Déjà, le take-home-message de l'article : "Lockdown fatigue, for instance, is fundamentally distinct from denying the pandemic’s significance. It is instead a natural, if problematic, phenomenon that public health scholars have warned us to anticipate since the spring. ... 2/
... The failure to incorporate predictable human behavior into pandemic policy is an error of policy design, not the moral failing of Americans." 3/
Ensuite, je crois que le dénialisme, quand il s'exprime, est surtout une réponse (erronée) à une forme de censure morale qui empêche les gens d'exprimer des critiques éthiques contre les mesures qui sont prises (confinement, etc.). 4/
Depuis le début de la pandémie, on a très peu posé le problème en termes de calculs coût-bénéfice - et quand on l'a fait, on a eu une approche ridiculement étriquée des "coûts" des mesures prises, essentiellement envisagés dans leur aspect économique. 5/
Pas grand-chose s/ les libertés fondamentales, le besoin de vie sociale ou la blessure irréparable infligée à nos valeurs les plus profondes, à notre sens élémentaire de l'humanité, par des mesures reposant sur l'idée que ns sommes toxiques pr les autres et les autres pr nous. 6/
Au contraire on a cherché à susciter effroi et sidération, en balançant des chiffres de morts à la TV et en suggérant que le monde s'effondrerait si jamais les hôpitaux se retrouvaient, un jour, saturés, et en incapacité d'accueillir tout le monde. 7/
Pourtant même cette perspective, si désagréable soit-elle, et si pénible soit-elle à envisager pour les médecins (qui devraient alors faire pas mal d'heures sup, et des "choix moraux difficiles"), devrait aussi être intégrée dans une réflexion sur les coûts et les bénéfices. 8/
Même pour éviter cette catastrophe, on ne peut pas consentir à tous les sacrifices, et les mesures infligées à la société ont forcément une date de péremption. Par exemple, je sais pas... 9 mois ? 9/
Or donc vu comment on a posé le problème, vu comment les discussions rationnelles et adultes ont été empêchées par la rhétorique officielle, eh bien le déni a été le refuge naturel de ceux qui étaient gênés aux entournures par le monde que l'on est en train de construire... 10/
... et par la conception de l'être humain et de la vie humaine que l'on est en train d'installer. D'où le choeur, pendant tout l'été, de tous ceux qui juraient contre toute évidence qu'il n'y aurait pas de seconde vague, que l'épidémie était finie, que le virus était parti. 11/
Exemplaire est le cas de Yonathan Freund, urgentiste à la Pitié qui a bénéficié d'une exposition médiatique inattendue après qu'il eut promis-juré sur Twitter qu'il n'y aurait pas de seconde vague... 12/
... avant de rétropédaler progressivement au cours de l'été, puis d'appeler au reconfinement, puis de quitter piteusement Twitter (et de disparaître de la circulation). 13/
Alors Freund n'est évidemment pas le pire des dénialistes, il n'a jamais nié que le covid existe ni qu'il s'agit d'une affaire sérieuse, il n'a pas poussé le bouchon aussi loin que les Toussaint, Toubiana et consorts qui refusaient jusqu'en octobre de voir la seconde vague. 14/
Mais le dénialisme hard de ceux-là n'est que la version radicale du semi-déni de Freund, et procède du même phénomène : la censure sociale massive des réticences éthiques au lockdown, et le repli sur des analyses pseudoscientifiques qui relèven du wishful thinking. 15/
Ds le cas de Freund c'était intéressant de suivre son compte twitter, pcq on voyait bien qu'il mêlait des arguments scientifiques (l'immunité qui empêcherait la seconde vague...) à des considérations éthiques mal articulées, et socialement impossibles à articuler... 16/
... comme : "Mais on ne va quand même pas vivre comme ça éternellement...", "Faut bien que la vie normale reprenne son cours...". 17/
Donc non seulement, comme le dit l'article, il ne faut pas mettre l'étiquette de "dénialisme" à toutes les sauces, mais même quand on bien affaire à du "dénialisme", il faut réfléchir aux dispositifs politiques, médiatiques, rhétoriques, qui favorisent son apparition... 18/
Parmi les nombreux éléments de langage irritants de la crise sanitaire, il y a celui qui consiste à stigmatiser l'"inconscience" de ceux et celles qui ne respectent pas les gestes-barrières. Voyons ça : 1/
a) D'abord, bien souvent, c'est une accusation complètement infondée. Je pense que la plupart des gens sont désormais assez au fait de leurs propres facteurs de risque. 2/
Les gens peuvent très bien être conscients des risques qu'ils prennent, et les prendre en connaissance de cause. On n'a pas tou-te-s la même aversion au risque et on n'a pas tou-te-s la même hiérarchie de valeur. 3/
Si vous en avez marre du dilemme du tramway et du dilemme du donneur d’organes, on va faire une petite expérience de pensée, que m’inspire l’actualité. 1/
Imaginez une épidémie virale assez grave, contre laquelle il n’existe pas trop de traitements. De temps en temps le virus touche une personne immunodéprimée qui ne peut pas fabriquer elle-même d’anticorps. Il existe un moyen pour l’empêcher de mourir : ... 2/
lui injecter un sérum de convalescence, contenant les anticorps d’autres patients guéris ! La mort en quelques semaines est certaine si on ne fait rien, mais on a, allez, on va dire 50% de chances de sauver le patient si on lui injecte du sérum de convalescence pendant 6 mois. 3/
Elliot Page a tous les droits de se faire appeler comme il veut et d'utiliser le pronom qu'il veut, et je lui souhaite le meilleur dans sa nouvelle identité sociale masculine, mais... 1/
C'est complètement abusé de raconter toute sa vie au masculin (surtout au présent de narration) : "à 10 ans il joue dans tel film", "à 19 ans il joue le rôle d'une adolescente enceinte dans tel film"... 2/
Ce choix grammatical revient à valider une idéologie complètement essentialiste, essentialiste, en vertu de laquelle E. Page aurait toujours été un homme, bien qu'assigné femme et socialement perçu comme femme. 3/