Vu que certains vocifèrent sur le Conseil constitutionnel, quelques explications sur cette décision (qui ne surprend absolument personne : on savait tous, en la lisant, que cette proposition de loi serait déclarée non conforme, malheureusement mais logiquement).
Cette proposition de loi (PPL) pour l'hôpital public visait à activer les alinéas 3 à 7 de l'article 11 de la Constitution, la (mal-nommée) procédure du RIP, "référendum d'initiative partagée".
Le RIP, c'est plusieurs étapes : 1) un parlementaire dépose une proposition de loi (PPL) avec co-signature d'au moins 1/5ème des membres du Parlement (185 parlementaires quand il est au complet, un peu moins en ce moment)
2) le Conseil constit vérifie que les conditions pour faire un RIP sont réunies, et notamment que la PPL n'est pas contraire à la Constitution
3) l'Etat met une page en ligne pour récolter les soutiens d'1/10ème des électeurs inscrits en 9 mois, soit ~4,5 millions de personnes, ce qui est gigantesque.
(Notez que ce n'est pas ça, le référendum dont il est question dans "RIP")
4) si elles sont réunies, ce qui est quasiment impossible, le Parlement a six mois pour examiner le texte (et le rejeter s'il le veut ce qui éteint la procédure, lol)
5) s'il n'examine pas le texte, ce qui est très improbable, alors seulement la PPL doit être soumise à référendum (et promulguée ensuite si le oui l'emporte)
(D'où mon "procédure mal nommée" : quand l'étape 3 à eu lieu pour le RIP ADP, tout le monde croyait que c'était ça le référendum, alors que c'était juste la collecte des soutiens. C'était le P (initiative partagée) et le non le R (référendum) dans RIP, qui est l'étape 5. Bref.)
Là, c'est à l'étape 2 que ça a bloqué : la PPL n'est pas conforme à la Constitution. On savait tous que ça arriverait, dès le premier jour où on a reçu le texte, pour une raison simple : le texte est trop long. Je m'explique.
L'examen de constitutionnalité dans le cadre d'un RIP n'est pas de la même nature que celui qui a lieu avant la promulgation d'une loi adoptée par le Parlement. Avant la promulgation d'une loi, le CC peut censurer des mots, phrases, alinéas, articles...
Dans le cadre d'un RIP, le Conseil ne peut pas censurer des passages du texte : *tout* le texte doit être conforme à la Constitution. Et je dis bien tout : un seul mot d'inconstitutionnel, et c'est fini.
Autrement dit, plus le texte est bavard, plus il risque l'inconstitutionnalité. Oui c'est nul, mais c'est comme ça. Et ce texte faisait... 11 articles. Il n'y avait qu'à se baisser pour trouver un motif d'inconstitutionnalité. senat.fr/leg/ppl20-737.…
En l'occurrence, le CC en a pris un parmi d'autres, le fait que le texte subordonne l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre à l'avis *conforme* d'une autre autorité.
Sans ce mot, "conforme", le CC aurait eu à trouver un autre motif d'inconstitutionnalité.
Ça n'aurait pas été dur : par exemple le texte créait des charges et était donc article 40, aussi.
Si vous voulez un exemple inverse, le RIP ADP était constitué d'un article unique, extrêmement court. Pour éviter le même sort, justement.
Pourquoi c'est comme ça ? Parce que le CC considère que la volonté du peuple exprimée par référendum est supérieure à celle du constituant : il refuse de censurer un texte, même inconstitutionnel, qui serait adopté par référendum. conseil-constitutionnel.fr/decision/1962/…
Il faut donc contrôler la conformité avant le référendum, sinon c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres, n'importe quel parlementaire pourrait faire adopter un truc inconstitutionnel
(Bon, on notera que pour autant qu'on sache pour l'instant, le président a le droit, lui...)
Ceci étant, on aurait pu imaginer une autre procédure : que le Conseil puisse biffer des parties du texte (et non tout ou rien) avant qu'il ne soit soumis au reste de la procédure et notamment avant le référendum.
Pour ça, il aurait fallu remplacer le 3° de cet article par un truc genre « Il censure toute disposition de la proposition de loi contraire à la Constitution. » legifrance.gouv.fr/loda/article_l…
Mais pour ça, il aurait fallu que Sarkozy et la droite, lorsqu'ils ont créé la procédure du RIP en 2008, l'aient prévue pour être réalisable, et non juste un truc impossible à faire mais qui leur permettait de dire avec malhonnêteté "hey regardez on donne un outil au peuple".
Or ça n'a jamais été le cas. Vous le constaterez en lisant tout ce qu'il y a à dire sur les autres étapes du RIP, que je ne vais pas détailler ici, puisque je l'ai déjà fait là :
Ca va en agacer, mais si le Conseil constitutionnel est bien souvent un contre pouvoir, ce n'est en soi pas sa fonction. Sa fonction, c'est d'exercer les rôles qui lui sont dévolus par la Constitution. C'est tout.
Il y a de nombreuses critiques légitimes à adresser au Conseil constitutionnel. Celle lui reprochant de faire son boulot, et donc lui demandant de piétiner la Constitution avec tous les risques futurs que ça emporte, ne me paraît pas pertinente...
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Tous les associatifs savent qu'ils sont les supplétifs des défaillances de l'État. Avec une rhétorique pareille, toutes les assos peuvent fermer. Je sais pas qui y gagne, mais les perdants sont les détenus. "Tout, sinon rien" c'est vraiment une position d'ultra privilégié.
D'autant que quand on sait que le Genepi était en train de se faire progressivement remplacer par des structures moins politisées (c'est en tout cas ce qu'on m'avait expliqué), ça sonne vraiment comme un abandon de terrain...
J'avais eu l'occasion, il y a longtemps, de discuter avec des génépistes, qui m'avaient exposé leurs hésitations, leurs doutes, quel était le sens de leur action, est-ce qu'ils étaient pas béquilles voire pire, complices de l'État, etcaetera
Bon, le projet de loi crise sanitaire a été adopté, et comme il y a eu pas mal d'aller retours, de modifications, etcaetera, petit résumé de ce qu'elle contient au final (pour de vrai, cette fois) :
Je sais que j’ai fait ces tweets pour la blague hier (et ils restent vrais), mais il y a encore beaucoup de gens qui parlent du licenciement alors que ça a disparu (pour les CDI) ou de dates erronées...
Donc depuis, j’ai changé d’avis : je pense que, même si ce n’est pas définitif, c'est pas mal de dire ce que contient la dernière version du texte, vu le nb de modifications qu'il y a eu, pour dissiper les doutes sur ce qui n'existe plus et dont on peut donc arrêter de parler.
Bon, le projet de loi crise sanitaire a été adopté, et comme il y a eu pas mal d'aller retours, de modifications, etcaetera, petit résumé de ce qu'elle contient au final :
On en sait encore rien, le Conseil constit doit encore rendre sa décision qui pourrait (ou peut être pas) censurer des trucs majeurs, donc ça n'a aucun sens de faire un bilan maintenant alors que c'est pas en vigueur et que ça peut encore changer, attendons sa décision le 5 août.
Merci d'avoir lu ce fil, abonnez vous et donnez de la thune. J'adore la thune.
C'est vrai. Cela dit, je crois qu'il y a 2 différences. 1) les dispositions de l'état d'urgence visent à lutter contre une menace très largement exagérée, pour ne pas dire quasi-inexistante statistiquement parlant (rappel : on meurt plus de violences conjugales que terroristes).
Or il est difficile de faire disparaitre une menace inexistante. Dans ces conditions, quand supprimer les dispositions d'urgence ? Ben... Jamais...
A l'inverse, les dispositions contre la crise sanitaire visent à lutter contre une menace bien plus réelle, elle, dont la disparition sera assez facilement constatable.