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Suite de la journée à #AFS2019. LT de la conférence semi-plénière "Classements familiaux, classements scolaires et formation des habitus de classe", avec Martine Court, Stéphane Bonnéry et Margot Delon.
@afs_socio Martine Court rend compte d'une recherche collective sur la prime socialisation de classe d'enfants de 5 ans. Les résultats sont présentés dans le livre "Enfances de classe" qui sort aujourd'hui, sous la direction de @BernardLahire.
@afs_socio @BernardLahire Recherche réalisée dans le cadre d'un programme ARN qui réunit 17 collègues (J. Bertrand, G. Bois, M. Court, S. Denave, F. Giraud, G. Henri-Panabière, J. Laillier, C. Mennesson, C. Moquet, S. Nicaise, C. Piluso, A. Raynaud, Fanny Renard, O. Vanhée, M. Woollven et E. Zolesio.
@afs_socio @BernardLahire Comment les inégalités sociales affectent les enfants dans les premières années ? Et fabriquent des dispositions inégales qui constituent des ressources/handicaps.
Thèmes abordés : dispositions à l'obéissance/contrainte, rapports à l'argent, au langage, aux habitudes corporelles.
@afs_socio @BernardLahire L'objectif n'était pas d'étudier des habitus de classe mais l'intériorisation de dispositions et compétences inégales. Comment l'histoire individuelle fabrique des dispositions et inversement comment le processus de socialisation est affecté par la trajectoire ?
Positionnement qui diverge des travaux habituels de la sociologie de l'enfance. Dans ce sous-champ, la question de la socialisation est souvent mise sous l'ombre, en rupture avec la posture Durkheimienne. On y parle souvent d'agency des enfants, de ce qu'ils font.
Ici il s'agit aussi de s'intéresser à ce que les enfants font, à leurs goûts, mais aussi de décrire précisément "ce qu'on leur fait". Les différences sont ici prises pour objet, encore une fois cela diverge des postures de la sociologie de l'enfance.
Ici il s'agit de montrer en quoi les existences enfantines sont "lestées" par des appartenances de classe. Le portrait de l'enfance est dès lors moins enchanté, amenant à montrer que les enfants qui grandissent en France "vivent dans la même société mais pas dans le même monde".
Méthodologie : enquête sur 35 familles, 175 entretiens avec 1/3 de familles de classes pop, 1/3 moyenne, 1/3 sup. Intérêt aussi dans des pôles économiques/culturels de l'espace social (cf. schéma de la Distinction).
Pour chacun des enquêté-e-s, il s'agit de saisir les conditions de socialisation ainsi que les produits de cette socialisation. Dispositif en trois temps : interrogation des parents (3-5 fois), des enseignant-es de grande section ainsi qu'une autre personne (nourrice par ex.)
Exercices langagiers menés avec les enfants pour appréhender leurs dispositions langagières. Le tout est complété par une journée d'observation de l'enfant dans sa classe à l'école. D'un point de vue de l'écriture, deux parties :
1ère partie ouvrage : portraits d'enfants qui donnent à voir l'articulation des différentes dimensions. Volonté de faire voir la fabrication des inégalités de façon "incarnée", tangible.
2ème partie : série d'analyses transversales sur les socialisations (culturelle, école, etc.)
Sur la fabrication des inégalités scolaires, trois points :
1) La recherche permet de montrer le rôle que jouent les conditions matérielles d'existence. En socio de l'éducation cette lecture matérialiste est encore assez rarement mobilisée. On reste dans les travaux de...
... Bourdieu et Passeron et la lecture des inégalités culturelles. Sans contester ce pt de vue, cette recherche montre que les inégalités économiques contribuent de façon importante aux différences, en soulignant par quelles médiations. Les entretiens permettent de voir...
... les effets de la pauvreté. Le manque d'argent empêche l'accès au capital culturel objectivé : ce n'est pas à négliger quand on considère le rôle des objets et l'espace nécessaire pour les utiliser dans l'acquisition de compétences attendues en maternelle.
La question de la précarité de l'habitat ou le rejet des enfants pauvres par les pairs sont d'autres manifestations de ces éléments qui affectent leur scolarité.
2) Les familles moyennes et sup achètent des jeux éducatifs, font pratiquer des activités culturelles proches de celles réalisées à l'école (éveil musical, bibliothèque, etc.) Consonance de ces pratiques famille/école.
3) Les enfants de classe moyenne et supérieurs rencontrés sont nettement mieux préparés à l'école. Cela s'observe dans les activités ludiques/culturelles, les interactions langagières dans lesquelles ils sont pris et enfin les modes d'exercice de l'autorité.
Ces processus ont été analysés au travers des fractions de classe, ce qui permet de montrer les avantages des enfants issus de classes moyennes-supérieures. Elles sont cependant assez peu marquées dans les pôles économiques des classes moyennes.
Un peu plus marquées dans les classes sup, et encore plus marquées dans les pôles culturels des classes moyennes et supérieures. D'un côté on a des familles avec des formations scolaires et universitaires : familiarisation très tôt avec des questionnements qui viennent de la.
(Du côté scientifique -nature, musées, sciences- ou littéraire -jeux de langage, rapport à la fiction, etc.-)

Une deuxième question est celle de la construction de dispositions classées/classantes, des distinctions symboliques entre les classes.
Les enfants de classe sup vivent précocement, en plus des goûts et savoirs, l'aisance dans la pratique et qui distingue les détenteurs de la "bonne manière" de consommer la culturelle des parvenus. Les parents initient très tôt les enfants à des œuvres littéraires classiques.
Dès l'âge de 5 ans certains découvrent aussi la culture classique à travers des voyages, avant que cela ne soit abordé à l'école.
Autre élément important : celui de la langue anglaise. Les enfants, surtout du pôle économique+, sont familiarisés souvent avant 5 ans à cette langue.
Cela passe par des petits cours ou la jeune fille au pair ou l'école bilingue. La familiarisation s'observe de manière significative dans les classes supérieures.
Enfin, cela s'observe aussi par le corps : les enfants font très tôt l'apprentissage de techniques du corps.
Ces techniques permettent de signaler l'appartenance à la bourgeoisie : faire du ski à 3-4 ans par ex. Les parents mettent en œuvre différentes pratiques "d'excellence corporelle", surtout chez les filles (danse classique et gymnastique). Injonctions au quotidien dès 5 ans.
(manières de marcher, de se tenir, de parler, d'articuler, etc.)

Deux enjeux de cette démarche :
- Travailler sur des enfants de 5-6 ans permet de donner à voir la socialisation à un âge où elle est assez peu étudiée en sociologie et évoquée dans le débat public.
On ne peut pas dire que "tout se joue avant 6 ans", mais c'est malgré tout considérable.

- Aussi, se centrer sur ces années permet de battre en brèche les discours naturalisant sur la petite enfance (ex : l'envie de lire ou d'aider ses camarades serait propre à cette période).
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Deuxième intervention, celle de Stéphane Bonnery sur le rôle de l'institution scolaire dans la production des classements. #afs2019
Les recherche sur le genre et les manuels scolaires à l'école montrent que les filles en milieux populaires réussissent bien + que les garçons. Si l'école relie donc des modèles qui existent par ailleurs, il faut aussi comprendre les classements scolaires.
Dans la reproduction, à l'inverse de Crozier, Bourdieu&Passeron cherchaient plutôt à montrer la continuité entre la transmission culturelle et l'école. Or, la socialisation intellectuelle est importante pour comprendre la socialisation à des dispos durables.
Le propos sera centré sur le primaire et le collège : s'il y a des inégalités d'orientation scolaire, il reste qu'elles sont entravées largement par des acquisitions antérieures.
Ce qui est en cause : la façon d'associer des élèves par essence à des caractéristiques pour...
... expliquer des situations spécifiques. Depuis plusieurs recherches (notamment Millet) montrent que les catégories on peut les repérer depuis le plus jeune âge de la scolarité. Ces conceptions spontanéistes peuvent être attribuées à plusieurs raisons.
[Il va trop vite, désolé pour le flou de ce LT...]
L'imposition du modèle des classes supérieures s'est accompagné de l'injonction à l'autonomie. Différentes types de pédagogies peuvent alors être soumis à ce type de logiques.
Le temps consacré à évaluer et classer s'est accru au détriment du temps à enseigner. On retrouve alors les catégories d'élèves "manuels" et "visuels", les élèves pas motivés pour les apprentissages intellectuels, qui fait introduire du ludique, etc. (travaux de Renard).
Il y aurait aussi les élèves "en difficulté" ou "brillants". Simultanément on a les catégories qui essentialisent les performances des élèves. On a aussi des travaux qui parlent de handicap "socio-culturel", présenté comme un problème que l'école ne peut traiter.
Bourdieu et Passeron distinguaient pour la pédagogie traditionnelle de ne pas transmettre :
- Ce qui est acquis par héritage
- Le rôle de la pédagogie implicite (habiletés moins enseignées, comme tenir un stylo)
- En + des savoirs l'école requiert des postures, dispositions.
- Les techniques d'apprentissage sont peu enseignées et sont en décalage quand on privilégie l'usage de l'oral.

Ce schéma d'explication où l'école s'appuierait sur des habitus préalablement construit dans les familles est malheureusement toujours d'actualité.
On a actualisé cette question : dans un ouvrage récent les manuels sont examinés sous ce prisme là. Beaucoup de consignes sont implicites, quand il y a 4 ou 5 questions qui s'enchainent l'enseignement doit présupposer que les trois première sont factuelles quand la dernière...
... nécessite de se ressaisir des précédentes. Contenus de programme bcp + conceptuels depuis l'après guerre.

Voilà le livre ->
Plusieurs recherches font des constats similaires :
- Les enseignant-es utilisent les manuels dans différents contextes, vont mettre au travail les élèves les + faibles ; tandis que pour les questions + complexes ont va solliciter d'autres élèves. Division sociale du travail int.
- Les albums en moyenne/grande section, plus l'on est en ZEP par ex., traitent du quotidien (apprentissage du lexique et pas littéraire) ; dans les milieux favorisés il y aura le schéma actanciel, etc. Dès le début l'école construit des curriculums inégaux.
Conclusion : les catégories qui expliquent le niveau des élèves viennent en même temps fabriquer le niveau à l'arrivée, produire donc des encouragements/découragements et jouer sur l'orientation.
Deux nuances pour conclure :
- Ces catégories peuvent créer de la culpabilisation des élèves/familles ou enseignant-es. Un autre aspect complémentaire a pu accroire la disqualification des élèves : celui du rejet des notes, des classements, etc.
Cela peut conduire à créer des effets de seuils qui "font des dégâts", surtout à l'entrée en 6e et en 2nde, ou tout d'un coup le mauvais niveau est signifié et on dit "c'est trop tard pour rattraper".
La critique du discours sur les catégories doit aussi tenir compte de cela. Enfin, si ces catégories sont des constructions et qu'il faut les déconstruire, elles désignent au demeurant des difficultés bien réelles qu'il ne faut pas minorer. Le monde social n'est pas que...
... discours et représentations (cf. matérialité évoquée par M. Court). Ce qui est interrogé est moins le classement des élèves, ce sont les raisons de ces performances, en lien avec les catégoires qui les produisent et qui masquent les enjeux sociaux.
C'est en fabriquant des inégalités d'appropriation de la culture scripturale-scolaire que l'école contribue à produire des habitus de classe différents.
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#AFS2019
Dernière intervention : Margot Delon sur la ville de Nanterre. La destruction de bidonvilles dans les années 1970 n'a pas permit de reloger correctement les habitant-es immigré-es.
En 2011 : enquête sur le devenir des enfants et adolescents qui ont grandis dans ces bidonvilles (cinquantaine d'entre eux/elles). Exemple d'un immigré portugais qui dit que "c'était clair que pour mes profs je serai maçon ou peintre en batiment".
Confrontation à une logique scolaire ethno-raciale et de classe, que l'on saisit également dans le reste du corpus. Pourtant Hector n'est pas devenu peintre, il est devenu consultant dans l'énergie atomique au CNRS. Ses parents n'étaient pas parmi les + démunis des bidonvilles.
Issus d'une certaine bourgeoisie au Portugal, leur arrivée au bidonville fut un choc. Cela a fait naitre chez Hector des aspirations différentes. Ce n'est pas seulement lié à ça : ce sont ces dynamiques de reclassement qui seront étudiées.
Il s'agit d'interroger la formation d'habitus de classe chez des personnes en reclassement ascendant. Intérêt sur les socialisations institutionnelles, familiales et locales autour de frontières où on été confrontés les habitant-es des bidonvilles.
1ère partie : montrer que les classements se constituent autour d'une triple frontière de géographique (urbaine), de classe et de race.
Les bidonvilles matérialisent une frontière : celle de la ville "propre" et "sale". Pour des enquêté-es qui étaient enfants/adolescents...
... les professeurs sont ceux qui ont le + contribué à ce classement en ville "sale". Ceux qui arrivés du bidonville devaient passer au toilette laver leurs bottes, par exemple (vécu comme une humiliation).
Ce tri dès l'entrée de l'école est alors assez conditionnant.
De telles interactions répétées conduisent à la formation de la différence sociale sur cette frontière urbaine.
Ce classement est cependant porteur de hiérarchies de classe et race et qui se matérialisent dans le bidonville.
Dans les récits recueillis la honte de soi liée à la pauvreté est manifeste. Les interactions avec les pairs adolescents ont eu un fort effet socialisateur (on ose pas dire où l'on vie et inviter des ami-es).
Les familles des bidonvilles relogées étaient confrontées à un dispositif stigmatisant(sur la base de préjugés racialisants). Pour certaines l'expérience de l'habitat précaire a duré des années 50 à 70. Tout cela renforce l'incorporation des classements et la marginalité.
2nde partie : il s'agit ici de mettre le focus sur les socialisations qui ont permit des reclassements, et notamment dans le cadre d'ascension sociale. Des "rencontres socialement improbables" (J. Pagis) ont favorisées la formation d'un habitus de franchissement des frontières.
La socialisation à la mobilité à eu lieu de différente manière :
- Ces acteurs, blancs, issus souvent de classes moyennes/sup, ont servi d'appui dans la trajectoire scolaire (mise en place avec ces personnes d'aide aux devoirs, aide au 1er emploi).
- La mobilité vient aussi d'un sentiment d’élection qui a pu faire la différence dans des moments charnière.
Les enseignant-es ont ainsi pu jouer parfois un rôle d'aidant. La socialisation à l'ascension n'est pas mécanique : elle n'a parfois eu aucun effet dans des familles.
Dans d'autres elles ont été des contextes déclencheurs.
- Ces socialisations sont le + efficaces sur des familles immigrées qui étaient plus dotées avant leur arrivée et qui ont subi un déclassement. Distinction qui intervient déjà en surinvestissement la sphère scolaire.
En fonction e la trajectoire antérieure et des aspirations migratoires, toutes les familles n'étaient pas disposées de la même façon à ces rencontres (et donc ces socialisations n'avaient pas les même chances de se produire).
Fin du LT car je n'ai plus de batterie. A bientôt :)

A voir aussi, le live tweet par @cle_perronnet de la semi-plénière sur les "Non-catégories" avec Cécile Thomé (@CecileThome), Nicolas Henckès et François Héran.
Par ici ->
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