Le 9 juillet 1871, Théophile Ferré, communard et « ennemi irréconciliable de l’ordre social » selon la police, est arrêté à Paris rue Saint-Sauveur au terme d’une traque cruelle. Son amie Louise Michel en raconte le détail dans ses Mémoires, en 1886 : ⤵️🍒 1/
2/ « Seulement, il y a un détail qu’on ignore et qui n’a été écrit nulle part jusqu’à ce jour : c’est la façon dont fut opérée l’arrestation de Ferré, le moyen auquel on eut recours pr découvrir sa retraite.
Ttes les recherches avaient été infructueuses ;
3/ on avait peut-être arrêté 5 ou 6 pseudo-Ferré comme on a fusillé 5 ou 6 faux Billioray, 5 ou 6 Vallès.
Que fait-on ? On se dirige vers la petite maison de Levallois-Perret, rue Fazilleau, que l’ancien membre de la Commune habitait avec ses parents.
4/ — Évidemment il n’y était pas.
— Parbleu ! on savait fort bien qu’on n’avait aucune chance de le trouver là.
— Eh bien alors, à quoi bon ?
— Que vs êtes naïf! Ne vs ai-je pas dit qu’il demeurait avec sa famille ? Or, à quoi sert une famille si elle ne sert pas à dénoncer
5/ et à livrer les siens ?
On pénètre un peu brutalement, cela va sans dire, ds le petit cottage entouré d’un jardin de la rue Fazilleau. Ah! tenez, je ne sais si ma plume aura le courage d’achever. ✍️
6/ L’autre jour, une affaire m’appelait à Levallois; j’ai passé ds cette rue; arrivé devant cette maison dont le numéro me revint soudain à la mémoire, je fus forcé de m’arrêter qq minutes. Le sang me montait au cerveau, la sueur coulait de mon front, 🏡
7/ un simple souvenir faisait gronder en moi des flots de colère et de rage.
Pardonnez-moi cette émotion involontaire ; car cette indignation, cette colère, cette rage, vous allez les partager. Je continue :
On entre. Le père était parti pour son travail quotidien,
8/ il ne restait là que 2 femmes, la vieille mère et la jeune sœur de l’homme que l’on recherchait.
Cette dernière, Mlle Ferré, était au lit, malade, dangereusement malade, en proie à une fièvre ardente.
On se rabat sur Mme Ferré ; on la presse de questions,
9/ on la somme de révéler la cachette de son fils. Elle affirme qu’elle l’ignore et que, d’ailleurs, la connût-elle, on ne pouvait pas exiger d’une mère qu’elle se fît la dénonciatrice de son propre fils.
On redouble d’instances ; on emploie, tour à tour, la douceur, la menace.
10/ — Arrêtez-moi, si vs voulez, mais je ne puis vs dire ce que j’ignore, et vs n’aurez pas la cruauté de m’arracher d’auprès du lit de ma fille.
La pauvre femme, à cette seule pensée, tremble de ts ses membres. L’un de ces hommes laissa échapper un sourire.
11/ Une idée diabolique venait de surgir ds son esprit.
— Puisque vs ne voulez pas ns dire où est votre fils, eh bien, ns allons emmener votre fille.
Un cri de désespoir et d’angoisse s’échappe de la poitrine de Mme Ferré. 🤯
12/ Ses prières, ses larmes sont impuissantes, on se met en devoir de faire lever et habiller la malade au risque de la tuer.
— Courage, mère, dit Mlle Ferré ; ne t’afflige pas je serai forte ; ce ne sera rien. Il faudra bien qu’on me relâche.
13/ On va l’emmener.
Placée ds cette épouvantable alternative, ou d’envoyer son fils à la mort ou de tuer sa fille en la laissant emmener, affolée de douleur, en dépit des signes suppliants que lui adresse l’héroïque Marie, la malheureuse mère perd la tête, hésite !…
14/ — Tais-toi, mère ! tais-toi ! murmura la malade.
On l’emmène…
Mais c’en était trop pr le pauvre cerveau maternel.
Mme Ferré s’affaisse sur elle-même; une fièvre chaude se déclare, sa raison s’obscurcit; des phrases incohérentes s’échappent de sa bouche.
15/ Les bourreaux prêtent l’oreille et guettent la moindre parole pouvant servir d’indice.
Ds son délire, la malheureuse mère laisse échapper à plusieurs reprises, ces mots : Rue Saint-Sauveur.
Hélas ! il n’en fallait pas davantage. 😱
16/ Tandis que 2 de ces hommes gardent à vue la maison Ferré, les autres courent en hâte achever leur œuvre. La rue Saint-Sauveur est cernée, fouillée. Théophile Ferré est arrêté… Qq mois + tard, il est fusillé.
17/ 8 jours après l’horrible scène de la rue Fazilleau, on rendait à la courageuse enfant sa liberté. Mais on ne lui rendait pas sa mère, devenue folle et qui mourut bientôt ds un hospice d’aliénés, à l’asile Sainte-Anne. »
Dans l’Année terrible, Victor Hugo consacre au mois de juillet 1871 un éloge lyrique de Paris : la raison tonne dans le cratère de la capitale, dont le martyr enflammé éclaire l’histoire universelle (en gros) !⤵️🌋✍️ 1/
« O ville, que ton sort tragique est enviable !
Ah ! ta mort laisserait l’univers orphelin.
Un astre est dans ta plaie ; et Carthage ou Berlin
Achèterait au prix de toutes ses rapines
Et de tous ses bonheurs ta couronne d’épines.
Jamais enclume autant que toi n’étincela.
2/
Ville, tu fonderas l’Europe. Ah! d’ici là
Que de tourments! Paris, ce que ta gloire attire,
La dette qu’on te vient payer,c’est le martyre.
Accepte. Va, c’est grand. Sois le peuple héros.
Laisse après les tyrans arriver les bourreaux,
Après le mal subis le pire,et reste calme. 3/
La Commune n’est pas morte. C’est bien ce que déplore le quotidien nationaliste et phallocrate Le Gaulois : son numéro du 8 juillet 2021 fantasme « La Commune à Londres », mi-asile mi-pays de cocagne où les communards auraient l’audace de survivre.
Attention ça pique !⤵️🌶️🌶️🌶️ 1/
« La Commune à Londres
Ah ! ça, expliquons-nous.
Rien n’est + loin de notre pensée que de mettre en suspicion le zèle de nos gouvernants, cpdt nous ne pouvons cacher + lgtps notre étonnement au sujet des principaux membres de la Commune.
2/
Voilà 1 mois et 1/2 que l’on fouille @Paris ds ts les sens, que l’on dérange nbre de paisibles citoyens et que l’on fait grd bruit à propos des importantes arrestations opérées.
Or, après tt ce tapage, voilà qu’il ns arrive aujd’hui, de Londres, un 4e ami qui ns confirme
3/
Le saviez-vous ? Louise Colet (1810-1876) fut plutôt favorable à la Commune de Paris. En juillet 1871, atterrée par la répression qu’elle découvre dans la presse, elle se sent prise de pitié pour les "pétroleuses". Non sans ambivalences !⤵️📰🍒 1/
« Depuis qq tps avait commencé, à Versailles, cette longue série de procès criminels dont l’issue était (et est encore) le châtiment inexorable. En ce moment on jugeait les pétroleuses. Je lus l’acte d’accusation, résumant la vie de ces malheureuses,
2/
puis les portraits de chacune d’elles que les reporters s’étaient ingéniés à rendre à la fois effrayantes et grotesques ; enfin les interrogatoires où elles se montraient telles que les misères et les vices les avaient faites ; 🤔
3/
Le 4 juin 1871, Geneviève Bréton s'énerve ds son journal intime : cette jeune bourgeoise, fiancée à un peintre tué à la guerre en janvier, a rallié la Commune, dont elle a soigné les blessés. Elle n'a pas de mots assez durs contre l'arrogance des versaillais victorieux :⤵️🖋️ 1/
« 4 juin 71
Je quitte l’ambulance aujourd’hui 4 juin pr rentrer ds ma chère obscurité solitaire. […] Maintenant, mon rôle est fini, les sœurs ns remplacent auprès des quelques blessés qui restent.
2/
j’étais là à la peine, je ne veux pas être au triomphe, voir ces heureux Versaillais parés passer en fringants équipages sur les pluies tièdes mêlées de sang français, courir aux théâtres couverts et contempler en ricanant le navrant spectacle de nos ruines ; 3/
Fin mai 1871, Victor Hugo, installé à Bruxelles depuis mars, y fait paraître une tribune en faveur du droit d’asile pour les communards. Il est immédiatement expulsé du pays ! Récit de l’affaire et florilège de punchlines par le poète :⤵️🪶😠 1/
« "— Il est enjoint au sieur Hugo de par le roi
De quitter le royaume." - Et je m’en vais. Pourquoi ?
Pourquoi? mais c’est tt simple, amis. Je suis un homme
Qui, lorsque l’on dit : Tue ! hésite à dire : Assomme !
Qd la foule entraînée, hélas ! suit le torrent,
2/
Je me permets d’avoir un avis différent ;
[...] Je blâme sans pudeur les massacres en grand ;
Je ne bois pas de sang ; l’ordre, à l’état flagrant,
Exterminant, hurlant, bavant, tâchant de mordre,
Me semble, à moi songeur, fort semblable au désordre ;
3/
Épouse d’un garde national de la Commune, Émilie Noro est arrêtée et emprisonnée sans motif : c’est le début du mythe des pétroleuses, ces femmes incendiaires et déchaînées qu’il s’agit de débusquer et d’enfermer. En 1897, elle raconte son arrestation ds La Revue Blanche :⤵️🔥 1/
« J’étais en train de faire du café. J’ouvre, mon filtre à la main. Des chasseurs de Vincennes étaient là, le fusil en arrêt, et commandés par un jeune officier à l’air important. Je ne me rendais pas du tt compte du danger. ☕️
2/
Ce déploiement de forces et l’air fanfaron du pt officier, tt cela me fit rire, ce qui le vexa. "Votre mari ? — Il n’y est pas. — Il a fait comme les lâches, il s’est sauvé. — Vs comprenez bien qu’il n’allait pas vs attendre." On fouille ds ts les meubles,
3/