Petite histoire de la désinformation ordinaire dans un monde où l'on donne accès à des outils de propagande puissant comme Facebook à tout le monde.
Attention thread un peu long qui parle de #HoldUp, de pandémie, d'algorithme et de poutine (le plat, pas le président).
Nous somme arrivés il y a 1an au Québec.
4 mois plus tard (pile poil): pandémie.
Le temps de s'installer, on re-déménage puis on se réinstalle. Bref
Ma conjointe, pour vendre des objets de France dont on a pas l'utilité, et aussi pour se dé-confiner s'inscrit à des groupes FB.
Parmis ces groupes, un classique "les français au Québec" dans lequel on parle entre françai-e-s au Québec.
Mais rien pour vendre à des compatriotes qui retournent au pays nos maudits électroménagers qui ne fonctionnent pas ici.
Jusqu'à cette suggestion FB.
"Chouette" me dit ma conjointe, "un groupe où on vend des truc à des gens qui repartent et inversement" (elle aime les bonnes affaires ❤. Bref).
En plus, le groupe s'ouvre à diverses discussions. Chouette quand on est isolée en pleine pandémie à l'étranger.
Le groupe a été créé le 6 septembre par 2 personnes vivant apparemment en France, dont l'une sous pseudonyme.
Les messages sont variés : truc à vendre, question sur l'arrivée en France, l'immigration, etc.
En 2 mois le groupe à plus de 500 membre.
Mais le 2 novembre.
Alors que la France se re-confine...
L'administratrice anonyme du groupe diffuse un 1er message (aujourd'hui effacé) sur les risques de porter un masque.
Et on reparle de poutine.
Puis quelques jours plus tard une vidéo sur le gouvernement qui complote.
Et on reparle de passeports...
Et il y a deux jours, l'administratrice change son avatar en "Hold-up" (pour le docu conspirationniste) et incite fortement "son" groupe à le regarder.
Là, ma conjointe et d'autres réagissent en commentaires : elles/ils ne sont pas là pour ça, stop la désinformation.
Ce matin, l'administratrice a supprimé ces messages...
... mais en a mis un autre (épinglé) que je pourrais passer des heures à analyser (ça ferait un super partiel), mais dont l'essence est : c'est Mon groupe, je fais ce que je veux, et la situation est Grave.
Je synthétise maintenant :
- FB nous permet de créer des groupes
- Des groupes qui, suite à Cambrdige Analytica ont la même puissance de frappe que les pages, la pub en moins
- Des groupes qui sont utiles pour FB car du business a lieu (petites annonces, etc.)
- Mme. C peut donc créer un groupe sur le sujet de son choix, même si 500 existent déjà
- Il y a 4ans, elle aurait difficilement regroupé 50 personnes en 3 mois
- Là : algos FB + pandémie = 500 personnes dans un groupe privé, en 2 mois
- C'est SON groupe, Facebook lui dit
- Mme. C ne comprend peut-être pas la puissance de propagation qu'elle a entre les mains (à son niveau)
- Elle ne sait pas que le "cross posting" de vidéo que lui permet de faire FB est uile pour les vidéos de chats comme pour la propagande (theweek.com/speedreads/867…)
- Alors le jour où en plein reconfinement, dans un pays où le gouvernement à la côte de confiance aussi solide qu'une frite dans une poutine, elle voit un "docu" qui dit sa VÉRITÉ (pas "la" vérité) : ça l'affecte
- Et que faire avec un Web Affectif a porté de main ?
- Affecter.
Mme C. n'est pas "complotiste".
Le complot ça se prépare, ça se réfléchie.
Elle est prise dans une économie de l'impulsion au sein d'un capitalisme affectif.
Elle a accès à une plateforme dont le fonctionnemennt même est la des-information.
Attention : loin de moi l'idée de dire que Mme. C fait bien de désinformer tranquillement dans son petit groupe.
Non.
Mme C est croyante. Elle fait du prosélytisme car la situation l'affecte.
Et c'est la situation qu'il faut interroger en 1er. Les contextes et leurs incidences
La qualifier de "conspi" c'est volontairement oublier qu'elle a n'a comme responsabilité que celle de cliquer sur des boutons de partage, et comme intention (je suppose hein?) que de faire circuler ce qui l'affecte pour alerter ceux de "son" groupe.
Refuser son prosélytisme est nécessaire.
Lui expliquer qu'elle génère elle-même, pour ma conjointe et les autres, volontairement ou non, les situations qu'elle dénonce, est une possibilité.
Demander à FB de réguler son fond de commerce et son idéologie est une illusion.
Je dis bien "idéologie" car la réponse de l'administratrice aux critiques est : "ça s'applle la liberté d'expression et ceux qui sont pas d'accord s'en vont".
Et elle bloque les commentaires.
C'est ça d'ailleurs qui a offusqué ma conjointe : le refus du débat, se voir imposer.
Est-ce la faute de Facebook alors ?
FB s(t)imule nos interactions sociales.
Le manque "d'esprit critique" ?
Au contraire, c'est grâce à cela que la désinfo marche, cette capacité à remettre en question.
La pandémie, les politiques, l'anonymat, les... ?
Non. Enfin oui en fait.
C'est l'agencement de tout cela!
Refuser de prendre en compte la complexité de ces configurations transcontextuelles, c'est proposer des solutions inutiles voire dangeureuses qui ne font que cloisonner plus les croyants dans leurs croyances...
A quand de vraies politiques publiques d'intervention sociale sur les plateformes numériques ?
Pourquoi laisser les gens à eux-même en ligne, là où on essaye de les aider dans leur contexte de vie (travail, école, foyer, etc.) ?
Pourquoi seul le média fait médiation ?
Bref.
Abordons la désinformation comme un phénomène ordinaire qui ne peut se comprendre voire se réguler que de manière pragmatique: des situations + des acteurs + des interactions + des affections = des contextes propices.
Je m'arrête là, j'aurais dû faire un billet de blog :)
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Je viens de faire une interview avec des très intéressantes questions, notamment sur l'exploitation supposée de nos émotions par les plateformes.
La journaliste était cependant étonnée des nuances apportées : NON, les plateformes ne nous manipulent pas!
Mais OUI : elles essaient par tous les moyens d'influer sur nos comportements, nos affects, etc.
Il serait temps d'introduire cette nuance pour ne pas se retrouver coincer à :
- 1) Faire de la pub pour les plateformes
- 2) Voir la technique comme neutre
1) Lors de l'affaire Cambridge Analytica, c'est (comme toujours) Facebook qui est sorti grand gagnant de tout cela.
Imaginez, des milliers d'articles expliquant que Facebook pouvait manipuler des élections!
- Cette pluralité de traitement s'est toujours accompagnée d'angles spécifiques = opinions
- La guerre d'Algérie traitée par L'Humanité et Le Figaro c'était déjà de la post-vérité ?
- La désinformation, la propagande, le complot, etc. n'ont pas non-plus attendus Internet
La différence notable ?
L'autorité informationnelle.
Aujourd'hui les sources qui in-forment se multiplient.
Elles génèrent de la confiances et sont légitimes pour des publics spécifiques.
Comme les "debunkers".
Pour autant, y a t-il une + grande diversité idéologique
Premier cours mis en ligne via une vidéo :
- 2h pour actualiser le cours en lui-même
- 4h d'enregistrement, mise en ligne, ajustement
- 2h pour l'annoncer sur Moodle
- 1h (déjà) pour corriger les dysfonctionnent signalés par les étudiant-e-s
- Durant les 3h du cours, un clavardage ouvert pour répondre aux questions
En somme, 3h de cours en ligne = au moins 12h de travail, ce qui est largement plus qu'un cours en présentiel... Je ne vois pas où sont les économies ou les avantages ?
Au final, je pense que j'avais sous-estimé la présence nécessaire durant la période pour répondre aux questions et autre.
Seulement 70% de la promo a regardé la vidéo (et 30% en entier), il y aura donc (ou pas) des questions à venir, mais comme dans tous les cours.
Donc on prend des groupes FB, sans s'interroger sur leur mode de consitution, on administre ensuite un questionnaire avec 0 echantillonnage, et on fait ressortir des analyses qui vont dans le sens des préjugés de ceux qui construisent le questionnaire.
Que Twitter permette de bloquer les réponses à un tweet mais pas les commentaires des retweets, et les conversations qui suivent, est assez significatif de sa stratégie globlale de "gouvernance" : favoriser la circulation des messages dans des clusters/groupes identifiés
Le tweet devient un objet auquel on attache des opinions pour accentuer sa circulation.
II permet ainsi de mieux qualifier les postures des publics qui (le) discutent (opinion mining).
En somme, encore une fonctionnalité orientée vers les besoins de la plateforme, des développeurs et annonceurs, mais dont les RP en font un outil de protection des usagers.
C'est bien joué!
Cela entre à la fois dans une logique économique et d'usage.