1/ Après lecture de la lettre d'Alma aujourd'hui dans Libé je me demande pourquoi le journal a décidé d'anonymiser le violeur. Plus généralement, je m'interroge sur le positionnement et les méthodes de la presse pour traiter des violences sexuelles comme phénomène social
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2/ Alma explique que, pour elle, il était important qu'il reconnaisse *publiquement* l'avoir violée. C’est important : cela justifie sa validation de la publication de la lettre. Cette aval d'Alma a d’ailleurs été fortement mobilisé par la rédaction pour se justifier.
3/ Toutes les victimes rêvent que leur violeur reconnaisse publiquement. C'est le seul moyen de ne pas voir sa parole mise en doute (y compris par elles-mêmes). En cas de viol conjugal, c aussi un moyen de ne pas mettre tte la relat° à la poubelle, de poser les responsabilités.
4/ Cela s’est même traduit par des prop° du mvt féministe. Dans un édito de 76 de l’asso Choisir (fondée par G. Halimi), elles présentaient les amendements qu’elles proposaient à la loi sur le viol.
Axe majeur : rendre public le nom du violeur et son procès (donc sa parole).
5/ La non-intégration de toutes ces propositions, auxquelles le législateur a préféré des peines de prison (potentielles) à deux chiffres, dit à quel point l’enjeu est grand, pour les garants du monde tel qu’il est, de protéger le nom des violeurs. Pourquoi ?
6/ Le "regard social" n’a pas de fin. Les victimes de viol l’expérimentent lorsqu'elles parlent. Cela ne te quitte plus. Ce regard te surveille. Il est très difficile de t’y soustraire, de ne plus être ce que l'on nous a fait.
Ou ce que l'on a fait, en l'occurrence.
7/ Sans signer de son nom, cet homme plein de la certitude que sa parole est nécessaire au monde pr avancer mieux, révèle sa véritable couardise. Non pas pour échapper à la "justice" mais pour se soustraire à ce qui pourrait, aussi, changer profondément sa vie : le regard social.
8/ Dans son "making off" Libé explique que c’est la rédaction qui a proposé l’anonymat. J’expliquerais après pourquoi ce choix est questionnable, d’un point de vue journalistique. Mais d’abord, pourquoi l’homme l’a-t-il accepté ?
9/ Et pourquoi n'a-il pas ouvert un blog afin de publier sa lettre ? Aujourd'hui, plus personne ne dépend de la presse pour rendre sa propre parole publique. Cela aurait répondu au besoin exprimé par Alma qui ne lui a jamais demandé d'envoyer cette lettre à Libé.
10/ Cette publication dans Libé lui permet de se mettre allègrement en scène et dépossède sa victime. Alma exprime très clairement ce sentiment que son histoire lui échappe, dès l'accroche même de sa lettre d'aujourd'hui.
11/ Par définition, une information publiée dans un média doit présenter un caractère d'intérêt général. Cela ne signifie pas que la presse écarte les témoignages ou expériences individuelles, mais qu'ils ne sont pas publiés, d’abord, au regard des attentes de leurs auteurs.
12/ Ainsi, comme l'affirme Dov Alfon, dans son édito du jour, le journal considère que la lettre du violeur, publiée in-extenso et sans analyse, constitue une parole d'intérêt général en tant que telle.
C'est ce point de nombre de féministes contestent.
13/ L’accord d'Alma n'a donc rien à y voir. Il ne peut être mobilisée comme justification. Ce n'est pas le sujet quand bien même il aurait été d'autant plus choquant de publier ce texte sans même l'aval de la victime.
14/ Par contre, la motivation du violeur qui sollicite publication ne peut être ignorée par les journalistes, c'est même une des bases de notre travail : interroger les raisons qui motivent les gens à nous livrer une information. C'est une condition pour décider quoi en faire.
15/ Pourquoi un violeur veut-il publier anonymement une mise en contexte de son acte appelant, d'abord, la société à prendre ses responsabilités ? Ce n’est pas une question-piège, Valérie Rey-Robert a formulé des pistes de réponse ici 👇🏼 shorturl.at/elCX7
16/ La prise de parole des agresseurs désignés comme tels s'invite de plus en plus dans le "débat" public depuis quelques temps (textes, docu sonores).
Même en plein #MeToo, nous nous souvenons de ces hommes pondant des statuts facebook enflammés "j'ai violé" à l'automne 2017.
17/ Et certain·es leur ont, alors, distribué des cookies et des médailles (symboliques) parce qu'elles pensaient que leurs témoignages étaient une condition à la compréhension des mécanismes du viol.
Ce désaccord entre féministes n'est donc pas nouveau, lui non plus.
18/ Interrogeons-nous sur le pourquoi, à ce moment-là, toutes ces paroles de violeurs n’ont pas trouvé plus d’écho que ça dans la presse, qu’elles n’aient pas semblé si fondamentales alors qu’il suffisait de se pencher pour les ramasser.
Piste : le traditionnel "rapport de force"
19/ L’intérêt général.
Avant de publier un document "choc", en utilisant la validation de la victime comme bouclier, essayons-nous de comprendre ce qui, au regard de leurs expériences ou d'analyses de psys, a permis à des femmes violées d'aller mieux, voir bien, des années après?
20/ S'interroge-t-on sur le fait que, pour aller mieux, les victimes de viol sont encore suspendues aux lèvres de leurs agresseurs ? Regardons-nous sérieusement la source de cette forme de dépendance ? Nous demandons-nous si cela est souhaitable, socialement parlant ?
21/ Essayons-ns de saisir de quelles manières le déni systémique de justice structure les modalités de réponses des ♀️, individuelles ou collectives, pr avancer malgré les viols qu'elles subissent, de même que les débats qui animent, et parfois fracturent le mouvement féministe ?
22/ L'intérêt général, si l'on peut toujours en questionner les contours, est - aussi - contenu dans la recherche de réponses aux questions que j'ai posées. Elles pointent le contexte, ce qui n'est pas rien. Et à celles soulevées par chercheuses et militantes depuis des années.
23/ Revenons sur le choix de l'anonymat proposé (ou accepté ?) par la rédac. Protection des "sources" ? Mais ce témoin est-il une source au sens journalistique du terme ? Y'a-t-il enquête ? Y'a-t-il vérification des informations ? 🤔
24/ Est-il un activiste politique qui par ses actes revendiqués se met hors la loi mais qui les défend au regard d'un idéal de société qui mérite d'être porté à la connaissance de toutes et tous ?
Bref.
25/ NB : Le viol n'est pas un débat, une question de "points de vue", de "ressentis" ou de malentendus. Ça c'est la culture du viol.
Quels en sont les mécanismes ? Comment s'entretient-elle au quotidien dans le champ médiatique et institutionnel ?
Que de sujets journalistiques !
*Cet
*mobilisé
Et je tombe sur cette prise de hauteur élégante qui revient sur les enjeux du traitement de ce type de document.
On y apprend que Mediapart a choisi de ne pas publier la prose de celui qui qualifiait son propos de "rare et pertinent". blogs.mediapart.fr/lenaig-bredoux…
Merci @LenaBred
Glisser sur google et comprendre que le pseudo utilisé par le violeur à la tribune dans Libé est, en fait, celui qu'il a choisi depuis longtemps : ici un encadré des Echos qui l'a interrogé, publié le 26/02. Cela ressemble donc de + en + à un nom de scène. start.lesechos.fr/societe/vie-ec…
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Lire le com qui accompagne cette immondice masculiniste est, par ailleurs, une merveilleuse illustration de ce qu'est le DENI.
Ou peut être que le CM de Libé aurait préféré qu'il n'y ait pas de partie gauche a cette Une. On ne sait pas.
J'magine le conciliabule qui a validé cette Une, plein des sourires satisfaits de ceux qui, persuadé•es d'être "en avance", sont convaincus qu'ils vont faire mouche.
N'hésitez pas à embaucher des femmes, féministes, si vous ne voulez plus commettre ce genre d'ignoble horreur. 😤
Ce que dit la victime VS ce que fait la redac de @libe
Des militants panturquistes arpentent les rues lyonnaises ce soir aux cris : "Ils sont où les Arméniens ?"
On parle d'un peuple génocidé par les ancêtres politiques de ces gens. On parle d'un peuple hanté par les pogroms, encore perpétrés il y a 30 ans dans la région. #Artsakh
Le silence de la gauche est assourdissant sur la question arménienne. À part le PCF.
Campisme paralysant ?
Désintérêt ?
Frilosité parce que la droite, elle, est (très) présente dans le mouvement de solidarité ?
C'est l'absence des forces de gauche qui la rend si présente.
Le droit du peuple arménien du Haut-Karabakh/Artsakh à l'autodétermination n'est pas une "cause de droite" ! C'est un droit fondamental, garanti par le droit international. De même que son droit à l'existence, en tant que peuple : le droit à ne pas être déplacé ou génocidé.
À propos des noms, du calendrier et de l'antisémitisme. Une longue histoire française.
En 1803, Napoléon impose que les enfants soient nommés selon le calendrier grégorien.
Il fût, ainsi, imposé aux Juifs - "émancipés" en 1791 - de renoncer aux prénoms hébraïques.
Ce décret, aboli seulement en 1993 (même si divers aménagements avaient eu lieu au cours du XXe s) est aussi une des raisons expliquant que les Juifs indigènes, en Algérie, aient rapidement adopté des prénoms chrétiens : la loi les y obligeait.
Isaac s'appelaient "Jacques" à l'état civil, Moïse Maurice et la petite fille d'Eli devenait "Élise"
Nombreux ont vu dans ces prénoms "français" une marque de la volonté d'intégration des Juifs indigènes. Dans le contexte colonial et les contraintes légales, rien n'est moins sur.
Mon "autopsie" du délit de #diffamation, de son usage par les hommes accusés de violences pour silencier les femmes et des logiques judiciaires à l'oeuvre dans ces situations
Un exemple ? Le mouvement #Iwascorsica, déjà objet de 48 plaintes en diffamation. causette.fr/societe/en-fra…
[Thread] Le délit de diffamation, l'arme fatale des hommes accusés de violence.
Article sur le site de @CausetteLeMag 🔼🔼🔼 1/ 2 appels à témoins ont été publiés sur le compte Instagram du collectif féministe corse @ZitelleInZerga le 23 juillet dernier. instagram.com/p/CC_47L2Kv-I/…
2/ Les militantes ont retenu la leçon. Convoquées à la gendarmerie de Borgo le 15/06, suite au dépôt de 48 plaintes en diffamation par des hommes accusés de violences sexuelles via #IWasCorsica, elles y décrivent les hommes sans dévoiler leurs noms. #TipsFéministes#Contournement
Puisqu'on parle MLF, retour sur un symbole féministe qui n'existait pas en 1970 mais qui prend de plus en plus de place dans le mouvement actuel.
En bleu de travail, bandana rouge à pois blancs, cette femme a récemment été affublée de gants de ménage.
Qui est "Rosie the Riveter"?
L'affiche date de 1943.
Créée par H. Miller elle répond à une commande de la Westinghouse Electric & Manufacturing Company (productrice des casques de l’armée US) pour de la com interne afin d'encourager les femmes à travailler plus et, surtout, à ne pas faire grève.
Impossible de ne pas voir une filiation avec cette affiche, antérieure. En 1942, à General Motors la direction appelait à l'union entre cols bleus et cols blancs pour soutenir l'effort de guerre.
Derrière le slogan qui se répète, le message est clair : stop aux luttes ouvrières.
Alors que des considérants sur la mémoire et l'histoire statufiées animent les esprits, j'ai envie de parler d'un énorme bâtiment parisien aujourd'hui disparu.
Déboulonné en 1959, il n'était ni un symbole, ni un hommage mais bien une trace historique.
Le #VeldHiv a disparu
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Chaque 16 juillet remonte à la surface le souvenir des 13 152 juifs parisiens raflés par la police française en 42 et parqués 4 jours sous la verrière de la rue Nélaton.
Depuis le 13 février 1910, le gymnase accueillait régulièrement jusqu'à 17 000 spectateurs pour des compétitions sportives, des meetings politiques ou des cérémonies.
Le Paris populaire et la haute s'y côtoyaient.
Le bâtiment était immense et symbolisait la modernité.
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