Thread by @russeurope

I.Petit #fil (ou #thread) sur la mort de Mikhail Sergueevitch #Gorbatchev . Il fut l’un des acteurs les plus décisifs de ces trente dernières années. Je l’ai (un peu) connu et surtout très bien connu certains de ses conseillers.

II.Je venais de terminer ma thèse d’Etat (1985) sur les cycles d’investissement en URSS publiée en 1989 : Les fluctuations économiques en URSS - 1941-1985, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.

III.Je suivais aussi de près aussi les questions militaires, comme en témoigne mes travaux au CIRPES et mon ouvrage : Le système militaire soviétique, La Découverte, Paris, 1988, qui reçut d’ailleurs le Prix Castex en 1988.

IV.#Gorbatchev n’est pas arrivé au pouvoir par hasard. Il fut poussé par Andropov quand celui-ci réalisa que sa maladie l’empêcherait de mener à bien ce qu’il s’était assigné comme tâche.

V.Quand #Gorbatchev succède à Tchernienko, l’URSS est en état critique. La croissance a quasiment disparu depuis la fin des années 1970 (en stat corrigées) et des tensions sociales graves menacent le pays.

VI.L’économie a un grave problème de productivité et de « désincitation » au travail tant pour des raisons administratives que pour des raisons de manque de système d’incitations.

VII.L’objectif initial de Gorbatchev est d’emblée de réformer en profondeur le système soviétique. C’est l’idée de « PERESTROIKA », littéralement « reconstruire depuis les fondations ».

VIII.Mais, il est confronté à la catastrophe de Tchernobyl. Il comprend alors que sans libre circulation des informations le gouvernement restera prisonnier des administrations qui procèdent à la rétention systématique de ces informations.

IX.C’est l’idée de la « GLASNOST’ », qui signifie transparence et non démocratie. #Gorbatchev , à l’époque (1986) veut une société où l’information circule librement mais ne conçoit pas encore la démocratie politique.

X.Enfin, et l’on oublie toujours cette idée qui fut à l’époque essentielle : il faut relancer la croissance si l’on veut éviter les tensions sociales explosives. C’est l’idée de « UZKORENIE » ou accélération.

XI.Les trois principales idées de Gorbatchev sont là. Elles dessinent une URSS rénovée, plus efficiente et avec une liberté de débats. En fait, Gorbatchev regarde vers la Chine au départ.

XII.Pour réussir cette transformation, il lui faut du calme à l’extérieur. C’est pourquoi il recherche un apaisement avec l’occident : retrait d’Afghanistan, accords avec les USA, discours sur la « maison commune »…

XIII.Il reconnait très vite les erreurs du système soviétique en Europe orientale et organise progressivement le repli de l’URSS hors des pays du Pacte de Varsovie.

XIV. Mais #Gorbatchev ne comprend pas deux choses : on ne peut réaliser l’UZKORENIE dans le cadre du système soviétique existant. Les investissements qu’il ordonne ont peu d’efficacité et sont inflationnistes.

XV.Seule, une conversion rapide de l’industrie militaire pourrait permettre l’UZKORENIE mais elle est la proie de luttes de pouvoir et peu disposée à la KONVERSYIA.

XVI.Ensuite, la PERESTROIKA implique en fait une démocratisation de la société, et celle-ci implique la fin du système de parti unique. Or, il ne se rendra que trop tardivement à cette évidence.

XVII.Il est par ailleurs obligé de combattre sur 2 fronts : contre les « conservateurs » mais aussi contre les « libéraux » qui ne pensent qu’au système occidental.

XVIII.C’est pourquoi il donna à la dimension politique la priorité (ce qui était justifié) pensant que « l’accélération » au sein d’un système « soviétique » serait économiquement suffisante (ce qui était une erreur).

XIX.Un des grands problèmes de l’époque, par ailleurs, a été la capture du mouvement réformateur par les fils des hauts nomenklaturistes qui ne pensaient qu’à imiter le système occidental et à faire de l’argent, beaucoup d’argent…

XX.Gorbatchev dût donc lutter sur deux fronts pour conserver le pouvoir. Eltsine, en s’alliant avec les « libéraux » et en faisant de la surenchère induisit une dynamique incontrôlable de crise de l’État. Cette crise fit boule de neige.

XXI.Elle entraîna de nouvelles surenchères tandis que la crise de l’État condamna les (timides) réformes économiques entreprises alors.

XXII. #Gorbatchev fut alors trahi par ses propres qualités. Très bon esprit analytique, il a, cependant, du mal à se décider. Quand il le fait, il est souvent brutal mais aussi inconstant dans ses méthodes comme dans ses objectifs.

XXIII.Il se révèle comme un bon analyste mais un piètre chef d’Etat, largement dépassé par la situation qu’il doit affronter.

XXIV.Ainsi, il est inutilement brutal dans les pays baltes, mais il tolère de Eltsine l’intolérable, soit la remise en cause de la légitimité de l’État. Ses fluctuations de politiques entachent sa crédibilité interne.

XXV.Le large succès du référendum sur la réforme de l’URSS en juin 1991 ne fut pas exploité alors qu’il aurait fallu agir immédiatement. La tentative de coup d’État des conservateurs d’août 1991 fut le coup final.

XXVI.Au total, #Gorbatchev n’est pas responsable de la catastrophe économique qui suivit sous Elstine, qui en porte, avec Gaïdar et Tchoubays, la responsabilité. Les occidentaux alors agirent comme des vautours.

XXVII.On trouvera un bilan de cette période dans le livre collectif La Transition Russe, Vingt Ans Après, (rédigé avec V. Ivanter, D. Kuvalin et A. Nekipelov), Éditions des Syrtes, Paris-Genève, 2012.

XXVIII.Il se retira de la vie politique après sa démission de décembre 1991 et l’éclatement de l’URSS tout en indiquant que cette dernière pourrait avoir de tragiques conséquences.

XXIX.Le chaos de la « transition de Eltsine » menaçait jusqu’à l’existence même de la Russie. J’en ai rendu compte dans mon ouvrage Le Chaos Russe, La Découverte, Paris, 1996.

XXX.Il faut noter qu’il fut un opposant résolu à Eltsine et qu’il apporta son soutien régulièrement à Poutine après avoir publiquement soutenu E. Primakov après la crise financière d’août 1998.

XXXI.Il devint très critique des occidentaux qu’il estimait l’avoir trompé et il dénonça régulièrement les projets d’extension de l’OTAN et les actions unilatérales de cette alliance au Kosovo et ailleurs.

XXXII.Il restera l’homme qui a – parfois à son corps défendant – apporté une forme de démocratisation de la société.