Alors que #Sputnik V cartonne de plus en plus à l’international, les Russes rechignent à la vaccination. Le vaccin est en accès libre dans les grandes villes, mais les Russes sont environ 3,5% à être vaccinés. Pourquoi? Plusieurs explications complémentaires: ➡️
Explication 1: Covidoscepticisme. Alors que 4 Russes sur 5 connaissent personnellement un malade du Covid, et que la deuxième vague est plus violente que la première, plus de la moitié déclarent ne pas avoir peur de tomber malade. Ce chiffre est en hausse. ➡️
2/3 des Russes considèrent aujourd’hui que le virus du #COVID19 est une arme biologique d’origine artificielle. ➡️
Explication 2: Le discours du « se vacciner pour protéger les autres » n’existe pas en Russie. De manière générale, les pouvoirs publics ne font aucune communication particulière sur la nécessité de se vacciner. Le sujet est plutôt minimisé dans la communication de l’Etat. ➡️
Il se dit que la Russie a peur de ne pas pouvoir suivre un rythme de production suffisant si la demande interne venait à augmenter. En l’absence d’échéances électorales proches, on laisse couler; la protection de la population n’est pas une priorité. ➡️
Explication 3: Méfiance à l’égard du vaccin russe en particulier . Parmi les personnes ayant peur d’être contaminées, plus de la moitié ne sont pas prêts à se vacciner avec le #Sputnik . La longue expérience de méfiance à l’égard de l’Etat trouve ici son expression. ➡️
Plus le #Sputnik V gagne en reconnaissance internationale, moins il inspire confiance en interne : le nombre de personnes ne souhaitant pas être vaccinées au Sputnik est en constante augmentation. ➡️
Petit détail qui joue: au sommet de l’Etat, le nombre de personnes s’étant fait vacciner par le #Sputnik se compte sur les doigts d’une main, et le président n’en fait pas partie. Ceci ne fait qu’alimenter la méfiance, pas forcément justifiée, quant à la qualité du vaccin. ➡️
1. Voici enfin la publication de cette enquête d'opinion publique conduite auprès des Biélorusses par Ryhor Astapenia du Chatham house. Pas parfaite, bien évidemment, mais de loin la meilleure que nous ayons pour estimer l'étenndue de la contestation. ➡️ chathamhouse.org/2020/10/what-b…
2. Enquête conduite fin septembre, certaines choses ont pu évoluer pendant le mois d'octobre. Quels enseignements? Un résultat avait déjà été révélé: les déclarations de vote qui donnent à Tikhanovskaia un peu plus de 50%, à Luka un peu plus de 20%. 80% déclarent avoir voté.➡️
Un peu plus de 33% des pers. inter. voient d'un oeil défavorable les protestations, 47% d'un oeil favorable, 20% hésitent. Fin septembre, 30% des Biélorusses disent avoir participé à une action protestataire (c'est énorme). Parmi ceux-là, plus de 80% souhaitent continuer. ➡️
Un article très intéressant de Tut.by qui est allé voir ce qui se passe dans les usines qui ont été actives dans les premières protestations ➡️finance.tut.by/news704499.htm…
Intimidations, licenciements, retenues sur salaire ont été assez efficaces pour limiter la protestation, surtout dans la durée. Des comités de grèves et des syndicats indépendants se sont maintenus partout, mais en effectifs modestes. ➡️
Le pouvoir a eu le temps de s’organiser et d’installer un contrôle serré sur le personnel des usines. Le mécontentement est massif, mais le calcul coûts / avantages n’est pas en faveur de la grève générale. ➡️
L’une des choses qui me ravissent égoïstement dans les impressionnantes protestations biélorusses, c’est qu’elles ferment le clapet aux doctes discours sur les « peuples soumis » et « l’attachement à la main forte » ➡️
Ces discours sont non seulement racistes mais dangereux pour nos démocraties. Ils réservent l’autoritarisme à des pays jugés fondamentalement différents de nous parce qu’enclins (historiquement ou naturellement) à la soumission. ➡️
Or, un pouvoir autoritaire peut être authentiquement attractif et apporter des bénéfices à une grande partie de la population, comme je me suis attachée à le répéter sur le cas biélorusse. C’est troublant et c’est un impensé de nos sociétés, voire un tabou. ➡️
Je vais faire un peu ma politiste de base.
Souvent, dans les salons mondains, on me pose la question sur la Russie ou la Biélorussie ou l'URSS: "Mais pourquoi le gentil peuple ne s'est-il pas révolté contre le méchant dictateur?"
C'est généralement là que je commence à boire. ⬇️
La Biélorussie aujourd'hui pose à la science politique nourrie d'exemples occidentaux une colle que mes interlocuteurs mondains auraient peine à imaginer: le peuple descend dans la rue contre le méchant dictateur, en masse et durablement... et lui ne bouge pas d'un poil. ➡️
Comment cet enlisement est-il possible? Je vais essayer de détailler sommairement quelques éléments explicatifs. C'est une ébauche très incomplète, bien entendu. ➡️
Les travaux académiques publiés sur la Biélorussie dans les mondes francophone et anglophone ne sont pas très nombreux (mais, comme pour l'Ukraine, on va avoir un effet de mode dans les mois à venir). Petite reading list dans ce fil.
Sur le contexte socio-économique, je ne peux que recommander encore une fois l'article de Ronan Hervouet de 2013: cairn.info/revue-internat…
Du même auteur, le sociologue Ronan Hervouet, ne manquez pas le nouveau livre, Le goût des tyrans, sur le monde rural biélorusse. Présentation ici : franceculture.fr/oeuvre/le-gout…
Il y a deux jours, le média russe pure player Lenta.ru publiait une longue enquête sur la face cachée et corruptive du gazoduc Power of Siberia (Russie-Chine), présenté comme un bijou de l'influence gazière russe. Thread.▶️ lenta.ru/articles/2020/…
Première chose à savoir: Lenta.ru est tout sauf un média d'opposition depuis des années; il est directement contrôlé par l'Etat. L'article fait certainement partie d'un règlement de comptes au sommet... ce qui ne veut pas dire que les abus dénoncés sont faux 😈 ▶️
Résumé de l'enquête: le gazoduc a été conçu sans investigation géologique sérieuse, et les capacités réelles du gisement sont nettement, nettement inférieures à ce qui est nécessaire pour faire marcher le gazoduc. ▶️