Thread by @Aurelie_Gascon

Bon, comme tout ça m'agace, je viens d'acheter le dernier bouquin de Chapoutot. Version numérique.
Je le commence dès que ma Kindle est rechargée.

Bon. Je dois dire après avoir commencé que je n'aime pas forcément le cheminement où Johann Chapoutot veut nous emmener, mais qu'après avoir lu 4 ou 5 pages, il est impossible, si on sait lire, de porter à son encontre des accusations aussi graves que ce qu'on peut lire ici

En gros, pour lui, se pencher sur le management des nazis, c'est s'intéresser à tous les aspects modernes du régime, qui a rendu ses crimes particulièrement affreux. Pas d'accabler tous les DRH ou la GRH en général. Ça continue de me rendre perplexe mais ça s'entend

Ma Kindle a décidé qu'il me fallait une pause

Bon ben voilà, fin de la polémique idiote. La vertu de lire les livres qu'on prétend descendre en flammes, certains feraient bien de s'en rappeler.

Bon. Je sens qu'il y a deux ou trois parallèles qui vont continuer à ne pas me plaire, mais en fait, le livre me semble aussi ouvrir des perspectives passionnantes. Je diffère le reste de la lecture à plus tard, quand j'aurai plus de temps, mais il y a quelques passages lumineux

Plus je lis, plus je pense que malgré des passages très intéressants, c'est globalement raté, à force d'induire des parallèles peu convaincants (la haine de l'Etat des nazis n'est pas de même nature que celle des libéraux classiques, par exemple)

Chapoutot est excellent sur la RFA noyautée par d'anciens nazis. Ces passages là sont à lire absolument, même s'ils n'apprendront rien à ceux qui connaissent un peu la question.
Par contre, sur l'analogie de l'obsession de l'organisation des loisirs nazis vs maintenant

C'est vraiment très, très mauvais. Pas un mot sur les pratiques soviétiques qui elles aussi, cherchaient pour des raisons bien compréhensibles à régenter le plus possible les loisirs de leur société. L'analogie sous jacente, jamais vraiment dite mais pourtant là

N'est pas du tout convaincante et témoigne surtout de la volonté de Chapoutot de trouver à tout prix une similarité.

Bon. Arrivée à plus de la moitié, je suis obligée de constater que le militant prend le pas sur l'historien dans ce livre, ce qui n'est pas un mal en soi, mais là donne des choses très contestables. En dehors de quelques passages intéressants, on peut se dispenser de sa lecture

Bon ben fini. Je reste plus que sur ma faim, il y a des réflexions intéressantes sur le management moderne, mais les analogies ne sont guère convaincantes.
Par contre, dans ce livre, il y a peut-être le germe d'un ouvrage sur le recyclages des anciens nazis en RFA et RDA

C'est en tout cas là dessus que Chapoutot est le plus intéressant dans ce livre, trop court pour évoquer le fait que l'une des sources qu'il cite venant de RDA (ce qui ne la discrédite pas forcément), elle a un but bien précis, à savoir déstabiliser la RFA en distillant

Des révélations souvent vraies mais aussi parfois fausses sur le passé de personnes haut placées dans la société ouest-allemandes. C'est un sujet passionnant qu'il est trompeur de ne penser que sous l'angle de la continuité intellectuelle (et c'est le problème de cet ouvrage)

Parce que finalement, la RDA a été confrontée exactement aux mêmes problèmes (elle a beaucoup recyclé les balances et salauds en tout genre, mais également des gens instruits utiles à la reconstruction du pays et qu'elle savait suffisamment dociles)

Conclusion: le livre prête le flanc à la polémique, beaucoup de critiques peuvent se justifier. En revanche je ne crois pas un instant qu'on puisse dire que Chapoutot relativise le nazisme, c'est faux. Je pense que ce livre aurait pu demeurer une esquisse pour plus consistant

Suite à une interprétation particulièrement malhonnête d'un de mes tweets au dessus, je précise sans grande illusion que ce que je reproche à Chapoutot sur sa manière d'analyser la manière dont les nazis accaparent les loisirs des gens, c'est de voir une singularité là où il n'y

En a pas. Tous les régimes autoritaires et dictatoriaux y ont attaché la même importance, tout comme le Front populaire (pour ceux qui font semblant de ne pas savoir lire, ceci n'est pas une comparaison non plus) qui a permis d'en démocratiser l'accès en France.

Il n'y a donc aucune analogie, ni de comparaison de ma part entre régime nazi et URSS mais pour le savoir, il faut commencer pas ne pas sortir de tweet de son contexte (commentaires à la volée sur 1 livre en cours de lecture).
Ah et j'anticipe, quand j'évoque la RDA

Ce n'est pas non plus par "anticommunisme", mais parce que lorsque l'on veut établir, sur la base du recyclage d'anciens nazis dans la société une continuité intellectuelle sur un aspect ou sur un autre, il est intéressant de regarder un peu aussi comment ça se passe

Dans le contre-projet de société proposé par la RDA. Et le fait est que ce recyclage s'est peu ou prou fait dans le même ordre de grandeur, ce qui là aussi, affaiblit la démarche de Chapoutot, à mon avis.
Voilà.