les révolutionnaires regardent ailleurs. L'amour, l'amitié, la camaraderie sont notre "déjà là communiste" et nous avons tort de penser qu'on peut lutter pour un monde meilleur en étant imbuvable. frustrationmagazine.fr/amour/
Ce matin au marché une dame adorable est venue me demander si c'était bien moi le rédac chef de Frustration et aussi vendeur de légumes. Eh bien oui, avec mon mari @hugohanr nous vendons la production de notre ferme puis je retourne dans mon bureau taper sur les bourgeois.
C'est lui le boss de la ferme, il est de plus en plus calé alors n'hésitez pas à le suivre !
Nous revendons aussi fruits, oeufs, miel pour compléter notre offre. Venez nous rendre visite, Saintes est une ville charmante !
On s'embête à donner des arguments politiques, programmatiques, expliquant pourquoi une candidature Taubira reproduit les dogmes en vigueur depuis 30 ans, mais pourquoi s'emmerder ? Le groupe social qui la soutient aime cette société là, pour ses membres la vie est une fête.
Pour eux, contester les injustices est une posture. Tout comme "faire des efforts pour sauver la planète". Ils (la sous-bourgeoisie citadine) aiment les gestes qui ne servent à rien, qui ne changent rien, car le monde tel qu'il est leur va, fondamentalement.
Par contre, ils aiment bien être "bien representés", par quelqu'un qui a du goût, de la culture. Le pire évènement politique de leur vie ? Pas la loi travail, pas la taxe carburant, pas la fin de l'ISF: quand Sarkozy a officialisé sa relation avec Carla Bruni à Disneyland.