Parmi les nombreux éléments de langage irritants de la crise sanitaire, il y a celui qui consiste à stigmatiser l'"inconscience" de ceux et celles qui ne respectent pas les gestes-barrières. Voyons ça : 1/
a) D'abord, bien souvent, c'est une accusation complètement infondée. Je pense que la plupart des gens sont désormais assez au fait de leurs propres facteurs de risque. 2/
Les gens peuvent très bien être conscients des risques qu'ils prennent, et les prendre en connaissance de cause. On n'a pas tou-te-s la même aversion au risque et on n'a pas tou-te-s la même hiérarchie de valeur. 3/
b) Ensuite, on pourrait dire : "oui mais les gens ont une connaissance du risque trop abstraite ; tant qu'on n'a pas fait un SDRA on ne peut pas savoir ce que ça fait ; donc les gens qui prennent ce risque-là sont en fait inconscients de ce à quoi il correspond". 4/
Certes, mais c'est mettre la barre beaucoup trop haut : dans la vie il y a des tas d'événements que l'on peut anticiper abstraitement sans les avoir connus et vécus dans sa chair, et on se satisfait d'une anticipation abstraite et théorique. 5/
Un individu raisonnable peut mettre en balance son désir d'alcool ou de tabac avec son risque de développer une cirrhose ou un cancer, et développer des stratégies de consommation raisonnées, même sans avoir jamais fait l'expérience de la cirrhose ou du cancer. 6/
c) Enfin, on peut être conscient qu'on est inconscient de certaines choses. Tout n'est pas toujours mauvais dans le déni, et on peut parfaitement décider qu'on vivra mieux tout en laissant dans l'ombre un certain nombre de questions, un certain nombre de risques. 7/
Heureusement que tous les parents qui font des enfants ne sont pas hantés par la possibilité que leurs enfants meurent ! Ils savent abstraitement que c'est possible, ils décident de ne pas trop y penser, et ils n'y pensent pas quand ils sont en train d'en concevoir un. 8/
En ce qui concerne le covid, il est parfaitement raisonnable, dans certaines circonstances, de faire le choix conscient de ne pas penser au risque, de ne pas laisser la perspective de la maladie gâcher certaines rencontres ou retrouvailles. 9/
"Inconscience" si on veut, mais inconscience contrôlée, beaucoup plus subtile et beaucoup plus humaine que l'espèce de paranoïa permanente où quelques médecins fanatiques voudraient nous faire vivre. 10/
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Déjà, le take-home-message de l'article : "Lockdown fatigue, for instance, is fundamentally distinct from denying the pandemic’s significance. It is instead a natural, if problematic, phenomenon that public health scholars have warned us to anticipate since the spring. ... 2/
... The failure to incorporate predictable human behavior into pandemic policy is an error of policy design, not the moral failing of Americans." 3/
Si vous en avez marre du dilemme du tramway et du dilemme du donneur d’organes, on va faire une petite expérience de pensée, que m’inspire l’actualité. 1/
Imaginez une épidémie virale assez grave, contre laquelle il n’existe pas trop de traitements. De temps en temps le virus touche une personne immunodéprimée qui ne peut pas fabriquer elle-même d’anticorps. Il existe un moyen pour l’empêcher de mourir : ... 2/
lui injecter un sérum de convalescence, contenant les anticorps d’autres patients guéris ! La mort en quelques semaines est certaine si on ne fait rien, mais on a, allez, on va dire 50% de chances de sauver le patient si on lui injecte du sérum de convalescence pendant 6 mois. 3/
Elliot Page a tous les droits de se faire appeler comme il veut et d'utiliser le pronom qu'il veut, et je lui souhaite le meilleur dans sa nouvelle identité sociale masculine, mais... 1/
C'est complètement abusé de raconter toute sa vie au masculin (surtout au présent de narration) : "à 10 ans il joue dans tel film", "à 19 ans il joue le rôle d'une adolescente enceinte dans tel film"... 2/
Ce choix grammatical revient à valider une idéologie complètement essentialiste, essentialiste, en vertu de laquelle E. Page aurait toujours été un homme, bien qu'assigné femme et socialement perçu comme femme. 3/