Un nouveau papier dans Appetite vient de sortir sur le rôle des éleveurs, leur dilemme moral à tuer leurs animaux, la transition alimentaire en cours et à venir, et la polarisation du débat sur le bien-être animal.
Un papier qui m'a inspiré plusieurs questions.🧵
On assiste aujourd’hui à une transition alimentaire importante, avec une percée de la viande végétale et, dans quelques années, une arrivée de la viande cultivée.
--> La question clef est celle de la reconversion des éleveurs. Quels jobs feront-ils demain ?
Une partie des agriculteurs pourraient produire les matières premières nécessaires à la viande végétale ou pourront prendre part à la production de viande cultivée locale.
Mais cela se prépare, avec une politique économique volontariste.
Le problème est que nous prenons en France le chemin inverse : nous défendons une industrie qui va être bientôt sur le déclin et nous ne nous préparons pas ou mal à moyen terme à cette nouvelle économie.
--> On protège les emplois d'aujourd'hui au détriment de ceux de demain.
2ème point : Les auteurs observent que les individus qui travaillent dans l'industrie de la viande déclarent manger moins de viande que le reste de la population.
Ils observent ce phénomène en Allemagne et en France.
Les auteurs suggèrent que ce résultat vient en partie de ceux/celles qui ne veulent pas déclarer leur régime alimentaire, par peur d'être mal perçus.
--> Dire qu'on ne mange pas de viande quand on travaille dans l'industrie serait mal perçu.
La faible taille de l'échantillon et la stratégie d'identification limitée empêchent de conclure définitivement sur le sujet. Il s'agit plutôt d'hypothèses pour les auteurs.
Dans des focus group (analyses quali), les auteurs s'aperçoivent que les éleveurs mentionnent assez peu le bien-être animal dans leurs considérations.
--> Un éleveur dit que c'est impossible de parler du sujet, ça serait perçu comme une trahison dans le milieu.
Le 3è point important est celui de la polarisation.
Face aux critiques, les éleveurs auraient eu plutôt tendance à se replier plutôt que de transformer leur métier.
Ça expliquerait le retard sur les nouvelles protéines et le tabou dans le milieu à parler de bien-être animal.
On se trouve donc dans une situation difficile : les éleveurs connaissent des situations économiques très précaires et les politiques publiques n'aident pas à la transition. On assiste au contraire à un repli et un tabou sur le bien-être animal, le fruit d'une forte polarisation.
Toutes ces pistes de réflexion ne sont pas tranchées et devront être étudiées davantage avant de tirer des conclusions définitives. [Fin]
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📣 Cette semaine, j'ai préparé des slides qui résument les grands enjeux associés à la consommation de produits d'origine animale (POA).
Je partage ce résumé (à grands traits) de l'impact de la viande sur l'environnement, la santé et le bien-être animal. 🔽
On compte au moins 5 enjeux environnementaux.
Le 1er est l'utilisation des sols. Les POA (viande, fromage, lait) nécessitent une surface agricole bien plus importante que les produits d'origine végétale (POV).
Ceci est vrai rapporté par calorie mais aussi par gramme de protéine.
La disproportion dans l'utilisation des sols entre POA et POV est également vrai en France, qu'il s'agisse d'ailleurs d'agriculture conventionnelle ou bio (chiffres de l'ADEME).
📣 Le rapport de l'@ademe sur l'impact de la viande et de l'alimentation végétale sur l'utilisation des sols et les émissions de gaz à effet de serre est enfin publié.
Petit retour sur les principaux résultats. 🔽 (1/9)
L'étude compare différentes alimentations en fonction de la part de protéines animales (des consommateurs végétaliens aux gros consommateurs de viande ~170g par jour).
Dans l'enquête INCA2, la consommation moyenne d'un Français est de 107g de viande par jour. (2/9)
Résultat 1: Plus on consomme de la viande, plus on a besoin de surfaces agricoles. L'alimentation moyenne d'un Français utilise 3,6 fois + de surfaces agricoles qu'une alim. végétalienne.
Ce qu'on mange (viande/légumes) est moins important que comment c'est produit (bio).(3/9)
Une chose qu'on ignore souvent : l'élevage en France est une industrie très concentrée où une minorité d'exploitations contrôle la grande majorité de la production.
12% des élevages produisent 70% des poules pondeuses.
14% des élevages produisent 65% des porcs. 🔽 (1/6)
Pour les porcs, on observe en effet que 65% des porcs sont élevés dans des exploitations de plus de 2000 animaux.
Cette proportion est en augmentation, car elle n'était que de 50% il y a 10 ans (2011). (2/6)
L'élevage des poules pondeuses est le plus industriel: 70% des poules pondeuses vivent dans des exploitations de 50.000 volailles ou plus (parmi les fermes de + de 1000 poules).
Au contraire, seulement 1% des poules pondeuses vivent dans des fermes de moins de 2.000 poules.(3/6)
Comment nourrir le monde en 2050 sans déforestation (et même en bio) ?
Un article récemment sorti explique que la question des rendements agricoles est moins importante que la question de ce qu'on mange (viande, végétarien, vegan) et confirme des résultats précédents. 🔽 (1/7)
Les auteurs étudient 520 scenarios pour nourrir la planète dans lesquels ils font varier les rendements agricoles, les comportements alimentaires, l'alimentations des animaux, etc.
Parmi ces scenarios, seuls 313 permettent d'éviter la déforestation. (2/7)
Nourrir la planète sans déforestation est possible dans 18% des cas si on garde une alimentation de type occidentale (avec notre consommation de produits d'origine animale) contre 96% et 100% des cas avec une alimentation végétarienne ou végétalienne.
Toute étude scientifique comporte une part d'incertitude.
Ce qui est important pour les décisions publiques c'est de regarder de quel côté penchent les preuves accumulées et ne pas se limiter à quelques contre-exemples.
Sinon, on risque de faire le jeu des marchands de doute.
Toute étude statistique possède en elle la probabilité (même infime) d'arriver à des conclusions erronées car nous pouvons tomber dans le cas statistique "extrême" (qui n'arrive qu'une fois sur 10.000) mais sur lequel on est tombés par manque de chance.
C'est cette incertitude qui fait que nous devons non pas fonder notre connaissance sur une seule étude mais sur un ensemble d'études. C'est là que les méta-analyses sont précieuses.