Thread by @Ari_Potteuse

J’étais dans une seconde ou 90% des élèves avaient vocation à aller en L.
Un jour on m’a fait comprendre que de toute façon S ce serait trop dur pour moi. Évidemment du coup je suis partie en S (Ouais j’aime pas trop qu’on me dise que je suis pas capable).
Thread ⤵️

J’y suis allée avec un gros blocage en maths que je me trainais depuis la 5eme et la prof de maths qui m’effrayais terriblement.
A l’été entre la 2nd et la 1ere, mon prof de maths qui n’avait jamais émis quelconque réserve sur mes capacités m’a proposé un deal :

Il m’envoyait des exos par la poste, je les faisais et il me renvoyait une correction avec d’autres exos pour m’aider à me mettre à niveau car le niveau des cours n’était pas vraiment suffisant (tout le monde s’en battait des maths dans cette classe). J’ai accepté.

Dans sa toute première lettre il avait écrit (je m’en souviens encore parfaitement) : je n’accepterai aucun remerciement hormis votre réussite.
Comme je suis respectueuse des désirs des autres je me suis abstenue de le remercier dans ma réponse mais j’ai bien pris note.

J’ai fait les exos tant bien que mal (c’était l’été ne l’oublions pas, j’avais 16 ans et j’avais clairement pas envie de passer mes journées dans les chiffres et ses exos étaient putain de hardcore).

J’arrive en 1ere, aucune surprise, j’ai 7 de moyenne. On me paye des cours de maths, chaque semaine je fais 2h de plus pour m’aider à décortiquer mes exos et préparer mes contrôles. Ça marche bof mais on continue en terminale.

Là ça porte un peu ses fruits crescendo j’ai 8 au 1er trimestre, 9 au 2ème et 14 au 3ème. Je me souviens très bien de ces vacances de Pâques juste avant le bac où j’ai eu une forme de déclic et j’ai compris que les maths c’était un langage et qu’une fois qu’on identifiait ça

clairement ça simplifiait vraiment tout. Le declic c’est pas un truc magique qui m’est tombé dessus. Sur mes deux semaines de vacances j’ai passé 1 semaine à faire 2h de maths par jour. Donc oui le déclic en maths ça existe mais c’est du boulot.

Comme pour tout, rien ne tombe jamais tout cuit dans la bouche. Les meilleurs peuvent avoir des facilités, ça va les favoriser un temps mais les gens excellents en qqch auront bossé 4 fois plus que les autres pour arriver à l’excellence. Bref c’est un autre sujet.

Donc je bosse beaucoup, et je bosse encore beaucoup juste avant le bac (idem 2h par jour les maths). Ça va beaucoup mieux je le sens mais j’ai un passif de 6 ans à me dire que je suis nulle en maths, ça disparaît pas du cerveau en 2 mois.

Arrive l’épreuve. Franchement je sais plus comment je le sens en sortant, je crois que je me suis dit que j’avais fait de mon mieux, je dansais pas sur la table mais ça va, j’avais prévu entre 8 et 10 en maths pour avoir le bac ça devrait le faire.

Les jours des résultats, bon j’ai pas dormi de la nuit avant, j’avais le ventre qui s’était mis en grève et j’avais l’impression que j’allais crever de stress.

Je vais à l’affichage : j’ai le bac avec la mention bien. Meilleur sentiment du monde, j’ai envie de pleurer, j’appelle mon père, ma grand-mère et Beyoncé pour leur annoncer.

Je vais récupérer mes notes, qui sont plutôt bonnes (forcément on a pas une mention avec des 2 vous vous doutez bien). Je tombe sur celle de maths et là mon cerveau freeze : 17. J’AI FUCKING 17 AU BaC EN MATHS (je vous rappelle que j’ai commencé l’année avec 8).

Donc j’appelle de nouveau mon père, ma grand-mère et Beyoncé qui était comme ça :

Je me remets de mes émotions et je profite du plaisir que ça procure de réussir quelque chose à la sueur de son propre cerveau. Et là je me souviens de ce que m’avait dit mon prof de maths de 2nd quand il m’a aidé. Alors je prends un stylo et je lui écris :

« Il y a deux ans lorsque vous m’avez aidé, vous ne vouliez comme seul remerciement que ma réussite, je vous joins mes notes au baccalauréat, j’espère qu’elles seront suffisantes pour exprimer ma reconnaissance. »

Sa réponse, je ne sais pas si je l’ai toujours mais pas besoin je m’en souviens très bien, était emprunte d’un peu d’émotion et de ses propres remerciements de ne pas avoir oublié ce qu’il m’avait dit 2 ans plus tôt.

Là je vous avoue je chiale un peu en écrivant ce thread. Parce que Mr Collongues est décédé depuis et qu’il est l’un des profs les plus marquant de mon parcours scolaire. C’était un homme sincèrement généreux avec ses élèves mais qui jamais ne s’en servait pour briller.

Notre premier cours avec lui c’était l’étude d’un recueil de poésie française, parce que la poésie c’était important pour lui (et sûrement plein de raisons que je n’ai pas retenu parce que j’étais trop surprise de faire de la poésie en cours de maths).

Je ne l’ai jamais entendu remettre en doute les compétences de ses élèves, ni baisser le niveau. Il nous poussait à essayer et c’est l’un des seuls cours de maths ou je n’ai aucun souvenir humiliant.

Le souvenir que j’ai de lui, c’est quelqu’un qui aime sa matière mais qui sait que chacun peut réussir sa vie sans jamais rien comprendre aux maths pour peu qu’on leur ait transmis la confiance en eux.

Vraiment, un 17 pour dire merci c’était pas grand chose face à ce qu’il me reste de tout ce qu’il m’a transmis en un an d’enseignement et un été d’aide personnalisée.

Je ne sais pas où vous êtes Monsieur Collongues, mais il est certain que vous y brillez par votre intelligente gentillesse. Vous êtes d’ailleurs sûrement une étincelle dans les réussites diverses et variées de vos élèves. Merci pour tout.

Ça sert à ça la gentillesse, à marquer des parcours de manière indélébile et positive.
Je vous laisse, je vais pleurer un peu.