[Petit thread] On m'interroge souvent sur la porosité entre la dictature technologique chinoise et les expérimentations hasardeuses des démocraties libérales occidentales. Ma réponse : la cloison est plus fine que ce qu'on imagine. Exemple avec Dahua. 👇
Domiciliée à Hanghzou, vitrine de la ville du futur à la chinoise, l'entreprise est un des leaders nationaux de la vidéosurveillance. Dans un pays qui abritera bientôt la moitié du milliard de caméras de la planète, ça offre quelques perspectives.
Ce chiffre vertigineux permet de comprendre une chose : à l'heure de l'automatisation croissante de ces caméras, les fabricants chinois ont un avantage concurrentiel incroyable, garanti par 1) leur assise économique 2) l'Etat, qui a fait de l'IA un secteur stratégique.
En d'autres termes, que font les marchands de vidéosurveillance chinois ? Ils répondent aux besoins du pouvoir central, en développant des appareils capables d'identifier les Ouïghours, cette minorité musulmane du Xinjiang, victime d'un génocide culturel et traquée au quotidien.
Depuis 2017, les trois cadors du marché (Dahua, Hikvision et Uniview) ont déposé des brevets pour des systèmes de reconnaissance faciale capables de suivre les Ouïghours partout dans l'espace public. Ils sont ensuite vendus à la police.
Fort de ce "savoir-faire", Dahua vante sa capacité à reconnaître la race d'un individu, qu'il soit "noir", "blanc", ou "jaune" (sic). @ipvideo, qui fait un travail incroyable sur le sujet, résume très bien ce glissement de la reconnaissance faciale vers la reconnaissance raciale.
Voilà pour le pedigree de l'entreprise. Aux Etats-Unis, Dahua a été blacklisté en 2019 pour atteinte aux droits de l'homme. Mais aussi parce que c'est une arme dans la guerre commerciale et géopolitique que se livre les deux superpuissances mondiales ?
Ca n'effraie pas Amazon. Dès le début de la pandémie, le géant américain a acheté 1500 caméras thermiques pour 10M$ afin de prendre la température de ses salariés, obligés de continuer à faire tourner la boutique.
Dahua, 16 000 salariés, a 53 bureaux hors de Chine. Ils sont notamment implantés à Irvine, en Californie, à Houston, Texas, et à... Créteil, France.
Sous nos latitudes, les affaires marchent plutôt bien. Entre 2018 et 2019, le chiffre d'affaires de Dahua a progressé de plus de 3000%, passant de 70 000€ à près de 2,5 millions. Moyennant un petit billet, vous pouvez même acheter leur matériel chez Darty.
Ainsi, la "safe city" à la chinoise se fraie un chemin jusqu'à Brienon-sur-Amarçon, petite commune de 3300 habitants dans l'Yonne. Dahua se vante d'y réduire la criminalité grâce à "une surveillance en continu".
Je conclus par une question : peut-on réellement ériger la Chine en repoussoir ultime quand multinationales américaines et collectivités locales françaises s'attachent les services d'une société chinoise prédatrice des libertés, renforçant au passage son modèle économique ?
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Au Beauvau de la sécurité, Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie, évoque "un algorithme de prédictibilité, progressivement étendu des cambriolages aux autres crimes et délits. Aux 🇺🇸, PredPol, le logiciel utilisé par la police, est 1) dangereux 2) un échec.
PredPol est tellement contesté que Santa Cruz, la ville californienne, qui abrite le siège social de l'entreprise, a interdit en juin dernier cette technologie. Elle réplique et amplifie les discriminations.
Et un rappel utile : la rustine juridique arrive bientôt, puisque la #PPLSécuritéGlobale permet une utilisation massive (et floue) des drones par la police.
Didier Lallement vs le Conseil d'Etat, huile sur toile, 2020
Hier, en Conseil des ministres, Jean Castex a présenté un projet de loi pérennisant l'état d'urgence sanitaire. Il subordonnerait l'accès à certains lieux à un dépistage ou un vaccin, et permettrait de déroger au secret médical en créant des fichiers.
Avis du @Conseil_Etat : "Certaines de ces décisions sont susceptibles d’avoir des effets significatifs sur l’exercice des droits et libertés constitutionnels."
Le texte ne précise pas la date de péremption des traitements de données personnelles (notamment les fichiers SI-DEP et Contact-COVID, clés de voûte de la stratégie 🇫🇷). Aussi le @Conseil_Etat réclame-t-il un décret dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la loi.
On a donc un ministre de la Justice, avocat pénaliste, qui veut abattre un totem républicain vieux de 140 ans pour empêcher @T_Bouhafs, @GaspardGlanz et beaucoup d'autres journalistes indépendants de faire leur boulot.
Quelques précisions ici : il s'agirait de permettre les comparutions immédiates pour "les discours en rupture avec les valeurs de la République". En protégeant les journalistes, soit, mais lesquels ?
Public Sénat a modifié la citation du Garde des Sceaux : il s'agit désormais d'exclure ceux qui viennent "se lover [dans la loi de 1881] pour diffuser la haine en ligne et bénéficier des protections qui sont dues aux journalistes et aux organes de presse".
Je vais tendre une perche aux conspirationnistes de tout poil, mais tant pis : George Soros vient d'investir 175M$ dans Palantir, dont l'action a augmenté de 50% depuis l'élection américaine. 🔮
A ceux qui s'étonnent de ma formulation prophylactique, une clarification sémantique : on peut évidemment forger une théorie du pouvoir comme complot, je connais même un activiste de l'information qui en a fait sa boussole. Un certain Julian Assange.
Précisions du fonds d'investissement de Soros : ses parts dans Palantir (une entreprise dont il "n'approuve pas les pratiques") datent de 2012 ; elles sont devenues des actions quand l'entreprise est entrée en bourse. CNN a modifié son article.
Curieux, ce papier de Marianne sur "le programme X, un logiciel espion surpuissant pour traquer les terroristes" : un graphe social sous stéroïdes, capable aussi bien de trier des tweets haineux pour Pharos que de géolocaliser une cible en temps réel.
Pour montrer les capacités de ce mystérieux outil, Marianne reproduit la cartographie des liens d'Idriss Sihamedi, le fondateur de l'association BarakaCity, accusée de promouvoir l'islamisme radical et récemment dissoute en Conseil des ministres.
Pour qui travaille le mystérieux "opérateur" qui, dans l'article, réalise la démo à un clic de l'illégalité ? Est-ce une initiative publique ? Privée ? Aucune idée. Tout juste apprend-on que "le dossier est sur le bureau de David Tortel", le conseiller numérique de Darmanin.