Ma voisine à Beyrouth m’a dit ce matin « On vivait encore mieux à l’époque de la guerre civile ». En effet, certains économistes estiment que le Liban a rejoint la situation économique qu’il connaissait pendant la guerre.
Le Liban subit une crise économique sans précédent, la Livre Libanaise ( L.L ) autrefois équivalent à 1$/1 500 L.L, se dévalue jour après jour au point d’atteindre aujourd’hui 1$/10 000 L.L
Dans un pays ultra-libéral comme le Liban, la conséquence est une explosion de tous les prix du quotidien. Prenez l’exemple d’un supermarché libanais :
La viande est devenue inabordable ( Le bœuf était équivalent hier à 60$ le kilo ), même si elle n’est pas importée. Un simple paquet de gruyère coûte presque 30 000 L.L, soit l’équivalent de 15$ 
Le prix d’un paquet de 200g de gâteaux importés oscille entre 15 000 L.L et 19 000 L.L, soit entre 10$ et 12$. Le prix des gâteaux non importé, moins chers, a cependant triplé.
Deux produits simples : un paquet de chips et du Hommos, coûtaient tout deux 1500 L.L ( 1$ ) il y a quelque mois. Aujourd’hui ils sont à presque 7000 L.L ( 4,5 $ )
Et si il n’y avait que la nourriture ! Aujourd’hui il n’y a plus que 2 heures d’électricité par jour et le prix des générateurs de secours double dans certains quartiers ( atteignant 70$ par mois sans garantie de fonctionnement )
La Wifi ( non illimité ) coûte au minimum 60 000 L.L ( 40$ ) par mois, sans compter les prix équivalents de la téléphonie mobile...
Les loyers, payés d’ordinaire en dollars, dépendent maintenant du taux appliqué par les propriétaires. Pour un loyer à 400$ à payer en L.L, si le propriétaire décide d’appliquer le taux du marché, cela revient à tripler le prix du loyer ( 1200 $ donc )
Car en effet, se procurer des dollars au Liban est devenu mission impossible. Et si vous retirez un dollars sur votre compte, le taux appliqué est encore celui de 1$/1500 L.L, a des années lumière de l’économie réelle
La plupart de Libanais qui souhaitent retirer des dollars sur leur compte font face au refus de leur banque, incapable de fournir assez de liquidité. Elle refuse également les transferts à l’étranger
( 📷 Banque du Liban, octobre 2019 )
( 📷 Banque du Liban, octobre 2019 )
Les entreprises et petits commerces ferment car ils ne savent pas quel prix donner à leurs produits. L’écart est tel entre le taux officiel ( 1$/1500 L.L ), le taux du marché ( 1$/4000 L.L ) et celui du marché noir ( 1$/ 11000 L.L ) que les prix deviennent chaotiques.
Les étudiants qui cherchent à payer la dernière souche de leur université ( souvent très onéreuse au Liban ) se retrouvent à acheter des dollars hors de prix. Un paiement de 2000$ peut alors devenir facilement un paiement de 10000$.
Je ne parle pas non plus des prix de l’essence, des assurances, des produits hygiéniques, des médicaments ( dont certaines contrefaçons commencent déjà à circuler )...
Avant la crise, on considérait que la vie à Beyrouth était 30% plus cher qu’à Paris. Imaginez maintenant avec une inflation à 350%. D’autant plus que les salaires ( en L.L ) n’ont pas augmenté.
( 📷 Manifestants de Tripoli descendus à Beyrouth, mai 2020 )
( 📷 Manifestants de Tripoli descendus à Beyrouth, mai 2020 )
Imaginez aussi la classe populaire libanaise, déjà précaire avant la crise. Évidement la famine sonne à la porte du Liban. L’aide alimentaire ne suffit plus, les pénuries sont quotidienne, et les prix peuvent doubler d’une semaine à l’autre
Dans un pays sans retraites, sans aides sociales... Les 45% de la population déjà sous le seuil de pauvreté ne vont pas sortir indemne de la crise, d’autant plus que les économistes prévoient une chute de la valeur de la monnaie atteignant 1$/ 43 000 L.L à la fin de l’année.
3ème plus grand taux d’inflation au monde, des gens qui se suicident dans la rue, plus de 60% de la population au chômage. L’urgence est là, et le Liban a désespérément besoin d’aide.
« Aidez-Nous à vous aider » a déclaré @JY_LeDrian . Mais que faire quand le chaos économique est total, que les libanais perdent espoir après 8 mois de mouvement social et que le gouvernement ne tient toujours pas ses promesses ? Que peut encore faire le peuple ?
