On m'a posé de nouveau hier la question (courante et pas idiote) suivante : « vous imaginez mettre du nucléaire sur toute la planète pour remplacer les fossiles ? »
La base, c'est d'avoir en tête que pour le dérèglement climatique, il n'y aucune solution unique ni aucune solution universelle.
Si je limite ma réflexion au secteur électrique, vous n'aurez pas de mal à comprendre que le solaire photovoltaïque n'est pas très propice en Irlande, l'hydraulique de barrage est bof aux Pays-Bas... Et pourtant, ça ne disqualifie pas ces deux technologies.
Chaque territoire a ses spécificités géographiques, industrielles, sociales, économiques... Les meilleurs solutions sont à adapter à ce contexte, présent et futur.
J'insiste : pas de solution unique, pas de solution universelle. Et donc, non, personne ne prévoir de couvrir le monde entier et en particulier les économies émergentes ou les régions géopolitiquement instables de réacteurs nucléaires.
Par contre, pour pousser la réflexion plus loin, on peut se demander où on peut construire du nucléaire, déjà, et si ça a le potentiel de jouer sur les émissions de CO2 (passées mais surtout futures).
Pour ce faire, j'ai sorti la liste des pays les plus émetteurs de CO2 en 2019 (CO2 seulement, pas tous les GES, et 2019 pour pas brouiller les valeurs par l'effet covid).
37 pays qui représentent, individuellement, entre 0,4% et 28,6% des émissions et, collectivement, 90,1% des émissions.
Parmi eux, 22 ont déjà un parc nucléaire, entre 500 MW (Pays-Bas) et 95 900 MW (USA). Collectivement, ces 22 pays cumulent 365 000 MW de nucléaire et 77% des émissions de CO2.
Rien qu'avec ça, on répond à une grosse partie de la question : le #nucléaire est déjà déployé dans des pays qui représentent trois quarts des émissions, il "suffit" d'en augmenter la capacité, pas besoin de "nucléariser" de nouveaux pays pour avoir un impact sur les émissions.
Pour aller plus loin, parmi les 15 pays restants :
- 1 a du nucléaire en construction (1,1% des émissions mondiales pour ce pays
- 2 ont eu du nucléaire par le passé (1,7%)
- 6 ont l'ambition d'en construire à plus ou moins long terme (5,0%)
Et six n'en veulent pas où n'en prévoient pas. L'Indonésie, l'Australie, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et l'Algérie. 5,7% des émissions mondiales.
Ça fait toujours 31 pays qui représentent 84,4% des émissions mondiales qui ont eu, ont ou prévoient d'avoir du nucléaire.
Une dernière fois : face au dérèglement climatique, pas de solution unique, pas de solution universelle, mais des solutions à adapter à chaque contexte. Et le #nucléaire peut, malgré l'image qu'on en a, s'intégrer à beaucoup de contextes - quand il n'y est pas déjà !
Bonus un peu tordu : au-delà des 365 GW de nucléaire de ces pays, j'ai voulu estimer un "potentiel" de chaque pays. En prenant la capacité actuelle + la capacité en construction pour la plupart d'entre eux.
Et, pour d'autres (Japon, Allemagne, Canada, Italie, Taiwan, Espagne, Kazakhstan et Pays-Bas), en prenant non pas leur actuel mais leur maximum historique. J'arrive à un « potentiel » (avec cette définition) de 453 GW !
453 GW qui se substituent à du charbon à 850 g_eq_CO2/kWh, ce sont 2,2 milliards de tonnes d'équivalent CO2 évitées chaque année : l'équivalent de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de la Pologne en moins (les 4 plus gros émetteurs de l'UE).
Sans parler du bénéfice pour la santé publique, évidemment.
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Il dit que l'électricité française est déjà largement bas-carbone, et c'est pas grâce à toi. Ces projections s'appliquent aux pays où l'électricité reste à décarboner. LA BASE, putain.
Oui, les difficultés pour le système électrique, demain, est très largement imputable au parc nucléaire, ainsi évidemmant à la vague de froid surprise de ce printemps. Mais y'a des mais.
1 - C'est le prix à payer de la culture de « sûreté avant tout », quand il y a un doute pour la sûreté, on préfère arrêter les réacteurs et vérifier, et au reste du monde de s'adapter. Si certains ont un problème avec cette culture, qu'ils le disent publiquement.
Je sais que c'est le cas de pas mal de personnes dans mes abonnés, et ils n'ont pas de scrupules à le dire et l'assumer, et c'est tout à leur honneur, que l'on soit du même avis ou non.
Nos lumières préférées vont donc continuer à essayer d'empêcher la mise en service d'un nouveau réacteur au prétexte que le nucléaire serait « trop lent » après avoir passé des décennies à se battre contre et à essayer de faire fermer avant l'heure les réacteurs en service.
Un petit rappel pour, ahem, remettre « l'église au milieu du village », comme disent les jeunes : le système électrique français est déjà largement décarboné, malgré les efforts historiques de @greenpeacefr et tous leurs amis ONG (@RACFrance, @WWFFrance...) et politiques.
De fait, le rôle que l'on prévoit d'attribuer au nouveau nucléaire, en France, n'est pas de décarboner le système électrique, mais de renouveler le parc actuel qui l'a déjà fait, pérenniser la réussite passée.