Thread by @July_Dup

Jour 26 du #BlackHistoryMonth. Pour cet avant-dernier jour, je voulais vous partager une histoire méconnue, inspirée par ma semaine de vacances en Charente-Maritime : celle des soldats coloniaux de l'île d'Aix en 1798-1799. C'est parti pour un mini-thread ⬇️

Déjà l'île d'Aix, pour ceux qui sont nuls en géo (comme moi quoi), c'est quoi ? Une petite île d'1 km2 carrée, située entre Rochefort/La Rochelle et l'île d'Oléron.

A partir de 1795, l'île est utilisée comme dépôt colonial (en parallèle de Dunkerque, Le Havre, Nantes, Bordeaux et Marseille) : elle sert à contrôler les arrivées depuis les colonies en rassemblant les soldats venus des territoires antillais ou libérés par les Anglais.

En 1798, le gouvernement décide finalement de ne faire résider sur l'île d'Aix que des soldats de couleur, soit issus des gardes nationales antillaises, soit des légions dominguoises, un acte qui achève définitivement la non-intégration de ces soldats dans l'armée française.

Débarquent alors sur l'île 560 militaires de couleur : ce sont surtout des hommes jeunes, souvent blessés ou souffrant de blessures suite à leur emprisonnement par les Anglais. On recense également une cinquantaine de femmes avec quelques enfants.

L'île étant petite, ce sont finalement un peu plus de 200 Afro-descendants qui y résideront de manière permanente, tandis qu'une autre partie des troupes et les femmes sont renvoyés sur le continent, à Rochefort.

Les conditions de vie sont difficiles : ils sont logés sous tente en plein hiver, manquent d'habits, les liaisons avec le continent sont limitées et surtout, ils souffrent d'être discriminés et séparés de leurs camarades blancs.

Du coup, dès le mois d'août 1798, 60 soldats rédigent une pétition et l'envoient à Etienne Mentor, député. Mais si, Mentor, vous vous souvenez : il fait partie des premiers députés noirs à la Convention et siège au Conseil des Cinq-Cents !

Mentor défend vigoureusement ses compatriotes, notamment contre le Ministre de la Marine, Bruix, planteur de Saint-Domingue, qui a une attitude pour le moins équivoque avec les citoyens noirs français.
Son discours est à retrouver sur Gallica : c.bnf.fr/MR1

Bref, l'île d'Aix devient problématique et dès 1799, les soldats de couleur quittent les lieux : la majorité repartent à la Guadeloupe mais une cinquantaine vont rester en métropole, à Rochefort, en étant intégrés à l'armée régulière.

Voilà, pensez-y si vous faites partie des nombreux touristes visitant Fort Boyard et s'arrêtant en rade d'Aix en chemin : sous la Révolution, plus de 200 Afro-descendants y ont vécu (soit autant que la population actuelle soit dit en passant) !

Evidemment, cette histoire n'est pas du tout abordée par les circuits touristiques locaux (et c'est bien dommage). Quoiqu'il en soit, je vous dis à demain pour un dernier rdv sur Twitter et sur Twitch à 18h30 👋
twitch.tv/julydup

Pour les sources, je me suis servie de Gainot, "Les officiers de couleur dans les armées de la République et de l'Empire" et je vous renvoie aussi sur le blog Une Autre histoire
une-autre-histoire.org/ile-d-aix2/ !