@xporte se pose une question intéressante dans l'Instant M ce matin: pourquoi alors qu'internet permet l'accès à un savoir immense et des interconnections mondiales assiste-t-on à un repli sur soi un peu partout, Russie, Hongrie, France, GB etc.? franceinter.fr/emissions/la-f…
On va faire un thread pour répondre donc à cette question car elle est intéressante. Le problème c'est qu'on pose le problème d'internet au lieu de poser le problème du fascisme (sur internet ou plus largement en démocratie)
@xporte dit aussi: "pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, on peut communiquer aussi facilement avec le monde entier, lire regarder et entendre ce qui se passe ailleurs, avoir accès aussi vite aux savoirs les plus anciens et les plus lointains, s’exprimer à égalité"
Il vient pourtant de poser les bases du problème: le savoir le plus ancien, la communication et interconnection des gens, mis à égalité avec le négationnisme, le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie et la possibilité d'action des fascistes offerte par cette égalité
Le problème ne vient pas d'internet, il vient des négationnistes, des antisémites des complicités, alliances, publicités et promotions politiques dont ils ont bénéficié. C'est un problème politique qui réclame une solution et un engagement politique
De la même manière penser qu'internet sera la solution est illusoire puisqu'internet n'est pas le problème. En fait à chaque fois qu'on examine le "problème" ou la "solution" internet on dépolitise ce qui ne doit pas l'être: l'action des fascistes
Ainsi @xporte peut citer "la Hongrie" ou "la Russie" comme exemples de "repli sur soi des peuples" en oubliant de mentionner Orban et Poutine qui ne sont pourtant pas arrivé là par la simple magie d'internet ou comme réponse du peuple mécontent de la gauche et de la crise éco
Aussi @xporte cite @gchampeau "brillant analyste des questions numériques", c'est vrai mais Champeau a l'intelligence politique d'une huître et prêt à avaler (et à partager) les pires imbécillités rouges-brunes de la FI "à égalité" avec des analyses numériques pertinentes
et il découvrait hier (fin octobre 2018) que peut-être l'idée que la société mette des limites à la "liberté d'expression" des fascistes était pas une si mauvaise chose. @xporte cite un tweet de @gchampeau qui propose de revoir le fonctionnement démocratique parce que internet
Là encore on pense que la technologie est la solution ou le problème démocratique alors que c'est la pensée politique le problème. Le problème était déjà dans le tweet précédent de @gchampeau et sa conception erronée de ce qu'est la démocratie
Penser que la démocratie élective c'est "demander aux citoyens de choisir qui doit penser à leur place pendant 5 ans" c'est non seulement niais mais aussi parfaitement nuisible: réduction de la "démocratie" au seul vote présidentiel, confusion de la démocratie et de la dictature
Ces principes là sont des passerelles vers le fascisme. Le détail de comment fonctionne la nocivité de ces idées ici lignes-de-cretes.org/de-la-democrat… La démocratie c'est pas tant un vote que l'organisation pacifiée d'une alternance du pouvoir et non le dirigeant ne pense pas à notre place
C'est aussi sur ces bases foireuses et confuses que d'autres viennent maintenant resservir Jo-le-tirage-au-sort de Kingersheim, comme un modèle de renouveau démocratique alors que le mec est réélu au pouvoir sans discontinuer depuis la chute du mur
Autre exemple de dépolitisation absolue posé par @xporte dans sa chronique "lutter contre les états essayant d'interférer dans les élections d'autres pays": en fait non, l'idée c'est de lutter contre le fascisme quel que soit l'état ou le contexte
Que les démocrates arabes "influencent" de la Puerta del Sol à place de la République en passant par Occupy Wall Street c'est bien. Que Poutine aide Trump et le Pen et alimente les mouvements fascistes partout dans le monde c'est mal
Est-ce qu'on pourrait au moins s'accorder sur le fait qu'il y a un bien et un mal politique ou est-ce que le nouveau défi démocratique posé par la technologie internet aurait définitivement permis de dépasser ce vieux concept?
Le problème c'est pas l'influence des états étrangers (je-citoyen vais continuer à utiliser Google, à mater Netflix, à dire que l'Europe c'est bien, que Poutine est un fasciste et que le peuple veut la chute de Bachar al Assad) le problème c'est l'action politique des fasciste
La question posée par @xporte "internet a-t-il un rapport avec ce qui nous arrive politiquement" la réponse est oui, mais se rappeler qu'internet est un MOYEN et que les fascistes (qui ont très vite compris comment l'utiliser) ont une FIN
Le problème vient d'une inversion des rôles, on finit par considérer internet comme une fin en soi et oublier que les fasciste ont une fin, un but, une autonomie politique et qu'ils travaillent activement à leur réalisation. Les fascistes sont tjr considéré comme des conséquences
"Trump est arrivé parce que prolo blanc pas content; le Pen arrive parce que la gauche a merdé; Poutine incarne le désir russe de reconnaissance à l'international; Salvini parce que dictature de Bruxelles; AfD parce que Merkel a accueilli des migrants" etc.
Internet permet pourtant de trouver des prolos blancs qui ont pas voté Trump, des honnêtes gauchistes français, des opposants russes, des amoureux de l'Europe en Italie et de retrouver le contexte de 2015 où l'écrasante majorité de la société allemande était d'accord avec Merkel
Le problème n'est donc pas internet ni ce qu'internet rend possible mais la dépolitisation totale qui laisse le fascisme imposer sa narration "à égalité" avec les autres et se cache ensuite derrière "internet atout ou nuisance pour la démocratie"?
Si d'un coup on reformule "le fascisme sur internet atout ou nuisance pour la démocratie?" les choses deviennent beaucoup plus claire. La responsabilité du citoyen soucieux de sa démocratie c'est de combattre le fascisme
Reprendre la critique démocratique des insoumis (et leur refus de faire barrage au fascisme), pour ensuite se demander comment Salvini a pu arriver en Italie en posant la question d'internet c'est un peu le "le marché va se gérer tout seul" des libéraux qui déchantent en 2008
Ce qui nous arrive politiquement c'est qu'on se défausse sur les algos de notre responsabilité politique de dire que non l'expression des idées fascistes, sur internet ou ailleurs n'est pas à égalité morale ou politique de l'expression des idées humanistes et démocratiques
