La nouvelle bataille à la mode dans l'énergie n'est plus "nucléaire ou renouvelable" mais "hausse ou baisse de consommation". Avec la sortie des scénarios Rte, Negawatt et ADEME nous devrions beaucoup parler énergie donc je vous propose un thread sur la consommation
La base : qu'on regarde l'énergie en primaire, secondaire ou finale, le constat est le même. En France, l'énergie N'EST PAS décarbonée : nous consommons toujours énormément d'énergies fossiles et il faut nous en débarrasser, que ce soit pour le climat ou pour notre indépendance
Pour décarboner donc, il y a 3 leviers : 1) S'interroger sur le bon niveau de consommation (sobriété, ce qui pour beaucoup veut dire moins consommer) 2) Faire plus efficace 3) Utiliser de l'énergie sans CO2
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) prévoit que nous divisions par deux notre consommation d'énergie d'ici 2050. C'est ambitieux mais nécessaire surtout vu tout ce qu'il restera tout de même comme énergie à décarboner malgré cette division par deux (on le verra après)
Dans cette SNBC, une fois l'énergie divisée par deux, il est prévu d'augmenter le recours au vecteur électricité pour passer de ~25% d'énergie finale à ~55% d'énergie finale, soit 475 TWh à 650 TWh (+~35%)
La conclusion à cela est que malgré la division par 2 de la consommation d'énergie, on augmente la consommation (et donc le besoin de production) d'électricité. Si on n'est pas raccord avec cela, il faut soit consommer encore moins d'énergie, soit miser sur d'autres vecteurs
"Miser sur d'autres vecteurs", cela veut dire parier plus que ce qu'il n'est prévu sur le vecteur gaz ou la biomasse. A noter que le gaz est aujourd'hui à 99% fossile. Nous aurons besoin du vecteur gaz en 2050 mais il faudra le décarboner complètement d'ici là (images SNBC)
Les hypothèses de baisse de consommation d'énergie de la SNBC sont plus ou moins raccord avec ce que propose Negawatt, à savoir deux tiers d'économies d'énergie primaire. Toutefois, la SNBC n'a quasiment rien sur la sobriété : quasi tout repose sur l'efficacité énergétique
La raison à cela est simple : la sobriété nécessite de s'interroger sur ses modes de vie et porte un projet politique (au sens noble du terme). La SNBC n'a pas voulu s'y risquer et reste donc évasive sur le sujet. Pour la sobriété, je recommande cet ouvrage de référence
La SNBC a servi d'exercice d'entrée aux scénarios de Rte qui en a fait des variantes sur l'électricité (avec plus d'électricité en cas de réindustrialisation, en cas de révolution hydrogène, non atteinte des objectifs d'efficacité ou moins d'électricité avec la sobriété)
Selon le camp politique et industriel, deux critiques seront faites aux scénarios de Rte : soit trop d'électricité/énergie, soit pas assez. Vous noterez au passage que des variantes sont faites sur le sujet donc on a finalement bien un spectre large. Regardons le message derrière
Reprocher à ces scénarios d'avoir trop d'énergie/électricité, c'est donc soit dire qu'il faut faire plus que diviser par deux la consommation d'énergie, soit miser sur d'autres vecteurs d'énergie que l'électricité, comme le gaz ou la biomasse. Selon moi, c'est risqué...
C'est risqué car le vecteur gaz n'est pas décarboné à date ! Se dire qu'il faut moins d'électricité (décarbonée à date) au profit du gaz (carboné à date), c'est selon moi un pari risqué. Idem pour la biomasse dont un recours trop fort engendrerait trop de déforestation
A l'autre bout de l'échiquier, chez PNC France ou certains industriels, on prône un recours accru à l'électricité, principalement parce qu'on ne croit pas à une division par deux de la consommation d'énergie. C'est également très risqué vu le défi sur la production...
Car même en divisant par deux la consommation d'énergie, l'objectif de déploiement de moyens de production est colossal ! Se dire qu'il faut plus d'électricité car on n'arriverait pas à consommer moins d'énergie, c'est mettre un défi de plus sur les moyens de production d'élec
Enfin, ce n'est pas un hasard si ceux qui prônent une baisse de recours à l'électricité sont hostiles au nucléaire et ceux qui prônent une hausse y sont favorables. Pourrait-on faire sobre avec du nucléaire? Selon moi, ce sera nécessaire, même si on fait le choix de l'atome
Nécessaire car atteindre la neutralité carbone en 2050 est un défi immense, selon moi non négociable vu l'urgence climatique. Le nucléaire ne dispensera pas d'économies d'énergies vu les rythmes de déploiement EnR/nucléaire nécessaires (même en divisant par 2 la conso d'nrj)
Il y a par ailleurs un défi social dans les économies d'énergie : que se chauffer ou se déplacer soit si cher car nous avons échoué sur l'efficacité et la sobriété, c'est socialement explosif. D'où le caractère politique d'une politique énergétique
Ce qui est reproché au marché est qu’il n’incite pas aux investissements long terme et qu’en cela, il provoque des yoyos intenables sur les prix qui ne sont une conséquence de ses manques. C’est fallacieux de l’oublier
Attention, il ne faut jeter le bébé avec l’eau du bain : le marché 🇪🇺 a de multiples vertus (éviter les surdimensionnement, casser des situations de rente…). Mais le marché ne peut pas tout : l’exercice de planification et le long terme sont indispensables
Je partage cette tribune d’universitaires reconnus sur le marché. Il faut s’interroger sur les manques pour donner les bons signaux d’investissement, pour les prix comme pour le climat. C’est ce qu’on appelle une POLITIQUE énergétique et industrielle lemonde.fr/idees/article/…
1) L’🇩🇪 est un pays largement exportateur d’électricité. Pour les énergies fossiles, elle les importe comme la 🇫🇷 2) Les industriels 🇩🇪 ont accès à une élec de marché moins chère qu’en 🇫🇷. Ce sont les particuliers et petites entreprises qui payent bcp de taxes
Pour le 2), les interconnexions 🇫🇷 - 🇩🇪 font que le spread n’est pas énorme.
Il faut bien voir que ce qu’a fait l’Allemagne, c’est un modèle industriel, où l’électricité est chère mais finance les industries lourdes, ce qui leur permet de les protéger
Enfin, rappelons que le système énergétique allemand est relativement neuf. Chez nous aussi il faudra le rénover et réinvestir pour le climat : nucléaire ou pas, ça risque de piquer
J'ai lu pour vous le retour d'expérience sur le mécanisme de capacité français. De 2017 à 2021, nous avons désormais un cycle complet permettant de voir comment le mécanisme pourrait être amélioré. Quelques points que je retiens #Thread services-rte.com/files/live/sit…
Rappelons déjà dans quel contexte ce mécanisme a été mis en œuvre. Au milieu des années 2010, de nombreuses centrales pilotables au gaz ferment car elles n'entrent plus dans leurs frais et ne fonctionnent qu'un faible nombre de jours par an usinenouvelle.com/article/gdf-su…
La raison à cela? L'éolien et le solaire sont prioritaires sur le réseau. Les centrales à gaz n'avaient qu'un faible nbre d'heures de fonctionnement dans ce marché surcapacitaires. Nbre d'entre elles ont été fermées ou mise sous cocon (125 GW en Europe !!) usinenouvelle.com/article/gaz-da…
10 000 abonnés ! Merci à tous ceux qui me suivent et me recommandent ! L’énergie et le climat sont des sujets essentiels. Les comprendre et voir toutes les ramifications avec les autres disciplines, c’est faire un pas de plus vers l’action
Pour tous ceux qui viennent de nous rejoindre ici, je poste cette super vidéo faites chez @Regards_fr pour vous donner une idée du type de contenu que je peux proposer ici
Je fais aussi des threads explicatifs sur des rapports intéressants. Exemple, ici, vous trouverez ma lecture du rapport chauffage Rte/ADEME pour gérer les émissions de CO2 des bâtiments. Il y a aussi les threads véhicules électriques et hydrogène à la fin
Gel des prix de l'énergie. L'énergie, c'est toujours très compliqué donc pas simple de savoir de quoi il s'agit... Je vous fais un thread rapide pour comprendre les hausses de prix et ce que "gel" des tarifs veut dire. #ThreadAdérouler
Déjà, pourquoi les prix de l'énergie augmentent. Quelques points :
1) Les prix du CO2 qui augmentent en Europe sous l'impulsion des politiques climatiques 2) Reprise mondiale de la consommation 3) Des prix de l'électricité indexés sur la dernière centrale appelée (gaz)
Pourquoi les prix de l'électricité sont indexés sur la dernière centrale appelée?
Habituellement avec les matières premières, quand la demande excède l'offre, les prix montent et seuls ceux qui payent le plus cher sont servis. Les autres rentrent bredouille
Il y a 5 ans, les prix de gros d’électricité s’étaient effondrés à 27 €/MWh. On parlait de surcapacités et tous les producteurs ont trinqué (EDF comme les autres)
Là, ces prix sont à plus de 100 €/MWh. Ce yoyo sur un bien de 1ère nécessité n’est tenable pour personne
Que faire? En 🇫🇷 , on parle de chèque énergie, plafond ARENH ou baisse de fiscalité… mais le sujet est européen et appelle donc une réponse à grande échelle. Les mesures palliatives pour contenir les conséquences seront insuffisantes : c’est bien à la cause qu’il faut remonter
Il reste encore trop de production carbonée sur le réseau européen : plus de 35% de gaz et de charbon. L’éolien représente 14% de la production : c’est bien mais on commence à voir que cela peut jouer des tours quand il y a peu de vent en Europe. Le foisonnement n’est que partiel