Thread by @colinlebedev

OK, je sais que tout le monde s'en fout de ce que dit et écrit Dmitry Medvedev, ancien président et ancien premier ministre de la Fédération de Russie, aujourd'hui marginalisé dans le jeu politique, relégué au poste de chef adjoint du Conseil de sécurité. Mais quand-même... ➡️🧵

➡️ Sa parole, surtout quand elle reçoit la validation du Kremlin (comme dans le cas que je vais évoquer), n'est pas la parole d'un quidam. Elle nous offre des clefs de lecture de la politique russe, et des éléments de culture politique. Après ce teasing, le fond de l'affaire: ➡️

➡️ Hier, Medvedev a publié un article dans Kommersant intitulé "Pourquoi ça n'a aucun sens d'échanger avec le pouvoir ukrainien actuel". Si on résume l'article en gardant son style, ça donne: "Zelenski est un connard de youpin dégénéré et servile qui lèche les pieds des USA" ➡️

➡️ Je laisse de côté les intentions de Medvedev et l'impact géopolitique du papier. Ce qui m'intéresse ici, c'est le registre du dicible et de l'indicible en politique russe. On est clairement dans le domaine du dicible, applaudi par le Kremlin rbc.ru/politics/11/10… ➡️

➡️ Le racisme en est un élément fort. L'identité ethnique est au centre du raisonnement. Zelenski est présenté comme un juif dénaturé et renégat. En le qualifiant de "personne ayant certaines origines ethniques" plutôt que de "Juif", M. adopte une rhétorique antisémite.➡️

➡️ Les deux autres arguments présentés dans l'article sont bien connus: 1. la nature néo-nazie et extrémiste du pouvoir ukrainien et 2. sa soumission aux Etats-Unis qui sont le vrai acteur qui manie le fil de l'Ukraine-marionnette. Rien de très original. Mais... ➡️

➡️... mais ce qui est frappant, c'est la rhétorique. Medvedev pousse à son paroxysme la culture du cash et de l'insulte, au-delà de ce que Poutine se permet par exemple. C'est d'autant plus saisissant venant d'un personnage qui aime se présenter comme occidentalisé et éduqué. ➡️

➡️ Le registre de la grossièreté et des "bas-fonds" est dominant dans le texte, entre le "buter dans les chiottes" de Pou et le niveau lexical d'un Trump. C'est comme ça que doit être un discours politique alors: niveau "juste avant de se casser mutuellement la gueule"? ➡️

➡️ Medvedev veut montrer (et échoue) "qu'il en a". Mais il illustre aussi par ce texte une normalité politique vue depuis la Russie. La violence verbale n'a pas de limites dans le discours diplo. Elle est le pendant de la brutalité des rapports politiques. Est-ce important? ➡️

➡️ Oui. Je trouve assez grave que personne, en Russie comme en France, ne fasse attention à ce que se permet un personnage haut placé de l'Etat russe. Ne pas remarquer cette violence verbale, c'est manquer un élément politique essentiel. La laisser passer, c'est l'accepter.🧵⏹️