Profile picture
, 56 tweets, 10 min read Read on Twitter
Sans transition, la session 4 du #RT36 "Théories et paradigmes sociologiques" sur le processus de conceptualisation. #AFS2019
@RT_36_AFS
On démarre avec Rémi Sinthon : "Départager les approches théoriques en fonction de leurs impensés. Le cas des conceptions de la stratification sociale".
@RT_36_AFS Objectif : revérifier la théorie de la légitimité culturelle. Étudier en thèse les rares cas de déclassement social, les plus inattendus.
La démarche, dans l'étude des conceptions de la stratification sociale, vise à départager les approches théoriques : comment faire cela ?
La démarche de partition les "impensés" de ces théories semblait la plus prometteuse. Il n'y a aucun moyen systématique de faire : pour délimiter le corpus il a d'abord fallu restreindre la recherche à la discipline sociologique depuis la fin du XIXe siècle en français et anglais
Pour la sociologie d'avant les années 1960 les auteurs sont largement identifiés. Pour la suite c'est + délicat et polémique, il fallait alors se limiter aux revues dominantes.
L'un des grands résultats du travail : le clivage très marqué entre courants qui interagissent peu.
Une socio centrée sur le RC28 de l'Association internationale de sociologie, très statistique d'une part et, d'autre part, une tradition moins unifiée venue de France.
1) "Social stratification and mobility" -> Universités de Columbia, Harvard et Chicago (avant les années 1960).
T. Parsons et débats autour du structuro-fonctionnalisme, Robert Merton. Critiqué dès le début des années 1950 (notamment par Gerhard Lenski). Analyse des articles dont le titre contient "stratification", "status", "classes", "social structure".
Plutôt que de raisonner auteurs par auteurs, des variables ont été codées dans l'American Sociological Review (au sujet de la stratification sociale). On voit alors la montée de ce courant et l'arrivée d'une sociologie techniciste (Goldthorpe, Boudon, Lenski, Blau et Duncan, etc)
En examinant les travaux sur les réseaux sociaux (RC28) fait apparaitre des innovations conceptuelles : avec M. Grossetti (bifurcations) ou F. Weber, par exemple. Il y a eu de nombreuses innovations empiriques qui n'ont pas été particulièrement théoriques pour autant.
Une fois le corpus de texte examiné, la systématicité n'est plus possible, il a été possible d'arriver à 6 grands impensés:
1. L'essentialisation des catégories d'analyse (prendre les indicateurs pour des éléments substantiels, présenter comme un résultat 10% de cadres en France)
2. L'analyse symétrique de la descente et de l'ascension sociale. Les deux mouvements ne fonctionnent pas de manière symétrique.
3. L'échelle d'analyse, gouvernée par celle des outils empiriques. Présupposer un espace social continu parce que les indicateurs sont continus,par ex.
4. La prétention à un point de vue englobant (exemple de l'espace en 2 dimension dans La Distinction).
5. L'oubli qu'il existe plusieurs dimensions des status sociaux.
6. Le sujet pertinent de la stratification sociale.
L'approche généalogique adoptée, réflexive, s'intéresse aussi au contexte social de la théorisation. Si les statistiques d'état sont routinisées c'est parce qu’elles servent les besoins administratifs. Ce type de réflexivité méthodologique en sociologie est utile pour étudier...
... et comprendre les impensés. Deux positions épistémologiques doivent être admises :
- refuser d'attribuer aux sciences sociales un régime de scientificité spécifique.
- échec d'abolir le dualisme science pure/appliquée ; en socio de la mobilité celui-ci est conservé.
-> Détail de ce travail dans son livre paru l'année dernière, "Repenser la mobilité sociale" (Éditions EHESS).
Pour compléter ces notes nécessairement imparfaites (j'ai faim) je vous renvoie aux tweets de @cle_perronnet, dont le talent en LT n'est pas à démontrer :)
On continue avec la communication de Julien Larregue (@JulienDLarregue) et Frédéric Lebaron (@fredileb) : Matérialité de la pensée et résistance de l'idéalisme. Sur l'opportunité d'une interprétation sociologique des processus cérébraux".
#RT36 #afs2019
@JulienDLarregue @fredileb Pierre Bourdieu était très intéressé par les bases cérébrales de la théorie de l'habitus. La discipline sociologique ne s'est pas assez confrontée avec les développements majeurs des neurosciences (dès les années 1990).
Il y a eu ensuite le développement des neurosciences sociales. A cette occasion Frédéric Lebaron a eu l'opportunité de discuter lors d'un grand colloque avec des psychologues, neuroscientifiques, économistes, etc. qui s'étaient déjà confrontés à ces neurosciences.
Constat : nécessité de développer des travaux de sociologie des sciences sur l'émergence des neurosciences dans l'étude du social. Impératif de réflexivité, et réfléchir à ce que ces sciences apportent ou non à la sociologie, quelle posture adopter.
Julien Larregue a réalisé pour sa part une thèse sur les théories biologiques du crime aux Etats-Unis. Bcp de ces théories étaient fondées en opposition aux traditions sociologiques (notamment autour du débat nature/culture ; en particulier avec les twin studies).
Au fur et à mesure de ses réflexions, il constate que la plupart des débats en France font appel à ce dualisme. C'est pour cela que le développement de ses travaux en socio des sciences l'ont conduit à prendre position dans certaines controverses.
Comment intégrer des données neuroscientifiques dans l'étude des processus sociaux ?
Les débats actuels sont dichotomiques et créent de fausses oppositions. On se prononce en faveur (Bronner/Géhin, Cordonier) ou en défaveur (Giry) du rapprochement sciences sociales/cognitives.
Bourdieu disait cela : la sociologie est oubliée dans les sciences cognitives, la structure est asymétrique (position dominée de la socio). Etudier les processus collectifs est un débat ancien, depuis Durkheim et Mauss aussi, mais l'innovation (imagerie cérébrale) est + récente.
Plusieurs auteurs traitent ces questions cognitives (Lahire par ex.) et s'intéressent au langage, à la mémoire, etc. Cependant la sociologie est tout à fait périphérique, voir absente, dans les revues de neuroscience/sciences cognitives.
La science cognitive est très peu unifiée, ce qui est une opportunité aussi pour la sociologie. Par ses innovations, cette dernière peut avoir un caractère progressiste, c'est en tous cas le pari des auteurs.
Une des questions que cela pose est celle de l'autonomie de la sociologie vis-à-vis des autres disciplines. Il y a une autonomie épistémologique mais il n'y a pas de frontière nette des processus sociaux et cérébraux. Cela fait questionner les critiques faites.
cf. Ogien qui considère une autonomie entre le social et l'étude du cerveau. Or ici il confond l'autonomie épistémologique et l'autonomie ontologique : cette dernière n'existe pas. Les sociologues qui étudient des processus individuels ont intérêt à prendre en compte...
... ce que les neuroscientifiques découvrent sur le fonctionnement du cerveau (et inversement). Lorsque Bourdieu a fondé le concept d'habitus il avait à l'esprit les recherches produites dans des champs connexes (psychologie notamment).
Certains écrits de N. Elias ont déjà battu en brèche l'opposition nature/culture : on peut très bien être sociologue et intégrer des travaux issus des sciences cognitives sans que cela porte atteinte aux interprétations proposées (au contraire).
1er point important avant d'aller + loin : comprendre l'importance de la plasticité cérébrale. Par exemple, on observe chez les pianistes que certaines zones sont épaissies, celles-ci correspondent proportionnellement au fait de s'entrainer.
Il faut se départir de l'idée d'une fixité de la biologie : le cerveau évolue dans un environnement, au grès des expériences sociales. S'intéresser aux neurosciences ne fait que prolonger Bourdieu sur le corps social, sauf que ce n'est plus seulement une conformation visible.
Pour reprendre l'exemple : jouer du piano est bien sur imbriqué à la répartition du capital culturel.
Le cœur du propos est celui-ci : il y a de nombreuses affinités entre le concept d'habitus et les données empiriques contemporaines sur le cerveau.
L'habitus peut alors être défini comme une "mémoire procédurale découlant d'un apprentissage du cerveau". La mémoire est très complexes/multidimensionnelle, pourquoi n'avons-nous pas fait ce rapprochement plus tôt ?
La mémoire procédurale permet, par l'apprentissage, de s'ajuster à tout un ensemble de situations, et c'est cela au fond l'habitus. On va donc aller prendre dans ces travaux des éléments qui nourrissent l'interprétation sociologique; il est cependant important de relier...
... les concepts sociologiques aux autres sphères scientifiques pour ne pas se retrouver cloisonnés dans notre discipline.
L'étude menée sur les pianistes de jazz et classiques en improvisation est un bon exemple pour ce propos. De expériences menées en neurosciences permettent d'observer les réactions du cerveau pendant l'improvisation d'une partition.
On a constaté des résultats en apparence contradictoire : parfois une activation des zones liées au contrôle exécutif, d'autres fois le cortex préfrontal. En somme : dans certains cas cela ne demande pas d'effort cognitif, pour d'autres il y a une plus grande activité.
Ce résultat est considéré comme une anomalie empirique pas les neuroscientifiques. L'hypothèse proposée par les auteurs est que l'on peut expliquer cette différence par la socialisation respective des pianistes de jazz et de classique. Il faut prendre en compte ces trajectoires.
En effet, le rôle de l'improvisation n'est pas le même entre les deux, ce qui se voit non seulement dans la dimension musicale mais aussi dans les lieux de socialisation (en gros le "conformisme déviant" du jazz, cf. Coulangeon, VS les conservatoires).
L'apport de la sociologie dans les neurosciences est de ne pas essentialiser la notion "d'improvisation". Il faut alors réintégrer des échelles que les cognitivistes n'ont pas en tête. L'étude de la complexité des objets fait partie du travail courant en sociologie.
Comment faire sens des observations en neurosciences ? Quand on demande au pianiste de jazz d'improviser c'est comme une "seconde nature", à l'inverse des pianistes de musique classique qui doivent faire appel à des compétences peu sollicitées habituellement.
Le travail cérébral n'est pas le même (en terme de zone mais aussi d'intensité). En somme cela donne des informations sur l'incorporation des dispositions, ce qui permet aussi de contredire l'idée que l'habitus est une boite noire invisible. Il suffit de dépasser le dualisme.
L'imagerie cérébrale est alors un élément, parmi d'autre, pour alimenter les réflexions.
Conclusion/ouverture : dans quelle mesure la sociologie a une fonction dénaturalisante des processus biologiques ? Le fait que le cerveau évolue au grès de l'entrainement montre que...
... le biologique n'est pas toujours naturel, et à l'inverse le naturel n'est pas toujours biologique. Certains processus sociaux/psycho/biologiques ne sont pas en contradiction du moment que l'on articule les données dans ces différents espaces.
Discussion: travail analogique à faire entre sociologie et psychologie et que Durkheim a déjà abordé. Dans ses emprunts il s'intéresse à Darwin notamment, les habitudes des vers de terre par ex. Cette notion 'd'hérédité acquise' le mène à considérer les habitudes actives/passives
Durkheim apporte des choses fondamentales pour entrer dans les sciences cognitives de façon "décomplexée". L'écrit de Bourdieu dans la préface dialoguée avec J. Maître sur le rôle de l'inconscient pourrait ainsi être une ressource.
Remarque de L. Mucchielli : attention à ne pas surinterpréter non plus un point de vue de musicien. Quand on fait du jazz on joue un thème (mémoire procédurale) puis on improvise. Les musiciens classiques sont uniquement dans la reproduction de procédure.
Lorsque l'on demande à improviser ils sont + embêtés et cherchent à puiser dans des schèmes.
Autre question de S. Dufoix : il y a-t-il un lien à faire avec Halbwachs sur la mémoire collective ? Il parle chez les musiciens de la mémoire pratique, celle des "mains".
Autres remarques (Jeremy Ward) : s'agit-il de relire les interprétations des cognitivistes ? Relire une littérature existante ? La revue Nature Human Behaviour propose ce genre d'analyses (cf. publications de Michèle Lamont notamment).
Sur l'optimisme à se "faire une place" dans les sciences cognitives, ne faudrait-il pas prendre en sérieux que cela a été fait par d'autre auteurs... et que ça a échoué ? Que peut-on faire ?
Réponse : oui il ne faut pas nier les dimensions économiques, les structures des champs, etc. Pour autant la sociologie progresse aussi et le contexte n'est pas le même qu'avant. Pour autant exemple positif : Bourdieu et Changeux ont cependant pu discuter...
... Ce n'est pas parce que la sociologie est dominée actuellement dans ce champ que rien n'est possible. Les psychologues cognitives, formés au neurosciences mais en rien grand spécialistes de ces domaines, sont dominants. Les leviers pour s'y intégrer sont donc + complexes.
Le mot clé "interdisciplinarité" est demandé, sans cesse l'axe "science sociale" est requis dans des programmes (notamment parce que cela permet d'avoir des financements), il y a des ponts d'entrée.
Remarques de Marc Joly : il ne faut pas oublier que la sociologie est un science des biens sociaux génétiques, des changements de configuration, des probabilités, etc. Quand on dit que la socio doit "dénaturaliser" il faut faire attention à l'évolution de ce terme.
Durkheim notamment se revendique d'un certain "naturalisme". La neuroscience sociale vient de la psychologie sociale, or pour eux le social correspond à des interactions entre deux individus (pas de réflexion sur les processus sociaux, les classes sociales).
Missing some Tweet in this thread?
You can try to force a refresh.

Like this thread? Get email updates or save it to PDF!

Subscribe to Tonyo
Profile picture

Get real-time email alerts when new unrolls are available from this author!

This content may be removed anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Follow Us on Twitter!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just three indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3.00/month or $30.00/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!