Thread by @montbazet1

Le 16 mars, V. Zelensky intervenait en vidéo devant le Congrès américain. Depuis le début de l'invasion, le président ukrainien communique largement avec la communauté internationale.

En 1870-71 aussi se joue une guerre d’opinion entre la France et l’Allemagne 👇1/15

Cette mobilisation de l’opinion internationale est permise par la modernité de la presse (tirage à grande échelle, télégraphes, correspondants…) qui autorise désormais de suivre le conflit au quotidien, dans le monde entier 2/15

L’enjeu est le même : convaincre les autres Etats de la culpabilité de l’adversaire et camper sa propre innocence face à l’agresseur 3/15

En France, l’affaire est plutôt mal partie : pour beaucoup à l’international, son arrogance et son chauvinisme étaient responsables du conflit. Néanmoins, avec les défaites et quand débutent l’occupation et la guerre de siège, l’opinion connaît un certain retournement 4/15

Même la perfide Albion nous le concède : « [la longueur du siège de Paris], en rallongeant leurs souffrances et leurs sacrifices, a perturbé le jugement du reste du monde et a, dans une large mesure, renversé les sympathies » 5/15

En France, on relève, on diffuse, on amplifie toutes les exactions possiblement imputables aux Allemands. Des ouvrages se chargent d’en faire la promotion dans le pays et à l’étranger : La lettre au roi de Prusse (A. Franck), La guerre comme le font les Prussiens (C. Aimé)… 6/15

Comme Zelensky, le gvt est sur le front. Jules Favre, ministre des affaires étrangères et chargé des négociations avec l’ennemi, dénonce dans une circulaire aux diplomates européens la Prusse qui «ravage les campagnes», «chasse des familles ruinées», bombarde les civils 7/15

Le vocabulaire a son importance : on parle des « Huns », des « Teutons », des « barbares » germaniques pour rejeter l’Allemagne en dehors du concert des nations civilisées 8/15

Devant le congrès américain, Zelensky a diffusé un montage vidéo montrant les souffrances de l’Ukraine, en particulier des scènes de bombardement. En 2022 comme en 1870, le bombardement a une place de choix dans la dénonciation de l’adversaire 9/15

Avant Alep et Marioupol, Strasbourg en septembre 70, puis Paris en janvier 71 furent les icônes de la ville-martyr, subissant la destruction aveugle 10/15

Hier comme aujourd’hui on pointe avant tout les tirs visant des lieux considérés comme en dehors de la guerre : cimetières, hôpitaux, églises 11/15

A la différence près que, comme le rappelait récemment @Geographedumond, si l’artillerie allemande de 1870 ne permettait guère de tirer autrement qu’à l’aveugle, ce n’est pas le cas des armes russes modernes dont la précision exclut toute « bavure ».... 12/15

La Prusse, de son côté, dénonçait elle aussi un ennemi se cachant derrière les civils : elle accusait la France de couvrir d’un drapeau de la croix rouge des maisons où se cachaient en réalité des combattants 13/15

En 1870, pas de sanction et pas d’isolement diplomatique pour les Etats allemands. Néanmoins, comme l’a montré @GillesVogt dans sa thèse, la toute jeune convention de Genève (1864) conférait aux Etats neutres la possibilité d’appliquer un « arbitrage humanitaire » 14/15

On comptait donc, des deux côtés, les infractions au droit international naissant. Et ponctuellement, on pouvait envisager d’engager un effort humanitaire (comme les Suisses le firent pour les habitants de Strasbourg) 15/15