Thread by @la_revue_Sesame

Puisque les archives sont coffrées avec l'ancien compte (dont on espère retrouver un jour l'usage) réuploadons quelques thread majeurs qui n'ont pas vieilli. C'est la Séquence #thread #replay du vendredi. Vous venez, c'est The Great Robbery aujourd'hui (une arnaque majeure) 👇👇

Aujourd’hui, le #thread du mercredi vous plonge dans l’histoire, en 1972 exactement. Et pourquoi donc ? Parce que c’est l’année du Great Grain Robbery. Père Castor étant confiné, c’est Sesame qui vous raconte l’histoire du soir… 2/n

Alors, il faut déjà préciser le contexte, pour les plus jeunes d'entre nous. On est en 1972, la guerre reste froide maison en est au stade « détente ». Si vous avez besoin d’un rafraîchissement historique… C’est là. 3/n
cvce.eu/timeline/coldw…

Et sans rapport avec le réchauffement des relations entre les blocs, l’Europe et l’Union Soviétique connaissent cette année-là sécheresses et vagues de chaleur importantes qui détériorent grandement les récoltes… 4/n

Quelques années plus tôt, En 1963, une précédente sécheresse en URSS avait provoqué une catastrophe avec l’abattage forcé d’une partie du bétail qui devait servir justement à mettre le pays en partie à l’abri des famines et améliorer l’alimentation des camarades. 5/n

Pour creuser cette histoire des sécheresses, jetez donc un œil sur ce document produit par le département de géographie de l’université de Moscou, Géographie des sécheresses… 6/n

www2.cesr.de/component/easy…

Cet échec patent, en 1963, dans la marche vers la souveraineté alimentaire de l’Union soviétique semble d’ailleurs avoir été en partie à l’origine du départ de Nikita Kroutchev dont un des credo était de développer la production alimentaire du pays. 7/n

Bref, filons en 1972, la sécheresse bat son plein, les années précédentes n’ont pas été fameuses avec une production de grain inférieure à 190 millions de tonnes et la moisson de cette année ne laisse que 162 millions de tonnes disponibles… 8/n

C’est là que commence véritablement notre histoire. Encore marqué par le souvenir de la crise de 1963, le gouvernement soviétique veut éviter d’envoyer une partie du cheptel à la casse… Et se trouve contraint de s’approvisionner sur le marché mondial… 9/n

Mais pourquoi alors Great grain robbery, qui en français pourrait se traduire par « La grande main basse sur les céréales » ? Pas d’impatience, c’est là que cela devient intéressant ! Les Soviétiques ont donc négocié avec les Américains… 10/n

Et de belle manière puisqu’ils sont parvenus à obtenir des achats à hauteur de 750 M$ sur trois ans, et en plus les ont fait subventionner par… Le gouvernement américain… Et ils achètent beaucoup de grain, énormément, sans rien dire. Blé, maïs… 11/n

L’URSS va acheter, au cours de la campagne, 13,7 millions de tonnes de grain, blé, maïs… La campagne se termine avec un stock de report de 2 petits millions de tonnes, au même niveau que la campagne précédente. C’est dire que c’était tendu (fig 9.8). 12/n climate-policy-watcher.org/grain-producti…

Le principal contrat est alors signé entre Nikolaï Delouses et un homme d’affaire américain, Michel Fribourg au tout début de juillet, pour 460 M$. Un record. Les Soviétiques achètent tellement que le quota pour les trois années est consommé en… un mois… 13/n

Un mois, c’est aussi le temps qu’il faudra, en gros, pour que les autorités américaines découvrent que les stocks du pays sont en train d’être pillés. 14/n

nytimes.com/1973/11/25/arc…

L’affaire fait grand bruit, dans le Washington Star, John Fialka écrit quelques mois plus tard que les enquêtes en cours laissent apparaître une intrigue à la James Bond qui pourrait se révéler être une vraie leçon de commerce international… 15/n

cia.gov/readingroom/do…

La suite du papier de Fialka est là (utilisez la fonction prienter friendly pour lire, c'est plus facile #astuce #derien) 16/n
cia.gov/readingroom/do…

Les stocks mondiaux ont fondu et la panique gagne les marchés. À Chicago, le prix du blé passe de 1,40 $ le bushel le 19 juin à 2,68 $ le 8 janvier 1973 avant de pousser jusqu’à 5,58 $ le 31 décembre de la même année. 16/n macrotrends.net/2534/wheat-pri…

Conséquence, les prix alimentaires ont augmenté de 31 % entre 1972 et 1973 aux États-Unis reconnaît un rapport remis au congrès en 1978. 17/n
gao.gov/products/CED-7…

Pour les maniaques, le rapport complet est là. 18/n
naldc.nal.usda.gov/download/CAT10…

Les Soviétiques avaient donc acquis un quart de la récolte de blé américaine… Et le blé a depuis lors une valeur diplomatique importante dans les relations entre les deux pays… En 1979, les États-Unis ont fourni 78 % des importations russes… 19/n
upi.com/Archives/1982/…

L’augmentation des prix survenue en 1973, conséquence ce scandale, est même devenue une référence pour les économistes. (il faudra voir ce que donnent plus tard les temps que nous vivons en 2022) 20/n
nytimes.com/1974/02/15/arc…

La leçon a été retenue et ce scandale est à l’origine d’une révolution dans le monde de l’intelligence économique. Et les Américains vont se mettre en capacité de collecter et analyser les informations sur les récoltes dans le monde entier. 21/n bit.ly/3tM0HRG

C’était notamment une des tâches assignées à Landsat, satellite lancé quelques semaines après la révélation du scandale. 22/n
newamericanjournal.net/2018/08/nasa-s…

Et c’est donc à cause de cette affaire que nous disposons aujourd’hui du très précieux Wasde report (Wasde pour : World Agricultural Supply and Demand Estimates) qui rythme les nuits et les angoisses du monde des céréales. Hein @GrainHedger 23/n
usda.gov/oce/commodity/…

Mais pourquoi parler de cela aujourd’hui ? Parce qu'à l'été 2020, les analystes des marchés des céréales se sont demandé si ce schéma ne se reproduisait pas… Sauf que le pays dans le viseur n’est plus l’URSS, ni même la Russie… 23/n

farmprogress.com/marketing/are-…

Mais bien la Chine qui après avoir signé un accord a temporisé pour finalement réaliser dans le courant de l’été des achats faramineux (en soja notamment et en maïs). 24/n

La trouille était aussi valable en 2010 comme en témoigne ce papier du Financial Times, mais là, c’était encore un coup des Russes.25/n
ft.com/content/2d8599…

Bref, revenons à nos moutons, depuis les choses se sont décantées. Les Chinois sont aux achats et pourraient acquérir 40 millions de tonnes de grain au cours de la campagne 2020-2021. 26/n

world-grain.com/articles/14148…

Et si jamais vous doutez de l’importance stratégique de la souveraineté alimentaire et du rôle de céréales, filez par là 27/n journals.openedition.org/economierurale…

Et vous pouvez conserver en signet l’excellent page Wikipedia consacrée au Great grain robbery. 28/28
en.wikipedia.org/wiki/Great_Gra…

#bonus La guerre en Ukraine nous a remis dans le bain de cette problématique sans grande précaution. La Chine est toujours détentrice de stocks importants… L'Inde fait de la rétention… 29/28

L'Ukraine sera moins présente l'an prochain sur le marché de céréales… Bref, on sait plus flou ou moins qui achète quoi à qui mais ce n'est pas plus simple pour autant. 30/28. #fin (et bon week-end) reuters.com/markets/commod…