Pourquoi "économie libérale" et "déficit public" font en réalité bon ménage. Je vous explique dans ce thread👇 1/20
Dès que vous critiquez le tournant libéral français (à partir de 1983), y a toujours quelqu’un qui vous dit en se poilant « Quoi ! la France un pays libéral avec un budget déficitaire depuis 40 ans et une dépense publique à 57% du PIB ».

En réalité, l’un va avec l’autre. 2/20
A partir des années 80, les élites de notre pays nous ont promis que la mondialisation, la financiarisation de l'économie, la privatisation des services publics ou le marché unique allaient nous apporter une vie plus stable et prospère. Et c’est l’inverse qui a eu lieu. 3/20
D'ailleurs, en 1988, le rapport Cecchini sur « les coûts de la non Europe » nous promettait des millions d’emplois supplémentaires et un horizon de croissance économique à plus de 6,5 % par an. Aujourd’hui, le bilan du marché unique "tempère" très largement ces prévisions. 4/20
En réalité, la financiarisation de l'économie a transformé nos industries en entités homogènes afin d’éliminer les plus faibles et la mondialisation a permis de les délocaliser. 5/20
Les résultats sont sans appel. Entre 1980 et 2007, la part de l’emploi industriel dans la population active a chuté de 22% à 12%. Sur une base 100 en 1999, la production industrielle est aujourd’hui à 93 en France contre 127 en Allemagne et 116 aux Etats-Unis. 6/20
C’est là que se téléscope le déficit public. Face à l’échec du tournant libéral, le "big patronat" a demandé des baisses d’impôts pour être plus compétitif au niveau international, de l’autre les prestations chômage ont augmenté avec les délocalisations. 7/20
Ce chantage a fonctionné. En France, entre 2000 et 2010, c’est 100 milliards de baisses d’impôts (je compte pas ici les 30 milliards d’exonération de cotisations fiscales). 8/20
A cela s’ajoute, les 40 milliards € du pacte de responsabilité (merci #Hollande) et les 20 milliards consentis par #Macron (réforme de l'ISF : 3.5 Mrds ; flat tax : 1.5 ; baisse de l’IS : 15-17 Mrds). 9/20
Les baisses d’impôts n’ont jamais eu les effets promis sur la croissance du PIB mais elles ont creusé fortement les déficits publics (en diminuant les recettes budgétaires). 10/20
J’oubliais. Au milieu de tout ça, il y a eu la crise de 2008 : une crise financière trouvant son origine dans un excès de dette privée (pas publique) et venant des Etats-Unis (pas de Cuba). 11/20
La crise a entraîné une hausse du déficit et de la dette publique sans précédent. En France, la dette publique qui était autour de 65% et quasiment stable entre 2003 et 2007 (donc proche des 60% de Maastricht) a atteint 79% en 2009. 12/20
Alors j’entends déjà la douce voix d'Agnès Verdier Moulinié me dire : « Mais les banques ont remboursé, donc c’est pas ça le problème ! ». 13/20
Certes les banques ont remboursé mais la crise financière s'est transformée en crise économique entaînant une perte d’activité (donc de rentrées budgétaires) et une hausse du chômage (donc des prestations) d’où un creusement des déficits. 14/20
Je rappelle que 8 ans après la crise (en 2016), il y avait 1.5 million de chômeurs en plus par rapport à 2008 (et autant de prestations – bien heureusement – distribuées). 15/20
Sur ce schéma, les libéraux demandent encore plus de baisses d’impôts, de dérèglementations du marché du travail (il y en a eu 165 entre 2000 et 2013!) et de réduction du nombre de fonctionnaires. 16/20
Pourtant les dépenses de fonctionnement des administrations publiques (fonctionnaires, etc) sont stables en France depuis 1978 à 18% du PIB contre 26% au Danemark ou 20% au Royaume-Uni. 17/20
Ce sont les prestations sociales et les transferts versés aux ménages principalement (mais aussi aux entreprises, le CICE compte dans la dépense publique) qui ont augmenté sur la période: de 22 % du PIB en 1978 à 33 % aujourd’hui. 18/20
La réalité est que la dépense publique (et in fine le deficit) est devenu « la béquille » de l’économie marché. A chaque crise (financière ou sanitaire), c’est de l’argent public qui renfloue le privé, ce qui entraîne une hausse du déficit et de la dette publique. 19/20
Donc oui, on peut être un pays libéral et avoir un déficit public, c'est le cas de la France mais aussi des Etats-Unis et du Japon (qui ont souvent des déficits publics plus élevés que le notre).

Bonne soirée à tous et que la paix soit sur le monde. 20/20

• • •

Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh
 

Keep Current with Thomas Porcher

Thomas Porcher Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

PDF

Twitter may remove this content at anytime! Save it as PDF for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video
  1. Follow @ThreadReaderApp to mention us!

  2. From a Twitter thread mention us with a keyword "unroll"
@threadreaderapp unroll

Practice here first or read more on our help page!

More from @PorcherThomas

11 Feb
Pourquoi les raffineries (et leurs salariés) sont sacrifiées depuis 30 ans sur l'autel de la finance et que l'écologie n'est qu'un prétexte. Je vous explique avec ce #thread (tiré des #Délaisses) 1/25

#Grandpuits
De 1970 à nos jours, plus de la moitié des raffineries ont fermé. Les raisons avancées étaient tjrs les mêmes : «il y a des surcapacités et les marges de raffinage sont trop faibles, le marché doit donc se rééquilibrer en diminuant l’offre ». Aujourd’hui, c’est l’écologie. 2/25
La réalité est plus complexe. Le 1er problème provient de l’inadaptation de l’offre des raffineries à la demande fr. Les derniers gros investissements ont été réalisés il y a 30 ans et servent à produire de l’essence. Or depuis les années 90, la demande fr en diesel augmente 3/25
Read 25 tweets
25 Jan
« La dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d'élaborer et d'approuver un plan d'assainissement budgétaire crédible à moyen terme" Jeffrey Franks (FMI). Comme je ne vois pas #Macron s’y opposer (au contraire). Préparez-vous a un scénario à la grec. 1/4
Le gouvernement va couper dans la dépense publique ce qui va l’augmenter! En Grèce, la dépense publique a baissé de 20 % entre 2009-2015 mais est passée de 54,1 à 55,4% car le PIB a chuté de 25%! 2/2
Deux ans après, quand l’économie sera en lambeaux, on aura droit à un article du chef économiste du FMI dans l’American economic review pour nous dire « bah mince, on a fait une erreur de diagnostic, on a sous-estimé le multiplicateur budgétaire ». Histoire vraie pour la Grèce.
Read 4 tweets
27 Dec 20
Bon les amis, c'est pas pour en remettre une couche mais je vais vous faire un petit thread sur la dette publique pour clarifier mon propos quand je dis "la dette publique n'est pas un problème"
D’abord, je tiens à dire que je respecte le travail des « annuleurs » (j'en connais la plupart) et ne met pas en doute leur solution d’un point de vue technique. Juste je n’en vois pas l’utilité et je crains les conséquences (politique et financière) qu’elle peut avoir.
Voilà plus de 20 ans (avec une forte accélération ces 10 dernières années) que la dette publique est agitée pour mettre en place des politiques de casse du service public (hôpitaux, éducation, etc) mais jamais quand il s’agit de baisser la fiscalité.
Read 14 tweets

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3/month or $30/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!

Follow Us on Twitter!