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8 Nov, 18 tweets, 5 min read
Est-ce que ce sont les méchants twittos qui ne savent pas comment fonctionne l'école ? Ou est-ce que ce sont les enseignants qui perdent de vue ce que devient progressivement leur institution (ou feignent de ne pas le savoir) ?

Thread matinal.
Là où je suis d'accord avec LdC c'est qu'un point de tension majeur se situe dans la question "qui va traiter du "problème" ?". Gestion en interne par l'établissement ou externalisation d'abord au rectorat, puis à la police et enfin à la justice.
Pour répondre à cette question, il faut bien sûr prendre en compte le contexte actuel (islamophobie, injonction au signalement, délire sécuritaire) mais aussi les évolutions qui touchent directement l'école depuis des années, notamment cette tendance à l'externalisat° justement.
Ayant déjà pas mal parlé de l'effet du contexte hier, je vais surtout m'attarder sur ces fameuses évolutions dans le traitement des problèmes de vie scolaire (car c'est bien de ça dont on parle et de rien d'autre : de simples problèmes de vie scolaire).

On commence par un extrait d'entretien avec un principal adjoint qui reconnaît que le traitement de certaines situations spécifiques a fortement évolué ces dernières années : opposition entre signalement et gestion en interne.
Premier hypothèse : le dispositif de signalement pour risque de "radicalisation" entraîne une externalisation de certains problèmes de vie scolaire. Le signalement se vit alors "comme une décharge" par certains personnels de l'éducation nationale.
Dans mon mémoire, cette hypothèse était confirmée par un certain nombre de situations prises en charge par le CCIF. Une d'entre elles était particulièrement éloquente et fait directement écho à l'actualité : un élève accusé d'apologie du terrorisme pour des propos tenus à l'école
Sauf que les parents ont pris connaissance de cette situation et de l'accusation contre leur fils au commissariat (!!) alors même que, selon la police, c'est le personnel de l'établissement qui leur a communiqué les faits à l'origine de la convocation.
Dans cette situation, l'incompréhension des parents découle directement de l'absence de gestion interne au sein de l'établissement. Le signalement a été la seule modalité de gestion utilisée par l'équipe de direction du lycée.
On retombe ici sur ce que je disais il y a deux semaines concernant le rôle crucial du CCIF dans ce genre de situations.

Bref, revenons aux évolutions qui nous intéresse ici. Fait intéressant : cette tendance à l'externalisation s'inscrit dans le temps long et a déjà été mise en évidence par d'autres travaux sur l'absentéisme, la déscolarisation, etc.
Cependant, il semblerait que cette tendance soit encore plus forte dans le cas du dispositif de signalement pour risque de "radicalisation". Pourquoi ? Parce qu'il met en jeu (de manière réelle ou supposée) la question de la sécurité nationale.
Ici, on retrouve les analyses de F. Dhume sur les effets de l'étiquette "communautarisme". L'utilisation de la catégorie "communautarisme" pour caractériser une situation entraîne souvent une "nationalisation" et une "délocalisation" de l'affaire.
Ce passage de son livre ("Communautarisme : enquête sur une chimère du nationalisme français") décrit parfaitement ce qu'il s'est passé cette semaine dans les établissements scolaires 👌👌
Une fois que l'on a dit tout ça, on pourrait s'étonner du fait que les enseignants et les personnels de direction acceptent cela. Cependant, comme l'ont montré d'autre travaux, la coopération grandissante entre école et police tend à "lever ces résistances culturelles".
Ici, on retrouve ce que je disais hier : il fait peu de doute que de nombreuses barrières sont tombées ces dernières années, au nom de la "sécurité nationale" et en raison, notamment, de l'islamophobie extrême de la période actuelle.

Alors, je repose la question : qui est-ce qui ne connaît pas le fonctionnement de l'école ? Qui ferme les yeux sur le rapprochement de moins en moins contestée entre l'école et la police ? Qui signale des élèves sans s'interroger sur les conséquences pour eux et leurs familles ?

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7 Nov
Comment expliquer cette multiplication des signalements à la suite d'un attentat ? Et est-il judicieux de mettre ça, avant tout, sur le compte de "l'émotion" ?

On va essayer d'apporter des éléments de réponse.
Il y a un an j'écrivais ça suite à un discours de Macron dans lequel il appelait de ses vœux une "société de la vigilance".
Malheureusement, ce constat s'est vérifié tout au long de la semaine avec la multiplication des articles de presse rapportant le signalement d'élèves par des enseignants ou des personnels de direction en raison du comportement de ces élèves lors de l'hommage à S. Paty.
Read 16 tweets
6 Nov
Concernant les signalements "radicalisation" et les enquêtes pour apologie du terrorisme contre des élèves de primaire et de collège, je me permets de partager un extrait d'entretien réalisé il y a quelques années avec une "référente radicalisation" d'une académie de l'IDF. Image
Et ce que j'en disais par la suite : "tout élément sortant de l'ordinaire, qu'il s'agisse d'un mal-être, d'un isolement ou d'un problème de vie scolaire peut être perçu sous le prisme du risque de la radicalisation lorsqu'il concerne un élève musulman, réel ou présumé" Image
Bien sûr, cela participe d'un rapprochement plus général entre l'école et la police/les services de renseignement, une "sécurisation des politiques sociales" (F. Ragazzi), une confusion entre les missions de la main droite de l'Etat et celles de la main gauche.
Read 6 tweets
5 Nov
La situation dans les lycées est, encore une fois, incompréhensible et honteuse. Des lycéen-ne-s bloquent leur lycée et se font réprimer par la police, des collègues font grève depuis une semaine. Et tt cela pour des choses qui ont été acceptées d'un claquement de doigt ailleurs.
Dans l'académie du Nord, par exemple, des dizaines de lycées sont déjà passés en demi-groupes ou les mettront en place lundi.
Tout le monde perd son temps à faire son protocole dans son coin et à se battre pour le faire accepter. Tout cela car Blanquer se refuse à annoncer et à mettre en place nationalement le protocole prévu en cas de circulation active du virus.
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27 Oct
Je trouve que la situation de l'école niveau covid, l'impréparation totale de l'Education nationale et la non réaction des profs pendant la première période de l'année montrent bien l'impasse politique dans laquelle on est.
Depuis quelques jours, on voit fleurir les réactions de personnels de l'EN et de médecins : "la rentrée à été catastrophique", "début octobre, les cas commencés à exploser dans les lycées", "rien n'a été fait", etc.
Je lis ça et je me dis "oui oui, en effet, c'est ce que l'on a tous constaté". Et pourtant ? Et pourtant rien : très peu de mobilisation concrète dans les établissements (il y a des exceptions), peu de prises de parole dans les médias pour dénoncer la situation, etc.
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5 Dec 18
Hier avait lieu le procès de 9 personnes ayant été interpellées au sein du lycée Arago le 22 mai dernier. Je vais en dire quelques mots ici parce que c'était vraiment un bel exemple de défense collective.
(En espérant des compte-rendus plus complets ailleurs.)
D'abord, sachant que les faits reprochés aux prévenu.e.s étaient très largement les mêmes, les 10 avocat.e.s (qui représentaient chacun.e un.e client.e) avaient pris l'initiative, dans la mesure du possible, de plaider pour tous.tes les prévenu.e.s simultanément.
C'est-à-dire que, sauf détail concernant un dossier en particulier, ce qu'un.e avocat.e disait pour son/sa client.e valait pour l'ensemble des prévenu.e.s (et les avocat.e.s le répétaient d'ailleurs fréquemment).
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