JEAN FOCHIVÉ
#Cameroun #Cameroon
Réminiscence indélébile d’un personnage controversé

Décédé en 1997, la mémoire de Jean Fochivé reste indélébile et son œuvre admirable dans sa communauté d’origine malgré la controverse qui entoure sa personnalité.
L’évocation du nom « Fochivé » suscite nostalgie et regrets dans la communautés du Noun dont il était originaire. Paradoxalement, l’image de « tortionnaire » que lui collent certains de ses pourfendeurs rompt complètement avec la réputation d’homme bienfaisant
que jouit Jean Fochivé dans son Noun natal, 18 ans après sa disparition. Dans une communauté aux égocentrismes et égoïsmes exacerbés, le souvenir de cet illustre disparu refait constamment surface.
On passe et repasse en revue à longueur de journée ses actions de bienfaisance dans ce
département.
rajectoire exceptionnelle

C’est en 1932 à Foumban que Jean Fochivé Fewou né Aboudou karimFochivé Fewou voit le jour. Après avoir cumulé quelques connaissances à l’école occidentale, il succombe au charme de la police nationale. Il sert avec exemplarité plusieurs villes du pays
(Dschang, Bafang, Nkongsamba, Douala etc). En 1959, au cours d’une formation à Dakar au Sénégal, il sort major de sa promotion. De retour au berceau de ses ancêtres, Jean Fochivé est nommé commissaire central dans la bouillante et redoutable ville de Douala,
cumulativement avec ses fonctions à la préfectorale du Wouri et de régisseur de prison. Il obtiendra à ces niveaux de responsabilité des résultats spectaculaires et remarquables. En 1961, on lui confie la conduite du Bureau d’Etudes et de Documentation (BEDOC) rattaché
à la présidence de la République. Ce bureau dont il assure la direction sera plus tard baptisé Centre d’Etude National et de la Recherche (CENER). Après la démission du président Ahidjo du magistère suprême le 06 Novembre 1982,
« Nganjù » est débarqué des affaires pour cause de retraite et se retire dans son département d’origine où il se lance à l’exploitation de son ranch agricole à Foumbot.1984 à 1989 sera pour lui une longue traversée du désert.
Il reviendra aux affaires en force en 1989 à la faveur de la main à lui tendue par le président Paul Biya. Ce retour en grâce au gouvernement s’opère en 1989 avec sa nomination comme directeur du CENER, poste qu’il cumule en 1991 avec celui de Délégué Général à la
Sureté Nationale. Ses bons et loyaux services vont lui valoir sa nomination au prestigieux poste de Secrétaire d’Etat à la Sécurité Intérieure. Fonction qu’il s’est bien appropriée jusqu’en 1996, soit un an avant sa mort survenue dans la nuit du
11 au 12 avril 1997.
Une vie controversée

Chrétien pratiquant, « JF » était fidèle de l’Eglise Evangélique du Cameroun et auteur de plusieurs actes indélébiles en faveur de sa communauté d’origine et des fils et filles du Noun. Sa popularité reste intacte dans le Noun et
son souvenir gravé dans la mémoire collective, souvenir entre autre matérialisé par de nombreux homonymes. Beaucoup de jeunes lui doivent leur ascension sociale. Ses largesses, son hospitalité, son sens de biens communs et sa fidélité aux institutions républicaines l’ont inscrit
au panthéon des immortels. Les souvenirs dithyrambiques et laudatifs qui accompagnent la mémoire de Jean Fochivé dans son Noun natal, contrastent fortement avec les avis de certains camerounais au sujet de cette personnalité. L’évocation de son nom suscite des frissons.
Pour Obambé Mboundze Gakosso, auteur de l’ouvrage intitulé Fochivé ou l’amour de l’esclave pour son maître (la France), « Cet homme qui entra dans les arcanes sécuritaires de l’enclos colonial Camerounais autour de ses 20 ans, a, sa vie professionnelle durant,
été associé aux mots « terreur », « tortures », « assassinats », « répression » ». Il conclut son raisonnement en estimant que Jean Fochivé avait servi avec « servilité (envers le pouvoir) et une cruauté extraordinaire envers les
camerounais ».
Fréderic Fenkam, qui se réclame d’être un des confidents de l’illustre disparu, dans son fameux ouvrage intitulé :les révélations de Jean Fochivé estime que « Dans l’imaginaire collectif camerounais, le nom de cet homme évoquera à jamais les épisodes les plus tragiques de
l’histoire politique du Cameroun indépendant. Homme controversé, Jean Fochivé est resté pendant 23 ans, un mystérieux personnage au visage inconnu dont les compatriotes avaient peur de prononcer le nom. Ce n’est qu’en août 1984, lorsqu’il part du CENER,
balayé par la nouvelle équipe gouvernante qui s’était alors attachée à la purge des "Ahidjoîstes", que la presse nationale déclenchera une véritable explosion des rancœurs accumulées. Elle lui attribue un nombre impressionnant d’exactions.
Fochivé se retrouve en première ligne de la répression post-coloniale et son nom devient synonyme de terreur. Affublé des sobriquets les plus péjoratifs, il sera désigné comme le commanditaire des opérations telles : l’incendie du célèbre marché Congo de Douala,
la tragédie du train de la mort, l’assassinat de Félix Moumie, l’arrestation et la condamnation à mort de Mgr Albert Ndongmo et d’Ernest Ouandié. Imperturbable, Jean Fochivé, face à toutes ces accusations gardait un silence méprisant, affirmant qu’il défendait l’Etat et
les institutions républicaines ». Selon le même auteur, face à ces accusations qui l’accablaient, jean Fochivé répondit un jour : "Les actes devraient se juger selon les époques et les circonstances dans lesquelles ils ont été posés".
Et d’ajouter que "Les hommes de l’ombre que nous sommes devons avouer être les véritable bâtisseurs des petits tyrans qui ont mis l’Afrique dans l’état où elle est.
Nous avons étudié, pensé et agi pour garder à la tête de nos jeunes Etats, des hommes qui n’ont aucune aptitude à diriger d’autres..."
Quel que soit le prisme sous lequel on prendrait la vie de Jean Fochivé, il ya lieu de noter qu’il reste et demeure un personnage atypique qui a marqué les 50 dernières années au Cameroun.

Bruno Césaire Njoya
LGN

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