Thread #LongueurDeLaPeine ! C’est un peu relou de lire ici des stupidités sur la peine, pendant mes vacances, ça m’oblige a parler boulot.
Je vais tenter d’être brève : lorsque l’on est condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté ne
signifie pas qu’au bout de 22 ans (en enlevant la détention provisoire) on sort… parce qu’une mesure d’aménagement de peine n’est pas automatique quelque soit la longueur de la peine.
Le jeu des remises de peine supplémentaires permet de faire réduire la date de fin de peine
Or lorsque l’on est condamné à la RCP (a l’époque où je travaillais avec certains) la date de fin de peine mentionnée sur la fiche pénale était 2300 et je vous avoue que ça donnait le vertige. Bref.
Durant ces années de période de sûreté,
Le ou la condamné.e ne peut prétendre à rien en termes de sortie. C’est à dire que si l’un de ses parents décède par exemple, cette personne ne pourra se rendre aux obsèques uniquement sous escorte (FDO ou Arpej) et uniquement si cela est accordé par le JAP. Toutefois même en
cas d’octroi, la permission sous escorte pourrait ne pas avoir lieu faute d’escorte disponible. Alors certain.e.s diront « c’est un monstre, il est condamné, bien fait ! ». Le condamné reste une personne avec des affects et surtout une famille qui n’a rien demandé et se retrouve
En plus des parties civiles, des victimes collatérales. Bref, c’est un autre débat.
La période de sûreté peut être relevée. C’est une disposition légale possible, pour cela il faut manifester des efforts exceptionnels de réinsertion sociale (c’est à dire a minima
travailler en détention, indemniser les parties civiles, avoir un suivi thérapeutique, adopter un bon comportement)… mais ça en fait, c’est ce que la justice attend de n’importe quelle personne detenue, il est donc très rare que des relèvements de période de sûreté soient
Accordés et s’ils le sont, cela est partiel. Pour exemple cela pourrait être 3 mois de relèvement octroyés avec ensuite une interdiction à refaire une demande durant 2 ans (délai d’interdiction maximum qui peut être prononcé). En cas de rejet de ce relèvement il est possible
d’ajouter cette interdiction à refaire une demande ce qui bloquera toute requête durant ce délai.
Outre les efforts exceptionnels de réinsertion sociale, des expertises psychiatriques sont réalisées, le SPIP rédige un rapport et analyse également le rapport aux faits commis.
Pour résumer, l’obtention d’un relèvement de période de sûreté et donc d’envisager une sortie immédiatement à l’issue de celle-ci est très rare.
Enfin, concernant un aménagement de peine au terme de cette période de sûreté. La procédure est encore plus complexe, outre les efforts
le projet à construire qui doit être suffisamment sécurisant, il faudra une double expertise psychiatrique (leur validité est de deux ans), partir pour une évaluation pluridisciplinaire au CNE (centre national d’évaluation) d’une durée de 6 semaines, qui rédigera un bilan et
donnera un avis sur l’opportunité de la mesure d’aménagement de peine. Par ailleurs un avis aux parties civiles et au Procureur du futur lieu de résidence de la personne condamnée sont adressés. L’ensemble de ces éléments est pris en compte pour déterminer dans le cadre d’un TAP
(Tribunal de l’application des peines, composé de 3 magistrats de l’application des peines) s’il y a lieu d’octroyer une mesure d’aménagement de peine. Rien que l’intégralité de ce processus prend environ 1 an 1/2 avant de pouvoir se présenter au TAP. Ensuite, si la sortie est
acceptée il s’agira uniquement d’une mesure sous écrou (bracelet électronique ou semi liberté par exemple) pendant une durée minimum de 1 an mais allant souvent au delà. Si la requête est rejetée, comme pour le relèvement de la période de sûreté une interdiction à refaire une
demande durant 2 ans maximum peut être assortie. Ainsi au bout de ces deux ans ce sera reparti pour un tour avec le même processus.
Dans les faits, c’est plus facile de faire un commentaire PMU et dire qu’un condamné va sortir illico. Dans les faits pour les longues peines
notamment médiatiques, le processus d’aménagement de peine est très long et complexe.
Au regard de toutes ces explications (claires, je l’espère) il faut rester réaliste, cesser de raconter des stupidités et avoir conscience que M. Lelandais, mais pas uniquement lui, n’est pas
prêt de sortir de détention et purgera sa peine pendant plusieurs décennies.
Ce fait divers nantais mis en lumière dans les médias me donne envie de réagir. J’essaie de peser mes mots et de ne pas tomber, moi non plus, dans l’émotion. Une enfant de 15 ans est décédée dans des conditions atroces et le suspect est un multirécidiviste, déjà écroué
et suivi par la Justice depuis de nombreuses années. Je lis ici et là que les juges, les CPIP, les psychologues seraient responsables de ce désastre. Cela me rappelle l’affaire Laetitia Perrais, qui s’est passée en 2011. J’étais encore toute jeune professionnelle.
Le Président de l’époque, Nicolas Sarkozy avait incriminé les acteurs judiciaires : magistrats et SPIP, après le meurtre de Laetitia Perrais. Il avait alors considéré que « le fait divers exige une réponse à la hauteur de l’émotion populaire ».
Ça fait un moment que je veux partager mon expérience de la prise en charge groupale de prévention pour les auteurs d’infractions violentes, radicalisés ou à caractère terroristes.
C’est un sujet délicat et je tenais à partager cela en vue d’expliquer comment ça marche et surtout d’expliquer que contrairement à ce que certains élus peuvent penser, on sait prendre en charge ces publics et les résultats sont bons.
A mes débuts en maison centrale, j’ai travaillé avec des personnes ayant commis les attentats des années 90 à Paris, notamment ou des terroristes d’état (basques, corses…). Aux prémices de ma formation de CPIP j’ai été intéressée par cette question de la radicalisation et