Thread by @MickaCorreia

🇵🇹 Pourquoi l'extrême droite est devenue la 3e force politique du Portugal suite aux élections présidentielles de dimanche ?

Un thread sur comment la question coloniale et le racisme sont encore occultés dans ce pays qui mené des guerres coloniales jusqu'en 1974. ⬇️⬇️ [1/16]

Le racisme est très profondément ancré au Portugal.

L'été dernier, une étude européenne révélait encore que 62% des Portugais avaient des préjugés racistes.

Fin juillet 2020, l'acteur noir #BrunoCandé, 39 ans, a été froidement abattu à Lisbonne par un Blanc raciste de 76 ans.

Lors de son incarcération, le tueur a déclaré : "Des comme lui, j'en ai tué pleins en Angola". (une ex-colonie portugaise)

2 semaines après, une douzaine de nazillons ont paradé de nuit devant les locaux de SOS Racismo, avec masques blancs et torches à la main façon KKK « contre le racisme anti-national » et « en hommage aux policiers morts en service »

Le pays a connu une recrudescence d’actes de ce type.

En janvier 2019, la vidéo d’une brutale opération de police à l’encontre d’une famille d’origine angolaise en banlieue de Lisbonne, avait déclenché un important débat public et des manifs de jeunes Afro-Portugais.

En février 2020, des chants racistes et des cris de singe lors d’un match de football professionnel à l’encontre de Moussa Marega, joueur noir de Porto, ont également suscité une vague d’indignation.

Des manifs contre les violences policières et le racisme ont agité le pays suite à la mort aux États-Unis de George Floyd. #BlackLivesMatter

Mais les chaînes d’infos ont préféré se focaliser sur les pancartes de type « ACAB », accusées d’attiser la haine envers la police.

Les politiques sont quant à eux en plein déni. Le 16 juin 2020, le Parti communiste portugais a déclaré ne pas être d’accord avec l’idée de «transformer la question raciste en grand sujet national», avant d’ajouter: «Le peuple🇵🇹, dans sa très grande majorité, n’est pas raciste. »

Cette occultation du racisme sur lequel surfe l’extrême droite est profondément enracinée dans le récit national.

Au Portugal subsiste la croyance tenace que le régime colonial portugais aurait été «pacifiste» et «plus humain» que celui des autres empires européens....

Une «exception coloniale» source de métissage et d’échanges interculturels appelée lusotropicalisme, une théorie fumeuse énoncée par l’anthropologue brésilien Gilberto Freyre dans les années 30 fondée sur une prétendue prédisposition des Portugais à se mélanger aux autres peuples

Le concept de "lusotropicalisme" a été repris à son compte par la dictature salazariste après la Seconde Guerre mondiale pour justifier la continuité de sa présence coloniale en Afrique.

Qu’importe que les navires portugais aient transporté plus de 5 millions d’esclaves d’Afrique vers les Amériques de 1519 à 1867. Ou que l’esclavage ait été si structurel au sein de la société portugaise qu’au 16e siècle, plus de 10% de la population urbaine du pays était noire.

Le mythe de la spécificité coloniale portugaise a continué à être entretenu après l’avènement de la démocratie en 1974, en dépit du fait qu’entre 1961 et 1975, les guerres coloniales en Angola, Mozambique et Guinée-Bissau ont tué plus de 100 000 civils africains.

Symbole de cette narration occultant la violence de l’oppression coloniale, le Monument des Découvertes demeure encore aujourd'hui un des sites touristiques incontournables de Lisbonne.

Construit en 1960 sous Salazar, l’imposant édifice glorifie une trentaine d’explorateurs héros de l’expansion de l’Empire portugais des XVe et XVIe siècles : une ode tout en pierre et en virilité au plus grand gang de pilleurs et de massacreurs coloniaux qu’ait connu le pays.

En matière de colonialisme comme de racisme, le Portugal s’est toujours rêvé en exception à l’échelle européenne.

Mais face aux scores affolant de l'extrême droit, le pays devra affronter son passé colonial, sous peine de sombrer dans le cauchemar de la haine raciale. [Fin]