Thread by @phl43

Je vois que tout le monde reprend déjà les résultats de cette étude de l'Observatoire des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur (OVSS), mais ils ne sont absolument pas fiables. 1/n

https://twitter.com/Mediavenir/status/1316126618348388358

Le problème de cette étude, c'est que l'échantillon n'était pas aléatoire (observatoire-vss.com/wp-content/upl…), car le questionnaire a apparemment été diffusé principalement par les étudiants eux-mêmes sur les réseaux sociaux et dans une moindre mesure par des canaux institutionnels. 2/n

Ça pose un problème évident de biais de sélection, car il est extrêmement probable que les étudiants ayant été victimes de viols ou d'agressions sexuelles avaient une probabilité plus grande de répondre, donc l'échantillon n'était sans doute pas représentatif. 3/n

À ma connaissance, la meilleure source sur la prévalence des viols en France est l'enquête VIRAGE de l'Ined (virage.site.ined.fr/fr/), qui s'appuyait sur un échantillon représentatif de 27 268 personnes entre 20 à 69 ans vivant en France métropolitaine en ménage ordinaire. 4/n

Cette enquête est ce qu'on appelle une enquête de victimation, c'est-à-dire qu'elle consiste à interroger directement la population à risque pour demander aux gens s'ils ont été victimes d'un crime, plutôt que de se baser sur les statistiques de la police. 5/n

En effet, comme un grand nombre de crimes ne sont jamais signalés à la police, notamment les crimes sexuels, ça conduirait à une énorme sous-estimation de la fréquence des viols et agressions sexuelles. 6/n

Les premiers résultats (ined.fr/fichier/s_rubr…) montrent que 0,31% des femmes entre 20 et 34 ans ont été violées au cours des 12 derniers mois. C'est 16 fois moins que l'estimation de l'étude de l'OVSS. 7/n

Les résultats dans le cas des agressions sexuelles sont plus proches, mais la fréquence de ces dernières parmi les étudiantes est quand même 2 fois plus importante d'après l'étude de l'OVSS que chez les femmes entre 20 et 34 ans d'après VIRAGE. 8/n

En revanche, la disproportion entre hommes et femmes est beaucoup plus important d'après VIRAGE que selon l'étude d'OVSS, même comme avec les chiffres sur la fréquence il faut garder à l'esprit que les estimations sont assez imprécises. 9/n

Les résultats ne sont cependant pas directement comparables puisque la population ciblée n'est pas la même. En effet, l'étude de l'OVSS cible les étudiants, alors que les chiffres que j'ai donnés pour VIRAGE sont pour les femmes entre 20 et 34 ans vivant en ménage ordinaire. 10/n

Non seulement la plupart des étudiants ont moins de 25 ans, mais ceux qui vivent en foyer étudiant n'ont pas été échantillonnés par le volet principal de l'enquête VIRAGE, car ils ne vivent pas en ménage ordinaire au sens de l'Ined. 11/n

Mais en plus de cette étude avec l'échantillon décrit plus haut, VIRAGE a aussi réalisé une enquête auprès des étudiants de 4 universités, ce qui permet de faire une comparaison plus exacte avec l'étude de l'OVSS. 12/n

Cependant, même cette comparaison n'est pas parfaite, car la population ciblée n'est toujours pas la même puisque seuls les étudiants de 4 universités étaient concernés par l'étude VIRAGE contre plus de 20 établissements, pas tous des universités, pour celle de l'OVSS. 13/n

De plus, le volet de l'enquête VIRAGE portant sur cette population souffre du même problème de biais de sélection que celle de l'OVSS, puisque les étudiants répondaient au questionnaire sur la base du volontariat et que le taux de réponse était très faible. 14/n

Je pense quand même que le problème est moindre dans le cas de VIRAGE, car les enquêteurs ont bénéficié d'un soutien institutionnel plus fort, ils sont donc uniquement passés par les canaux institutionnels et pas les réseaux sociaux et ils ont redressé les résultats. 15/n

On voit que, selon les universités et les hypothèses que l'on fait (ined.fr/fichier/s_rubr…), entre 0,4% et 0,9% des étudiantes ont été victimes d'un viol au cours des 12 derniers mois. 16/n

Ça reste nettement inférieur à l'estimation de l'étude de l'OVSS, mais il faut garder en tête qu'il reste probable qu'il s'agisse d'une surestimation à cause du biais de sélection. D'un autre côté, l'étude ne porte que sur 4 universités, donc c'est difficile de généraliser. 17/n

Je pense néanmoins que, compte tenu des résultats de cette étude et de la présence très probable de biais de sélection biaisant l'estimation vers le haut, il est très douteux que plus de 1% des étudiantes soient victimes d'un viol chaque année. 18/n

En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut rien conclure sur la population étudiante en général à partir de l'étude de l'OVSS et qu'il est quasiment certain que, à cause du mode de diffusion du questionnaire, elle surestime la fréquence du viol de façon significative. 19/n

Je m'attends déjà à ce qu'on m'accuse de minimiser l'importance des viols, mais je veux juste qu'on estime correctement le phénomène. Il y a beaucoup trop de viols en général, mais tout porte à croire que cette étude surestime leur fréquence chez les étudiants. 20/20

Très bonne question, le questionnaire ne précisait apparemment pas d’horizon temporel, donc c’est probablement un autre facteur expliquant la différence avec les résultats de VIRAGE. C’est un choix étonnant si on cherche à estimer la fréquence des viols en contexte étudiant.

https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1316405291991347200

Mais du coup la différence avec les résultats de VIRAGE apparaît moins choquante, donc j’aurais dû en parler et @Fabiensapiens a raison de poser la question. La comparaison entre les résultats de ces 2 enquêtes n’est vraiment pas évidente.