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Faïza Zerouala @faizaz
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Fun fact (non). Le livre de Davet / Lhomme et les cinq étudiants, dont le nom ne figure pas sur la couverture car euh bon, est en rupture de stock car bizarrement il se vend. J’ai donc dépensé 14, 99 euros sur iTunes pour cette enquête Spotlight. Le vrai journalisme ça se paye.
Pour le moment, après 80 pages de lecture, on a vraiment le sentiment de lire l’adaptation d’un Enquête exclusive. Rien de neuf. Les intervenants du livre n’ont rien de neuf, on a déjà entendu toutes ces histoires. Rien que le choix des personnages témoigne d’une paressse.
Par exemple, la directrice d’école Véronique Decker, que j’aime beaucoup par ailleurs, a déjà raconté dans deux livres son travail. La gynécologue Ghada Hatem est apparue dans cent reportages. Les syndicalistes sont les personnes les plus simples à joindre et faire parler.
Davet et Lhomme promettent qu’ils pratiquent un journalisme de faits. Rien que les faits. Ça donne, pour suggérer au lecteur une islamisation insidieuse, cette phrase : « Nous levons les yeux, imaginant presque la silhouette d’un muezzin ». Phrase inutile mais bon faut vendre 🤷🏻‍♀️
En revanche, il faut bien souligner que les étudiants ont mis le doigt sur une réalité et un mystère. Pourquoi tous les anniversaires dans les familles d’origine maghrébine se fêtent-il autour d’un fraisier ? D’où vient cette passion pour ce gâteau ?
Il y a des imprécisions grotesques d’une page à l’autre. On apprend par exemple que le halal est une mode et que ce n’est pas obligatoire (ils ont lu un Coran alternatif à mon avis). Et que seuls le porc, le sang et l’alcool sont proscrits.
Autre signe de méconnaissance profonde de l’islam. Dans une librairie, l’un des auteurs rencontre une femme voilée intégralement. « Qui ne fréquente pas la mosquée mais affirme... » En islam, les femmes ne sont pas du tout obligées de fréquenter la mosquée, au contraire.
Ils semblent remettre en cause sa pratique de l’islam et la réalité de sa foi, or ce sont eux qui se trompent. Des exemples comme cela il y en a plein dans ce livre. Par ailleurs, tout est suggéré pour montrer que chaque histoire relève d’un scandale scandaleux.
Je fais une parenthèse sur le style mais mon Dieu (dans le respect de la laïcité je vous jure) que c’est mal écrit et cucul. Exemple avec Véronique Decker.
Par ailleurs, je connais Véronique Decker pour l’avoir interviewée plusieurs fois. Elle explique en préambule à chaque fois que « l’islam n’est pas l’alpha et l’oméga » dans son école et que les familles sont surtout pauvres.
Le chapitre qui lui est consacré est une enfilade d’anecdotes dont on ne sait pas quand est-ce qu’elles se sont produites. L’accumulation fait peur en effet. Même moi, là je me dis que les musulmans nous envahissent. (Oui je suis vraiment prise dans ma lecture).
Parenthèse : Si vous voulez écouter Véronique Decker dire plein de choses passionnantes ça se passe ici sur le Mediapart live (post sponsorisé j’avoue).
Bon, je vais faire une @napilicaio et interrompre ce fil en plein milieu. J’essaie de finir le livre ce soir ou demain promis. Car les bonnes choses se savourent lentement, je ne veux pas être trop éblouie par ce journalisme révolutionnaire trop vite.
Je reprends. Ce passage sur Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny est assez révélateur. Elle tempère les propos sur l’islamisation mais derrière une couche est remise. Les anecdotes sont imprécises donc on ne sait que penser.
On enchaine sur la viande halal. Le fait que les parents veulent que leurs enfants ne mangent pas de la viande non abattue rituellement est vu comme un signe d’islamisation. Alors que bon ce n’est pas dingo comme exigence.
Vient le passage sur la RATP et les chauffeurs islamistes. On rappelle que l’un des kamikazes du Bataclan, Samy Aminour était chauffeur de bus. Le fourbe portait une « timide barbichette ». Personne n’a été surpris qu’un terroriste vienne du dépôt de Pavillons-sous-Bois.
Désormais lorsque vous verrez une bouteille d’eau aux toilettes vous saurez que vous êtes en présence d’un signe de radicalisation probable. Là ça concerne toujours les chauffeurs de bus qui essaient de prier discrètement pendant leurs pauses.
Parenthèse : les cinq étudiants n’ont pas été payés pour leur travail de 9 mois au contraire de Davet et Lhomme. Ce dernier l’explique par « des raisons éthiques » (à partir de 16 minutes ici sur RMC). podcast.rmc.fr/channel295/201…
Et les policiers de la PJ démentent l’anecdote de la préface sur le refus de participer à un barbecue préparé par des femmes pour certains. @CheckNewsfr l’explique bien ici. liberation.fr/checknews/2018…
Après le passage sur Sevran et le clientélisme envers les musulmans avec le témoignage d’un coupé dont le fils est devenu terroriste en Syrie, une interview avec Jean-Pierre Obin inspecteur général de l’éducation nationale retraité. No comment.
Jean-Pierre Obin a écrit un rapport en 2004 sur la radicalisation à l’école. Ses méthodes ont été remises en cause car l’échantillon était restreint. Il avait été alimenté par ex. par Bernard Ravet, star de la rentrée dernière. Principal de collège il racontait l’islamisation.
Gros coup de chapeau au chapitre sur le café de Sevran. La contre-enquête du @LeBondyBlog n’y est jamais citée. Le site est mentionné pour une information révélée par le site sur le « bug » qu’a été ce reportage selon Hervé Brusini, chargé du numérique de France 2. Bravo vraiment
Là, je viens de m’infliger un chapitre à pleurer sur la roqya qui est une sorte de désenvoutement coranique. Le texte mélange tout et est condescendant à souhait. Comme si le recours à de vieilles traditions qui sont aussi un business était le signe d’une radicalisation folle.
On peut trouver les séances de désenvoutement inutiles (globalement du Coran est récité et il faut boire de l’eau dans laquelle a macéré des versets écrit sur un bout de papier) mais sérieux assimiler cela à de l’islamisation c’est idiot et de mauvaise foi sans mauvais jeu de mot
Page 143, soudain la lumière. Le taux de pauvreté de Sevran, 30 % soit le double de la moyenne nationale, est enfin mentionné ! Dieu existe ! (Toujours dans le respect de la laïcité)
Là, ce sont les reseaux de recherche d’emploi entre musulmans qui sont fustigés et taxés de communautarisme. Comme si certains avaient d’autres choix. On appréciera aussi ce «  sentiment de discrimination à l’embauche ». C’est vrai que c’est une vue de l’esprit.
Ce livre c’est du macronisme journalistique. Les auteurs balancent des gros clichés qu’ils tempèrent avant de conclure qu’on ne sait jamais quand même. Ça rend dingue (et l’accumulation d’anecdotes flippantes me donne l’impression d’être coincée dans un café PMU mixte)
Très déçue que dans ce chapitre sur Paris 8 il n’ait pas été mentionné que le sandwich escalope Boursin (beurk) est le plat de prédilection de Jawad Bendaoud, le logeur des terroristes du 13-Novembre. Cela est peut-être une coïncidence mais peut-être pas. Qui sait ?
Bon à Paris-8, contrairement à la légende, il n’y a pas de salle de prière clandestine. Quinconque a un jour mis les pieds dans cette fac ne peut que mourir de rire à l’idée qu’elle soit dépeinte comme un territoire en voie d’islamisation.
Bon après une lutte intense j'ai fini ce chef d'œuvre. Ce livre est raté. Raté parce que paresseux. Les intervenants sont pour la grande majorité déjà connus de ceux qui s’intéressent au sujet. Personne ne révèle rien de fou.
L’absence de mise en perspective, sociologique ou historique, se ressent. Les conditions sociales de ce département où la mixité sociale est absente ou presque ne sont jamais évoqués. Tout est relié à l’islam pour coller à la thèse de départ.
La méconnaissance crasse des auteurs sur cette religion saute aux yeux. Tout est mis sur le même plan. Des signes de religiosité basiques – faire la prière par exemple ou manger halal – sont presque considérés comme étant des prémices à la radicalisation.
Ce livre distille de manière insidieuse l’idée que l’islam va grignoter toutes nos libertés. Tout est basé sur des anecdotes, parfois effrayantes, souvent invérifiables. En refermant le livre, on a baigné dans 240 pages au cours desquelles on est conditionné à avoir peur.
À avoir peur de la religion musulmane et de ses pratiquants. Vous vous rendez compte, ils voilent les petites filles, font leurs ablutions avec des bouteilles d’eau aux toilettes en cachette, mangent halal, portent le voile. Scoop : les musulmans respirent et se nourrissent.
Qu’il y ait des endroits et des individus radicaux, adeptes d’une lecture rigoriste de l’islam c’est une évidence. Qu’il faille mettre tout le monde dans le même sac est une absurdité.
Mais raconter ce département comme ça avec quelques nuances mais pas trop quand même cela donne un résultat terrible. Même moi je me sens oppressée par l'islam et j'ai peur de moi-même.
E, définitive, le sujet était visiblement trop complexe pour des étudiants, qui ont le voit, essaient de faire ce qu’ils peuvent pour tempérer. Sans succès. Et la Seine-Saint-Denis mérite tellement mieux que ce traitement racoleur.
Voilà c'est fini. Je pense à mes 15 euros. J'ai envie d'envoyer cela à nos fins limiers du journalisme.
Pardon mais je reviens pour souligner quand même que Davet et Lhomme qui signent le livre ne se sont JAMAIS rendus sur place ni n’ont fait une interview. Ils ont réécrit le livre sans jamais savoir de quoi ils parlaient concrètement.
Je ne sais pas si vous imaginer comment raconter quelque chose sans même avoir parlé aux concernés. Désolée mais je suis peut-être une journaliste nulle mais j’ai besoin d’échanger avec les gens pour raconter leurs histoires.
Et @decker_v explique ici pourquoi elle s’est sentie piégée par ce livre. Elle en a lu les trois quarts et estime aussi qu’il s’agit d’un café du commerce journalistique. francetvinfo.fr/culture/livres…
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