L’alarme anti-incendie de mon voisin du dessous crache une douce mélodie psalmodiée : elle est en mode batterie faible. Il est confiné à 400 km de Paris. Ça rajoute un peu de sel à ce confinement parisien dans lequel je commençais à trouver mon petit confort. Au secours.
News : j'ai passé la nuit la tête coincée entre deux oreillers. A 5h du mat', j'ai déchiré mes draps pour tisser une corde, suis descendu en rappel, j'ai cassé la fenêtre au marteau et j'ai arraché le détecteur avec les dents. (Le proprio m'envoie ses clés par la Poste).
Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip bip... Bip bip. 
Je suis calme. Je suis très calme et je souris d'aise en pensant à cet instant béni qui me verra entrer dans l'appart du voisin, virer les piles de son alarme, vider sa meilleure bouteille de whisky et faire un selfie avec sa brosse à dents dans les fesses.
(Bip bip bip) On apprend plein de choses en confinement. En une heure, j’ai appris que le brame du cerf l’épuisait (il perd 25% de son poids) et que le chat était à la fois un prédateur et une proie. Je n’avais jamais compris cette évidence. Dont acte. (Bip, bip, bip).
Encore un ou deux jours à tenir. Et j'ai trouvé la solution. Musique toute la journée assez fort + boules Quies. J'ai aussi acheté une hache, des sacs de chaux, on sait jamais.
Le bip commence à ressembler au chant du grillon la nuit à la campagne. C'est presque agréable. Parfois j'ai l'impression qu'il y a aussi des blattes sous la peinture des murs, elles grattent, elles grattent quelque chose en morse. Demain, les clés seront peut-être là.
Les clés ne sont pas arrivées. Mais j’ai confiance. Vole, vole petit facteur, cours, cours, et viens vers moi.
Je suis descendu pour en avoir le cœur net. J’ai ouvert la boîte aux lettres. Le facteur est passé. Mais n’a pas sonné à l’interphone. Peur, flemme. J’en sais rien. Demain à 14h, je vais chercher les clés et je le suspends mentalement au porte-manteau du bureau de poste.
Je suis descendu pour parler à la porte.
À la Poste, ils ont dit, désolé, le colis, vous l’aurez mardi. J’ai ri. Un peu comme le Joker.
Bon. 1/ Je commence à avoir des hallucinations auditives. 2/ Mon voisin me supplie au téléphone de ne pas faire fracturer sa porte. C'est Fort Knox son truc. 3/ La chose positive dans cette torture chinoise : vous rigolez bien. Ça fait plaisir.
Pourquoi mardi ? Parce que la Poste est désorganisée comme tout le pays. Le directeur a vu ma gueule. Il m‘a dit qu’il m’appellerait à 14h. Il reste un espoir tenu.
Pourquoi je défonce pas la porte ? Parce que c’est pas un film. Les pompiers ? Ils ont autre chose à faire. Et mon voisin est terrorisé à l’idée qu’on fracture sa porte et me supplie de ne pas faire ça. Je vous laisse, je vais me faire un rail de xanax.
Pour la amateurs, c’est pas une porte de saloon, la porte de mon voisin. Rien que la clé principale, elle doit avoir plus de dents qu’un tyranosaure. Mais notez la serrure sur le côté. Une serrure de plus, latérale ! Qui a ça ? Bah mon voisin.
OMAGOD. La Poste a appelé. La Poste m’a dit de venir. Ils ont le paquet. Ils vont me donner le paquet. Avec les clefs à l’intérieur. Merci au directeur de la Poste Place des Fêtes. Merci. Tremble petite alarme, tes minutes sont comptées. (Rire sardonique)
Il n’est pas coiffé, il est épuisé mais il part en mission. C’était pas sa guerre, mais à un moment, faut pas pousser papy dans les orties. Ça va chier.
F7117, dans mes bras, mon chéri.
Mon voisin a pris soin de placer les clefs dans une boîte de chloroquine, c’est cool. (Tout doux les raouliens, je déconne)
Mais c’est pas vrai. En marchant vers chez moi avec une banane de psychopathe qui va tuer, je m’aperçois que j’ai plus l’enveloppe en mains ! Je fais demi-tour en panique. J’ai fait tomber le paquet par terre. Putain, j’ai besoin d’un break. Demain je pars aux Antilles.
