Thread by @Hazukashi1

[Thread] : la transgression comme rite de passage à l’âge adulte en Occident (au programme : Georges Bataille, Jean Baudrillard, rituels et tabous) 🔽

Sociétés française et américaine partagent un mythe fondateur : l’idéal révolutionnaire.

Nous construisons notre identité citoyenne à travers ce mythe : un acte révolutionnaire contre une autorité normative.

Tout acte *réellement* révolutionnaire est bien sûr risqué et destructeur. Une action radicale ne l’est que si elle va contre la norme. Et les normes d’un groupe social majoritaire ne peuvent pas être radicales, par définition.

Jean Baudrillard dit quelque part que tout pouvoir a besoin, pour se maintenir, de générer son propre contre-pouvoir. Besancenot est un produit de Sarkozy. On ne peut pas échapper à la Matrice.

Si un acte a l’air radical et révolutionnaire, mais qu’il est socialement valorisé, alors il ne s’agit pas d’une acte révolutionnaire, mais d’une acte *rituel*. Pensez aux *traditionnelles* manifestations entre République et Bastille.

On rejoue de façon inoffensive la Révolution Française, aux alentours de mai. On défile gentiment, on brûle quelques trucs, parfois il y a quelques blessés, et tout le monde rentre chez soi, ça n’a aucun impact. C’est comme fêter Noël.

Tout ado français ou américain revit le mythe révolutionnaire via nos rites de passage à l’âge adulte. La vraie radicalité étant illégale, leurs révolutions consistent généralement en quelques transgressions contrôlées.

Aujourd’hui cela consiste donc à : sortir beaucoup, coucher avec n’importe qui, tester des drogues, et (pour les Français) aller en manifestation. Le 1er cours de maths séché pour « aller en manif » est un dépucelage.

Nos rituels de passage à l’âge adulte sont ésotériques : leurs règles ne sont jamais expliquées ni précisément définies. On attend de chaque initié qu’il les invente ou les décèle à partir de simples indices sociaux disséminés dans la monoculture.

L’identité individuelle est sacralisée en société moderne car la transgression sanctifie, et lors de l’adolescence, la transgression contrôlée est le portail grâce auquel nous construisons notre identité de consommateur, qui devient un totem sacré.

La transgression comme portail vers l’âge adulte évolue. Le sexe avant le mariage a été un jour considéré comme une transgression majeure. L’homosexualité l’est encore (ou à nouveau ?) dans certaines couches de la société.

Lorsqu’une transgression se normalise, elle est remplacée. Maintenant que même Renaud Camus ou Florian Philippot affichent ouvertement leur sexualité, le mouvement LGBT a dû se renouveler pour rester politiquement signifiant.

Les cathos-tradis "Manif Pour Tous" en jean’s et polo qui dansent sur les Stones dans leurs rallyes en 2020 auraient horrifié le catholique moyen des années 50.

Georges Bataille : Les objets sacrés sont constamment déplacés de gauche à droite. Toute pratique religieuse en Occident consiste à transmuter le sacré de gauche en sacré de droite, l'objet de répulsion en objet d'attraction, la dépression en stimulation, etc.

La radicalité progressiste d’hier est le conservatisme traditionnel d’aujourd’hui. Le christianisme a un jour été une idée transgressive et révolutionnaire en Occident, avant de devenir une norme, puis une tradition.

Un tabou qui persiste devient une tradition, mais la tradition en elle-même n’est pas sacrée. C’est briser une tradition, en violant un tabou qu’on génère du sacré. C’est alors la tradition inversée qui est sacralisée.

La majorité des gens sont conservateurs par nature, et se conforment donc à des normes, « révolutionnaires » ou « réactionnaires » selon l’air du temps et le cycle en cours.

Cette majorité se croit aujourd’hui révolutionnaire parce que chaque citoyen de notre centre normatif synthétise une identité "révolutionnaire" en devenant adulte. Evidemment, rien ne saurait être plus conformiste.

Notre univers est soumis aux lois de l’entropie, tout y est mouvement et dynamique, cycles et balanciers.

Aujourd’hui, ce mouvement cyclique de gauche à droite est en train de terminer un tour complet.

Les réactionnaires d’hier se transmutent en progressistes d’aujourd’hui et inversement. Tout se mélange.

D’où cette sensation de chaos des repères et d’inversion des valeurs.

hazukashi1.medium.com/la-grande-mach…

Ps. Un bon exemple de cette "civilisation de la transgression", c’est notre goût pour les idées contre-intuitives.

Nous sommes friands d’idées qui transgressent notre bon sens. Nous adorons le voir maltraité, retourné, titillé.

Par exemple, les citations de Clémenceau ou d’Oscar Wilde :

« la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. »

« Pour être populaire, il faut être médiocre. »

La moitié des Youtubers misent également leur succès là-dessus.

Découvrir quelque chose de contre-intuitif est jouissif. On le ressort direct en soirée. Ça nous rend malin, plus la vérité est majoritairement admise, plus l'inverser nous confère une aura.

On devient vite accro à cette sensation de voir nos intuitions voler en éclat. Sortir de la caverne est une drogue.

Attention les enfants : au début on découvre que le Père Noël n'existe pas, puis comment on fait les bébés, et on termine chez les théoriciens de la Terre Plate.