Thread by @Gillet_Camille

Un truc me frappe avec les réactions au rapport du #GIEC, et je ne l'ai pas encore vu exprimé.

Et je me demande si c'est parce que j'écris des personnages que ça me saute aux yeux, ou si c'est parce que j'ai +15 en sagesse...

[Rubrique "Mon avis qu'on s'en fout"] ⤵️

Les médias ne sautent pas dessus, ça parle de Messi, etc. Les gens sont pour beaucoup dans le déni, minimisent, rétorquent par "on va avoir un pass vert", car encore "traumatisés" par le sanitaire, et puis il y a aussi celles et ceux qui sont en mode relai catastrophé.

Bizarrement, je perçois une cohérence générale à toutes ces attitudes.

La peur.

La sidération.

La résignation.

C'est absolument terrifiant de s'entendre dire que c'est peu ou prou la fin de notre monde actuel. Qu'on l'aime ou non, d'ailleurs, c'est aussi terrifiant que de

changer de logement ou de relation de couple parce qu'on est soudain en danger. On sort de la zone de confort, pour partir vers les incertitudes.

Mais là, en prime, il n'est pas question de changer de. Il est question de changer de l'intérieur en ayant la certitude que ça va

limiter légèrement l'impact. En d'autres termes, il est question de sauver le plus gros pourcentage de notre espèce.

C'est pas une logique de survie à laquelle la plupart des personnes est habituée. Qui vit autant sur la sellette ?

Se dire qu'on va de toute façon souffrir, moralement, physiquement, qu'on ne sait pas si on va s'en sortir, et qu'une probable mort dans la souffrance nous attend et vie cataclysmique attend nos enfants N'EST PAS anodin.

Ca ne se gère pas émotionnellement en deux minutes.

Ni quand tu es sur Twitter, ni quand tu te saignes déjà pour finir ton mois, ni quand tu es "décideur" et que tu es en pleine pandémie et dépression économique et sociale.

La fin du monde, ça n'a jamais été le truc le plus exaltant, eh.

C'est, par ailleurs, une information difficile à saisir intellectuellement. Sa propre fin semble quasi impossible à acter, alors celle de tout un monde...?!

(M'est avis que c'est dans ces deux optiques qu'a été inventée l'Espérance)

Regardez les réactions qu'il y a eues face au coronavirus. Face à l'idée que :

1) Nous allions vivre avec et que les restrictions et habitudes mises en place seraient définitives
2) Que d'autres virus, de plus en plus mortels, nous tomberaient dessus.

Ca fait +1 an, est-ce que c'est acté ? Est-ce que tout le monde autour de vous a compris l'époque que nous vivions et ce qu'elle réclamait ?

Non. Vous avez des gens qui font la bise à n'importe qui. Qui ne portent pas le masque, qui ne se lavent plus les mains ou antivaxx (...)

Parce que les gens NE PEUVENT se résoudre à l'idée que leur vie, leurs projections enfantines, leurs aspirations, s'effondrent.

Personne ne peut regarder la réalité en face et se dire sereinement "Okay, c'est le début de la fin. J'avais tels et tels projets, c'est terminé"

Personne ne regarde la mort en face, surtout quand elle n'est pas imminente. Quand il s'agit encore d'une menace lointaine.

Ce n'est pas humain le désespoir. Comprenez bien ça.

Les religions n'ont pas été qu'inventées pour contrôler, elles l'ont été pour survivre !

Dieu(x) existe parce que nous avons besoin d'espoir. Besoin de pouvoir surmonter la souffrance en la justifiant et en la récompensant. Nous sommes une race terrifiée par notre fin.

(Je ne dis pas que les autres animaux n'ont pas peur de mourir...

... je dis juste qu'on n'a pas mis en lumière des mécanismes d'acceptation. La mante religieuse mâle continue de s'accoupler en sachant qu'elle se fera bouffer)

Bref, le désespoir n'est pas humain. L'idée d'une fin inéluctable sans solution, sans raison, n'est pas compréhensible

Quant aux élites, vous les pensez différentes de nous ? Elles craignent elles aussi la fin du système, de leurs privilèges, de leurs certitudes. Elles se demandent comment leur argent les protègera, jusqu'à quand.

Et personne n'a envie d'annoncer que c'est la merde. Qu'on sait pas ce qu'on va faire, qu'on est paralysé.

Alors oui, en pleine pandémie mondiale qui est déjà un casse-tête manifeste à gérer psychologiquement pour tout le monde, ça parle de Messi.

J'ai vu passer sur des tweets depuis quelque temps l'analogie avec le Titanic.

Il coule et l'orchestre joue toujours.

Okay, ça fait edgy de dire ça. Mais après, reprenons un peu de sagesse et d'empathie : pourquoi il jouait, au juste ?

Pour rassurer les gens, même s'ils voyaient que le bateau était en train de s'incliner, que les canaux se jetaient à la mer.

Et pour se rassurer eux-mêmes.

Croyez-vous que les artistes vont cesser de créer à la fin du monde ? Que les chants mourront sous les canicules ?

Croyez-vous que les gens n'écouteront plus de mélodie ? Ne se réfugieront pas vers Dieu(x), l'amour de leurs proches, l'Art ou leurs plus beaux souvenirs ?

Nous cherchons et chercherons tous de quoi nous rassurer. De quoi supporter.

C'est plus facile de se noyer sur l'air de "Nearer, My God, to Thee" qu'en entendant les hurlements désespérés des femmes, des enfants et des hommes à vos côtés.

Bref, arrêtez de juger l'absence de réaction. Vous voulez sauver la race humaine ? Soyez deux secondes humains quand vous la regardez découvrir son crépuscule.

[Fin de la rubrique]