#Thread - Si l'on met de côté la dimension problématique de cette tentative de relance d'une loi mort-née et vidée de sa substance après son passage sous les fourches caudines du Conseil constit, cette démarche témoigne de la profonde méconnaissance des RS par le Législateur 🔽
Comme cela a été observé, dit et répété, il y a eu bien peu d'anonymat et de pseudonymat dans toute cette affaire. Les protagonistes qui ont contribué à mettre une cible dans le dos #SamuelPaty, n'étaient pas @snoopy_du93 ou @machin_truc67, mais des personnes "publiques"
La loi Avia vise (visait devrions-nous dire pour l'heure) à lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux. D'un point de vue méta, elle est intéressante non pas tant pour ce qu'elle ambitionnait de faire, que pour ce qu'elle tendait à transcrire dans le cadre législatif.
On peut considérer la loi Avia comme la résultante légale/juridique/réglementaire de la vision de l'exécutif sur le changement anthropologique que les réseaux sociaux auraient introduit. Ce dernier point n'a rien d'ubuesque, et mérite indéniablement d'être questionné.
Sauf que ce questionnement n'a jamais vraiment eu lieu, et l'actualité politique des dernières années a tendu à réduire toute réflexion sur les réseaux sociaux à des assertions plus ou moins étayées, plus moins arrêtées et donc plus ou moins simplistes.
À chaque événement d'ampleur, des actions terroristes en passant par les Gilets jaunes, sans oublier les processus électoraux, les réseaux sociaux ont été, très vite, perçus comme des creusets nébuleux d'où seul le pire pouvait sortir.
N'a-t-on pas pendant plusieurs semaines expliqué l'avènement des GJ par un changement dans l'algorithme de Facebook qui aurait davantage mis les groupes au centre du jeu ? N'a-t-on pas pointé du doigt l'action de puissances étrangères qui auraient attisé la haine via les RS ?
D'une certaine manière, la "reductio ad les réseaux sociaux" n'est pas sans évoquer les schèmes de pensée de la pensée complotiste, qui dès qu'un élément dissonant bouleverse sa grille du lecture du monde, cherche à mettre au jour un élément explicatif et, par là même, rassurant.
Si la loi Avia n'abordait expressément pas la question de l'anonymat/pseudo, même si en définitive indirectement elle pavait la voie à un affaiblissement de cette dernière, force est de constater que cette problématique est un sujet majeur pour nombre d'acteurs politiques.
Les prises de position ces dernières heures, d'élus et journalistes, en faveur d'une abolition de l'anonymat n'ont, au demeurant, rien de surprenant, et s'inscrivent dans ce mouvement de fond. Un mvt techno-déterministe qui fait des RS l'alpha et l'omega des problèmes...sociaux.
Un mouvement éminemment simpliste qui passe littéralement à côté de l'enjeu. Il passe à côté car, en définitive, il revient à "casser la baromètre", à empêcher d'utiliser les RS comme des indicateurs de l'opinion, et pousse à un phénomène de balkanisation de la sphère digitale.
La balkanisation est sûrement le phénomène le plus à craindre, quels que soient les écosystèmes sensibles auxquels nous avons affaire. Comment peut-on encore avoir une compréhension des phénomènes sensibles, lorsque chaque communauté se regroupe sur son propre RS, + ou - open ?
Il n'est pour s'en convaincre qu'à regarder aux US où, à chaque tour de vis des RS (essentiellement Tw et FB), le nombre d'utilisateurs sur des plateformes comme Gab et Parler augmente (enfin selon le discours de ces acteurs of course).
Ces derniers jours avec l'"affaire" #HunterBiden, un réseau social comme Gab (tendance alt-right pour le dire vite et de manière un peu imprécise) a communiqué à plusieurs reprises, notamment via mail, pour inviter les utilisateurs à s'inscrire et à utiliser leur service.
Et des initiatives comme Gab ou Parler, pour ne citer que les plus connues auront, très certainement, vocation à se multiplier si les tours de vis des RS se poursuivent dans les prochaines mois/années, donnant dès lors lieu à un éclatement communautaire pour le moins inquiétant.
Outre cette question de la balkanisation, se pose (de manière connexe on va dire) celle de la récupération de données. On aborde ici un point éminemment sensible, mais le vrai enjeu réside dans la capacité, que peuvent avoir des acteurs tiers, à avoir accès aux données des RS.
Ces plateformes fonctionnent globalement sous un modèle de boite noire, et rendent le suivi des conversations extrêmement complexe. Néanmoins, et de part leur dimension aussi hégémonique, elles constituent des capteurs quasi sans précédents pour suivre l'opinion.
D'aucuns objecteront que cela revient à abdiquer les données privées, à recréer 1984 ou à paver la voie à une dérive sécuritaire. En revenant à une appréhension des réseaux sociaux, non pas comme créateurs de phénomènes sociaux (ce qui reste toujours quelque peu spécieux)...
... mais comme réceptacles/révélateurs de phénomènes sociaux (ce qui semble plus logique et surtout plus mesuré), on peut considérer que la concentration qui s'est opérée ces dernières années et leur utilisation en masse constituent davantage une aubaine qu'un risque.
Dans le cas du drame de Conflans, et sans tomber dans une vision rétrospective des plus problématiques, on peut, a minima, considérer que la dynamique qui s'est cristallisée sur les réseaux sociaux (notamment sur FB) aurait pu/dû mieux permettre de caractériser la menace.
Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui ont mis une cible sur le professeur, ni l'anonymat ou le pseudonymat. Ce sont bel et bien des parents d'élèves, et non des bots/trolls, qui ont posé les jalons du pire.
Sans les réseaux sociaux, d'autres vecteurs auraient très certainement été utilisés pour relayer la "démarche" de ce petit écosystème local contre ce professeur. Mettons le téléphone ou, plus prosaïquement, le "bouche à oreille" et autres espaces communautaires.
En l'espèce, les réseaux sociaux révélaient la menace, permettaient de comprendre les profils impliqués directement et à la périphérie de cette cabale infâme, et auraient pu/du permettre (peut-être, et je ne me garderais bien de faire du #yakafokon) d'éviter le pire.
L'enjeu n'est donc pas de fermer les réseaux sociaux, de tout supprimer a priori, de tout modérer et de tout filtrer, mais au contraire de pouvoir accéder à l'ensemble de ces éléments, pour détecter des menaces. C'est certes problématique en termes de DP, mais inévitable.
Enfin, et dernier point sur l'anonymat, on peut également renverser les réflexions sur la supposée nécessité d'en finir avec l'anonymat/pseudonymat, pour rappeler que non l'anonymat de rime pas forcément avec le pire lorsqu'il s'agit de réseaux sociaux.
On peut à ce titre citer l'exemple du Projet Chanology remontant à janvier 2008 qui, né sur 4Chan, a constitué un formidable pied de nez aux velléités de censure du web social naissant par la scientologie.
Difficile de faire plus anonymes (encore que) que les "anons" du BBS américain, ou by design les pseudos ne sont pas affichés et l'éthique originelle (qui a un peu changé depuis) consiste à dénoncer tous les leaderfags (que je ne traduirai pas!) en puissance.
Eh bien en leur temps, les anons ont mené un joli combat contre l'obscurantisme de l'église de scientologie. Sûrement l'un des coups les plus rudes portés contre cette é̶g̶l̶i̶s̶e̶ secte, signe que l'anonymat peut aussi être créateur - même sur les forum/RS.
thermomètre* 😒

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18 Oct
Le retour de : c'est la faute aux réseaux sociaux. Pas étonnant, mais lassant et tellement réducteur.

Sûrement la faute aux réseaux sociaux si un tel creuset existait sur place, si les caricatures ne seront plus enseignées à l'avenir et si l'administration ferme les yeux.
Les réseaux sociaux au contraire peuvent constituer des alliés précieux dans la détection en amont de ces phénomènes sensibles. Difficile de dire quelle part occupaient les réseaux sociaux dans la note des RT, mais nul doute qu'ils ont été utilisés pour caractériser la menace.
La question n'est pas de modérer, de censurer ou que sais-je de filtrer les contenus en amont. L'enjeu est de récolter la donnée, de développer des dispositifs technologiques puissants, robustes et fiables, et de mettre au jour des risques sensibles géolocalisés.
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