Bon pendant que j'attends une thrombolyse qui visiblement ne viendra jamais (mais je suis sympa, j'attends jusqu'à la 4e heure 30), je lis plein de trucs sur COMMENT RÉFORMER NOTRE SUPER SYSTÈME HOSPITALIERS (que bien entendu tout le monde aime tant qu'il s'agit pas de payer).
Et de façon fort peut surprenante, toutes les solutions proposées consistent à déplacer un curseur imaginaire, sur une ligne qui l'est tout autant, allant de "plus de pognon" à "une meilleure gouvernance".
La partie "plus de pognon" tout le monde la connait.
La partie "meilleure gouvernance" un peu moins, mais en gros c'est toujours le même combo : plus de pouvoir de décision aux équipes de terrain et moins de paperasse inutile.
Mais personne (ou plutôt pas grand monde) ne s'interroge sur la pertinence de l'organisation générale de notre système hospitaliers.
Alors qu'elle date de plus de 60 ans, époque où il n'y avait rien de ce qui fait 90% de la vie quotidienne de 90% des gens.
Notre système est assez simple.
On a des petits hôpitaux un peu partout, des moyens hôpitaux dans chaque département, des gros hôpitaux dans chaque région, et trois cas particuliers à Paris Lyon et Marseille.
Et plus un hôpital est gros, plus il a des moyens matériels (un plateau technique) et une diversité de compétences importantes.
Mais quelle que soit sa taille, chaque hôpital est aussi l'hôpital de proximité de son territoire. Un peu comme les écoles avec la carte scolaire.
Tout ça est très logique... Pour quelqu'un qui vit dans les années 60 où les traitements sont rares, les connaissances médicales de base universelles, et la transmission des savoirs difficile.
Chacun de ces trois points est essentiel pour comprendre l'organisation des hôpitaux.
1/ les traitements rares signifie que dans ce model, on part du principe, qu'avec un dizaine de molécules on couvre la majorité des besoins hospitaliers. Antalgique, Antibiotique, anti-inflammatoires, diurétique, insuline... Avec ça on est supposé être autonomes partout.
2/ les savoirs médicaux de base sont universels. Que vous voyez un chirurgien, un médecin ou un psychiatre, tout le monde sait faire un diagnostic de base (fracture, hypertension, infarctus, diabète...) et tout le monde sait prescrire un des rares traitements disponibles.
3/ la transmission des savoirs difficile. Dans les années 60, on la communication la plus rapide est le téléphone fixe. Et c'est payant. Sinon y'a la poste. Et quelques bibliothèques universitaires.
Un médecin qui veut avoir un avis sur un traitement particulier, ne va pas se taper une biblio en commandant 15 livres dans une bibliothèque, ni demander au spécialiste (au singulier) de la question, une conférence téléphonique. Il se débrouille comme il peut.
Nous sommes 60 ans plus tard.
La pharmacopée a explosé et de nombreux traitements hospitaliers ne sont utilisables que par certains spécialistes (en neuro on n'a presque que ça)
La médecine de base est très peu enseignée parce que le savoir spécialisé a explosé. Pour vous donner une idée, il y'a des trucs neuro auxquels je ne comprends rien et que je confie à des collègues neuro, alors la prise en charge de l'HTA si vous voulez c'est pas trop mon truc.
Et l'accès à l'information est universel. Depuis mon téléphone dans gîte en Corrèze j'ai accès à à peu près tout ce que je peux imaginer, encore faut-il que je sache quoi chercher (ce qui est différent de où chercher).
Qu'est-ce que ça change à notre système de soins hospitaliers ?
On pourrait dire...tout.
Plus aucun hôpital n'a la taille critique pour s'occuper de toutes les pathologies avec le maximum de chances pour les patients.
C'est vrai pour les petits hôpitaux, qui se contentent d'assurer la survie avant transfert ou la fin de vie en l'absence de transfert....
Mais c'est aussi vrai pour les établissements de l'APHP. Aujourd'hui en neurologie, selon votre problème neurologique, là où vous seriez le mieux pris en charge sera Lyon, ou Bordeaux, ou Nantes, ou Lille ou...
Et comme évidemment ces services ne peuvent pas accueillir toutes les personnes qui en France ont besoin d'eux, ils sont sollicités par tous les autres hôpitaux (ça fait toujours drôle aux patients parisiens hospitalisés à la Salpêtrière qu'on va demander un avis à Montpellier).
Et là j'oublie volontier le fait que dans certaines situations, les dossiers sont discutés avec des gens de Milan, Berlin où Stockholm, y compris pour la sclérose en plaque de madame Martin qui habite à Guéret dans la Creuse.
Pourtant notre système ne change pas.
Madame Martin qui habite à Guéret dans la Creuse pense que parce qu'il existe un hôpital à Guéret, elle est n'est pas loin d'un hôpital qui pourra l'aider si besoin.
Ce qui est faux. Elle sera sûrement très bien prise en charge (je connais pas Guéret, j'ai aucun conflit d'intérêt) pour peut être son infarctus, mais en cas de parkinson elle devra aller à Limoges. Et si elle a une forme atypique peut-être devra-t-elle aller à Lyon.
Ou pas. Parce que rien ne dit que par hasard un jour un neurologue qui s'intéresse au Parkinson ne s'installe dans cet hôpital. Ce qui sera super pour Mme Martin si elle a un parkinson, mais incompréhensible pour Mme Renaud, qui devra toujours aller à Limoges en cas d'AVC.
Et ce qui est vrai à Guéret est vrai à Paris, boulevard de l'Hôpital, en face de la Salpêtrière, si Mme Dupond qui a une SEP, traverse la rue pour se faire hospitaliser dans un des excellents services de l'APHP spécialisé dans la SEP, au cas où elle serait également diabétique.
Parce que chaque hôpital étant hôpital de proximité de son territoire ET avec des services utra spécialisé, il est probable que personne sache qui faire de son diabète.
En gros pour celui-ci il est possible que Mme Dupond ait été mieux prise en charge à Guéret...dans la Creuse.
Bref l'organisation actuelle des hôpitaux ne correspond à plus grand chose en terme d'adéquation de l'offre par rapport aux besoins, de hiérarchie de compétences, et de logique des soins.
Et donc à part quelques sénateurs alcoolisés et maires démagogues, plus personne ne croit au système actuel (et j'oubliais quelques débiles sur Twitter qui pensent qu'une maternité sans médecins, sans sages-femmes, sans pédiatre et avec trois accouchements/an est un lieu sûr).
Du coup là vous vous dîtes, bah si il est si malin, il a sans doute une solution !?
Bah non.
Non pas qu'il n'y ait pas de solution, mais parce qu'avant d'évoquer les solutions, il faudrait déjà éduquer les gens. Et ça c'est quasiment impossible.
Qui veut entendre qu'il n'est pas possible d'avoir à côté de chez soi, même à Paris, les meilleurs soins possibles et imaginables, ni d'ailleurs que ceux-ci ne sont pas toujours nécessaires (tout le monde n'a pas besoin d'une IRM pour le moindre mal de dos).
Qui veut entendre que tout le pognon du monde ne changera rien au fait que plus la médecine se développe, plus les médecins se spécialisent, et plus il en faut pour une population donné identique, puisque chaque médecin est de moins en moins universel.
Et ceux qui pensent que la médecine gé peut faire le relais se trompent tout autant. En dehors du fait qu'il y a de moins en moins de MG, en 2021 on me demande encore à quel dose on doit prescrire l'aspirine après un AVC (depuis 1960 ça n'a pas changé c'est 160mg de KARDEGIC).
Donc il faudra s'habituer à soit se déplacer loin de chez soi même pour des pathologies fréquentes et bénigne ET admettre que de facto, il va y avoir une médecine à plusieurs vitesses selon la chance géographique
OU
Réformer l'organisation des hôpitaux, avec des services polyvalents bien plus nombreux, et des services ultra spécialisés disséminés partout sur le territoire (peu importe où) suffisamment staffés en médecins pour pouvoir donner des avis à distance à tous ceux qui en ont besoin.
Bon la thrombolyse est toujours pas là et le délais est dépassé.
UPDATE 1 : il y a effectivement des médecins extrêmement compétant dans les cliniques privées, parfois bien plus que certaines pathologies que leur collègue de l'hôpital d'en face. Mais ça ne change rien au problème, ils n'ont pas plus un savoir universel que les autres.
UPDATE 2 : la médecine générale n'est pas la somme des savoirs de toutes les autres spécialités, mais là spécialité capable de coordonner les soins et suivre les patients dans le temps.
Encore faut-il avoir quelque chose à coordonner.
UPDATE 3 : en 2021 les meilleurs spécialistes ne sont pas universitaire et les meilleurs universitaire ne sont pas forcément des cliniciens. Pour ceux qui en doutent je rappelle que Péronne ou Raoult sont PUPH.
UPDATE 4 (ça vous fait réagir dites-donc) toutes les souffrances sont acceptables tant qu'elles ne nous concernent pas nous personnellement. Ceux qui disent pouvoir se satisfaire de peu sont les premiers à gueuler pour avoir la dernière molécule miracle d'un professeur imaginaire
UPDATE 5 : tout à fait. Plus personne n'évalue la glycémie en goûtant les urines au lit du patient (ça se faisait encore dans les année 50). Et je pense que que la qualité des examens biologiques y ait perdu quoi que ce soit
UPDATE 6 (Oui il manque plein de S et de é mais vous allez survivre)
NON ce n'est pas une façon de dire qu'on pourra éviter un renchérissement de la médecine.
Qui sera important là encore quelle que soit la solution retenue. Parce que là encore....
...tout le monde veut faire des économies.... jusqu'au jour où en tombant malade, tout le monde est prêt à vendre conjoint, animaux de compagnie et gosses pour avoir le meilleur avis et le meilleur exam complémentaire.
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Mais il existe en France des médecins généralistes dans certains syndicats qui son encore meilleurs que lui, meilleur que moi, et bien évidemment que tous les kinés réunis.
Ces médecins qui ne connaissent ni la neuro, ni la rééducation, ni la kinésithérapie savent mieux que tout le monde de quel type de kiné les patients neurologiques ont besoin en rééducation.
Si.
Ils sont groupés dans des syndicats comme @MGFGrandest.
Comment passer du risotto aux stratégies des femmes au foyer italiennes des Pouilles dans les années 50 pour avoir un peu de temps.
Ou la recette de risotto de Mme X.
Aujourd'hui j'ai vu en consultation Mme X, qui a vécu presque toute sa vie dans les Pouilles avant de venir finir ses jours en France auprès de sa fille.
Mme X est en super forme malgré un AVC dont elle garde une séquelle motrice.
On discute, et de fil en aiguille elle me dit que le plus pénible est de ne plus pouvoir cuisiner. Et en particulier de ne plus pouvoir préparer SON risotto.
- voir un patient maire
- lui annoncer que je ne pourrais pas le revoir sauf urgence
- l'entendre dire qu'il n'a plus de MG traitant
- lui montrer la démographie des MG avec retraite de 50% d'entre eux en 5 ans
- le voir comprendre qu'il est pas au fond mais au bord du précipice.
C'est pour ça que les débats sur le généraliste comme filtre, comme gestionnaire de dossier ou comme coordinateur de soins, sont dépassés. La question va être de comment organiser le sauve-qui-peut pendant le 10-15 prochaines années.
Je ne sais pas comment cela va se passer, mais je suis sûr d'une chose : face à l'ampleur du phénomène, ni l'état, ni les syndicats, ne pourront éviter une dérégulation massive où ceux qui n'ont pas les moyens de payer (cher) et de se déplacer (loin) pour leurs soins, vont perdre
mardi matin par ex, un interne de chir qui sait pas reconnaître un AVC, va tenter de contacter un interne de neuro qui connait pas le logiciel de prescription, pour lui demander comment obtenir un scanner par l'Interne de radio qui n'a pas de badge pour entrer dans son service.
Des témoignages comme celui-ci il y'en a beaucoup. Pas dans dans tous les départements d'enseignement de médecine générale, mais suffisamment pour qu'on ne puisse pas parler de cas isolé.
Voici une des explications concernant deux DMG de deux facs de province différentes, ne souffrant pas des guerres entre fac parisiennes, ni contaminées par les délires pédagogiques de Créteil.
Les deux se sont retrouvées un jour, comme toutes les autres, avec la nécessité de créer ex-nihilo toute la structure universitaire pédagogique pour encadrer des centaines d'étudiants
Ici les termes sont importants. Ex-nihilo n'est pas une image et centaines d'étudiants non plus