Suite et fin du thread sur John Stuart Mill. Après sa vie, ses idées et ses combats. En tant qu’économiste, Mill est l’homme de la synthèse "classique", celui qui a lu Smith, Ricardo, Say, Malthus, Say et quelques autres 1/
2/ Son magnum opus, Principes d’économie politique, va connaitre un très grand succès, avec 32 éditions consécutives, devenant pendant cinquante ans le livre d’économie de référence dans le monde universitaire. 
3/ John Stuart est un libéral "classique", qui défend la libre fixation des prix, la concurrence, la valeur-travail, la neutralité de la monnaie, le rôle de l’épargne dans le processus de croissance, la stabilité d’un environnement fiscal et législatif.
4/ Comme Ricardo, il se montre pessimiste sur la croissance et considère que l’économie tendra vers un état stationnaire. Seuls les innovations technologiques et les entrepreneurs pourront reculer l’atteinte de cet état.
Mill n’est toutefois pas qu’un théoricien de l’économie.
Mill n’est toutefois pas qu’un théoricien de l’économie.
5/ En collaboration avec sa femme Harriet, il écrit sur les grandes questions de société. Dans De La Liberté, John Stuart Mill s’attaque à tous les dogmes de son époque, notamment la morale victorienne, l’intolérance religieuse et le puritanisme.
6/ Il critique la coutume et le conservatisme. Favorable au contraire à la libre pensée et au scepticisme, il en vient à choquer son époque avec son engagement pour la promotion des femmes dans la société.
7/ Son analyse de la liberté est fondamentale et ne se limite pas au champ économique. Elle s’étend au champ philosophique et épistémologique. Pour Mill, la liberté est indispensable parce qu’aucune personne ne détient une connaissance complète et infaillible.
8/ L’expression des points de vue, même divergents, permet précisément de pallier le manque de connaissance et les erreurs de jugement. La liberté de pensée est aussi indispensable pour permettre à chacun de parvenir à ses propres conclusions à travers la raison et la réflexion.
9/ Libéral tempéré, il considère que la limite de la liberté de l’individu est atteinte lorsque ses actions violent les droits équivalents et la liberté d’un autre humain. Il croit dans le même temps à la philanthropie sociale.
10/ Plutôt que de planifier ou de nationaliser, l’Etat doit multiplier les incitations, contribuer à l’éducation des masses (véritable clé du progrès social), ainsi que faciliter la coopération entre ouvriers.
11/ S’il se méfie de l’assistanat, il croit comme Condorcet à la diffusion la plus large de la culture. Il défend également l’association de travailleurs. A côté d’un gouvernement qui garantit la liberté économique, il faut laisser le mouvement coopératif s’organiser.
12/ Pour Mill, la coopération conduirait à augmenter la dignité du travail et permettrait aux ouvriers de se sentir plus en sécurité et indépendants. Le travail ne serait plus aliénant mais deviendrait ce qu’il appelle "une école de sympathie sociale et d’intelligence pratique".
13/ L’économiste anglais est également attaché à une plus grande justice fiscale. Il peut même être considéré comme un des pères de l’impôt généralisé à toutes les classes puisqu’il appelle de ses vœux un impôt tel que l’on demande à chaque individu un sacrifice égal.
14/ Quant à sa vision du futur, Mill est considéré comme l’un des pionniers du développement durable : contrairement à Ricardo, il ne voit pas l’état stationnaire comme un trajectoire mauvaise mais plutôt comme une perspective intéressante
15/ Le monde aurait en effet alors atteint un niveau de développement tel que cela permettrait aux hommes de jouir plus paisiblement des ressources naturelles et de s’adonner à d’autres occupations que celles de travailler : art, culture, sport...
16/ Mill est enfin reconnu comme l’un des pères du mouvement féministe. Véritable pionnier dans la lutte pour l’égalité des sexes, il écrit un ouvrage célèbre sur le thème, intitulé De l’assujettissement des femmes.
17/ Il fixe un objectif : changer le rôle économique et social des femmes pour qu’elles ne soient plus subordonnées à l’homme. En pleine période victorienne, il écrit des lignes très fortes :
18/ "les idées et les institutions d’après lesquelles l’accident du sexe est le point de départ d’une inégalité des droits et d’une différence nécessaire de fonctions sociales seront reconnues comme un des plus grands obstacles à tout progrès moral, social et intellectuel".
19/ Très sévère à l’égard des mœurs qui ont prévalu jusqu’alors, il affirme que la subordination d’un sexe à l’autre est injustifiable et doit être remplacé par un principe d’égalité parfaite, sans pouvoir ni privilège spécifique accordé à l’un des deux sexes.
20/ Comme l’écrit l’économiste américain Robert Heilbroner (1919-2005), Mill est sans doute l’auteur du plus retentissant "oui, mais". Oui au libéralisme, MAIS… avec des garde-fous ! Cet homme d’une culture immense, qui lisait en version originale les grands auteurs grecs
21/ à l’âge où les autres garçons jouent aux billes, est convaincu de la supériorité de la révolution industrielle et de l’économie de marché pour créer des richesses. Mais il reste lucide sur le fait que le "laissez-faire" ne peut tout résoudre et qu'il génère des inégalités.
22/ Pour autant, Mill se montre très critique à l’égard du socialisme qu’il assimile à la tyrannie de la société sur l’individu. Conscient des maux du capitalisme, il les attribue à l’individualisation et à la protection insuffisante contre les abus de droits de propriété.
23/ Mill redoute également que les gens s’habituent à attendre que l’Etat fasse tout pour eux ou du moins, à ne rien faire par eux-mêmes sans que l’Etat leur en ait non seulement accordé la permission, mais indiqué la marché à suivre.
24/ John Stuart, premier libéral "de gauche" est LE fondateur du social-libéralisme, ce courant qui cherche à concilier liberté économique et justice sociale non collectiviste, devançant notamment John Maynard Keynes, certains économistes suédois ou le Prix Nobel Amartya Sen.
25/ Dans son autobiographie, Mill résume ainsi sa vision : "Le problème social du futur ? Unir la plus grande liberté d’action individuelle à un propriété commune des matières premières du globe, et une participation égale de tous aux profits de l’association du travail".
FIN
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