Si vous en avez marre du dilemme du tramway et du dilemme du donneur d’organes, on va faire une petite expérience de pensée, que m’inspire l’actualité. 1/
Imaginez une épidémie virale assez grave, contre laquelle il n’existe pas trop de traitements. De temps en temps le virus touche une personne immunodéprimée qui ne peut pas fabriquer elle-même d’anticorps. Il existe un moyen pour l’empêcher de mourir : ... 2/
lui injecter un sérum de convalescence, contenant les anticorps d’autres patients guéris ! La mort en quelques semaines est certaine si on ne fait rien, mais on a, allez, on va dire 50% de chances de sauver le patient si on lui injecte du sérum de convalescence pendant 6 mois. 3/
Le problème, c’est que le traitement des patients immunodéprimés par sérum de convalescence risque de favoriser des mutations susceptibles de rendre le virus plus contagieux. 4/
En effet, plus le virus séjourne longtemps dans un organisme (ici, plusieurs mois), plus il a le temps d’accumuler des mutations qui, prises ensemble, vont modifier significativement le comportement du virus. 5/
Et puis, comme le corps du patient ne peut pas produire ses propres anticorps, il ne peut pas réagir convenablement contre chacune de ces mutations, et les éliminer naturellement dès qu’elles se produisent : ... 6/
les anticorps des autres patients combattent efficacement certains variants du virus, mais se retrouvent relativement impuissants face à ceux qui on muté pour échapper à cette réponse immunitaire. 7/
Bref, en soignant le patient immunodéprimé, vous avez 50% de chances de le sauver, mais vous avez 1% de chances de favoriser des mutations qui vont être responsables de dizaines ou de centaines de milliers de morts supplémentaires, et de mesures liberticides très dures. 8/
Vous êtes chef-fe de service à l’hôpital, vous voyez un patient immunodéprimé arriver, vous faites quoi ? Vous le soignez ou pas ? 9/
Notez que, contrairement au dilemme du tramway ou audilemme du donneur d’organes, à aucun moment on ne vous propose de *tuer* activement quelqu’un, ni en assassinant un innocent pour prélever ses organes, ni en dirigeant un tramway vers des gens attachés sur une voie ferrée. 10/
Le choix immédiat, c’est entre 1) essayer de sauver une vie, et 2) ne rien faire. Dans le pire des cas, vous vous contentez de laisser faire la nature. 11/
Moi je pense que je soigne, mais si vous aussi vous dites « je soigne », c’est bien parce qu’il y a des choses qui vous paraissent éthiquement plus importantes que le fait de lutter contre une épidémie même grave, et d'éviter des centaines de milliers de mort-e-s. 12/
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Déjà, le take-home-message de l'article : "Lockdown fatigue, for instance, is fundamentally distinct from denying the pandemic’s significance. It is instead a natural, if problematic, phenomenon that public health scholars have warned us to anticipate since the spring. ... 2/
... The failure to incorporate predictable human behavior into pandemic policy is an error of policy design, not the moral failing of Americans." 3/
Parmi les nombreux éléments de langage irritants de la crise sanitaire, il y a celui qui consiste à stigmatiser l'"inconscience" de ceux et celles qui ne respectent pas les gestes-barrières. Voyons ça : 1/
a) D'abord, bien souvent, c'est une accusation complètement infondée. Je pense que la plupart des gens sont désormais assez au fait de leurs propres facteurs de risque. 2/
Les gens peuvent très bien être conscients des risques qu'ils prennent, et les prendre en connaissance de cause. On n'a pas tou-te-s la même aversion au risque et on n'a pas tou-te-s la même hiérarchie de valeur. 3/
Elliot Page a tous les droits de se faire appeler comme il veut et d'utiliser le pronom qu'il veut, et je lui souhaite le meilleur dans sa nouvelle identité sociale masculine, mais... 1/
C'est complètement abusé de raconter toute sa vie au masculin (surtout au présent de narration) : "à 10 ans il joue dans tel film", "à 19 ans il joue le rôle d'une adolescente enceinte dans tel film"... 2/
Ce choix grammatical revient à valider une idéologie complètement essentialiste, essentialiste, en vertu de laquelle E. Page aurait toujours été un homme, bien qu'assigné femme et socialement perçu comme femme. 3/