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Je vais compléter un peu, pour qu'on compare ce qui est comparable. Thread.
D'abord sachez que les fonctionnaires allemands n'ont pas le droit de grève. C'est vous dire si les dirigeants allemands sont moins cons que les nôtres: ils n'attendent pas le pourrissement des conflits sociaux en général. Ça c'est le 1er point.
Le 2e point, c'est que tous les enseignants ne sont pas fonctionnaires, loin de là. Beaucoup de Länder n'offraient plus ou peu le statut de fonctionnaires aux enseignants.... et y reviennent, parce qu'en Allemagne comme ailleurs, il y a une pénurie d'enseignants.
Donc, pour instaurer un rapport de force efficace avec les autorités locales voire dans certains cas l'Etat fédéral (mais c'est rare puisque les fonctionnaires de l'éducation sont gérés par leur Land), ce sont les contractuels qui sont en position de force.
Ce qui est, vous en conviendrez, extrêmement différent de notre situation. Les contractuels allemands sont mieux payés que nos contractuels, bien sûr, mais on retrouve des pratiques similaires à chez nous, la mise au chômage pour l'été par exemple.
Ce qui change la donne, aussi, c'est que les fonctionnaires des Länder, ou assimilés, dans la branche de l'éducation ou non, sont massivement syndiqués dans une unique fédération de syndicats. Ça change le rapport de force, ça aussi.
Cela induit une plus grande solidarité des différents acteurs de la branche entre eux, et ceux qui bossent dans la petite enfance ont particulièrement été soutenus. (Salaires très bas, plus haut que chez nous mais tout de même trop bas). On rajoute à cela le fait
Que tacitement, les fonctionnaires ont globalement plus ou moins renoncé à demander des augmentations pendant les années de crise. Ça, c'est impensable chez nous puisque de toute façon, même quand ça va bien ou mieux, la question de l'augmentation des salaires est peu discutée.
La réussite de ce mouvement social allemand repose sur tout ça: des fédérations de syndicats puissantes, qui n'ont pas peur d'exiger, mais non pas peur de négocier non plus. Avec en face des dirigeants globalement dans le même état d'esprit, ce qui n'est pas près d'arriver.
D'arriver ici, j'entends. Maintenant, pour en revenir aux conditions de travail des enseignants allemands, voilà de quoi y voir un peu + clair: d'abord, le processus de titularisation (qu'on devienne fonctionnaire ou pas) et d'études est assez contraignant
Au point que nb d'entre nous les trouveraient inacceptables. La bivalence au minimum est obligatoire, et pendant deux ans, la formation et les stages font l'objet d'un suivi serré. En plus, les professeurs allemands passent un examen (le Staatsexam) et doivent se trouver
Eux-mêmes une école, leur école, lycée ou collège. En Allemagne, c'est le directeur de l'établissement qui engage les enseignants. Une fois passé l'écueil de l'embauche et de la titularisation (qui ferait passer l'ESPE pour une douce plaisanterie, je vous l'assure)....
Eh bien on doit faire avec une grande autonomie de l'établissement et pléthore de responsabilités qui ne nous concernent pas tous ici: ils n'ont ni CPE ni surveillants, doivent être disponibles sur un certain créneau pour remplacer des profs absents, organiser divers voyages de
Classe... Ils ont bien plus de responsabilités que nous, globalement. Et ne chipotons pas: les professeurs allemands donnent, selon les Länder, jusqu'à 23 périodes de 45 minutes de cours. Alors oui, 45 c'est moins que 55, mais 23 périodes ça fait svt à l'arrivée + de classes
Et de préparations. Ils ont aussi moins de vacances que nous. Les seuls qui peuvent vraiment se sentir floués quand on fait la comparaison 🇩🇪-🇨🇵, ce sont les PE. Ils bossent + et ont grosso modo les mêmes responsabilités pour 2 fois moins de salaire.
Mais dans le secondaire, globalement, si on veut comparer, il faut tout prendre en compte: les responsabilités, la bivalence, les modalités d'embauche. Ça ne justifie pas que les salaires français soient si bas mais ça explique sans pb que les profs allemands touchent +
Par contre, les Allemands ont un avantage énorme par rapport à nous: la gestion du temps et de l'espace. En général il y a peu de cours l'après-midi, même dans les classes supérieures: ça laisse du temps pour gérer paperasse et copies, et il y a des salles là pour ça
Je rajoute: en Allemagne, il n'y a pas une politique éducative, mais 16, suivant le nombre de Länder. Les mouvements sociaux ne fédèrent donc souvent pas autour du retrait de telle réforme, et les réformes sont souvent bien plus qu'ici négociées et non décidées d'en haut
Petit point rigolo: justement parce que le fédéralisme a aussi ses inconvénients, on discute beaucoup en Allemagne de la mise en place d'un Abitur (=bac) + centralisé, tandis que chez nous on tend à le décentraliser un peu. Comme quoi, rien n'est parfait.
Autre point rigolo, sur un point qui nous choquebeaucoup: récemment, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a tranché sur l'interdiction du droit de grève des fonctionnaires, qui reste constitutionnelle. Et des syndicalistes enseignants se prononçaient pour son maintien
Et ils fondaient leur position sur le fait que ce qui justifie le traitement particulier des fonctionnaires, autrement dit les avantages, doit se compenser par des devoirs particuliers. Défendre cette position ici relèverait du suicide. 😏
Dernier point, que j'ai oublié: l'augmentation dont il est question ici ne concerne que les contractuels de la fonction publique des Länder (ce qui fait un paquet de monde quand même)
