Thread by @Youss_Badr

1/ Plusieurs personnes m’ont demandé depuis ce week-end pourquoi dans le projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles, la Chancellerie n’avait pas en 2018 instauré un âge minimum de non consentement aux relations sexuelles pour les mineurs. Cela avait été envisagée ⤵️

2/ dans un premier temps. Notamment au regard de nombreuses législations européennes qualifiant de viol tout acte sexuel commis sur un un mineur en deçà d’un certain âge (13 ans au RU, 14 ans en Belgique etc). L’âge de 15 ans avait été proposé initialement et était déjà pris en

3/ compte par la loi pénale pour définir certaines infractions (atteinte sexuelle sur mineurs 15 ans) ou aggraver les peines (violences ou agressions sexuelles). D’autres repères existent aussi : 10, 13 ou 16 ans pour permettre au juge de prononcer une sanction éducative ou

4/ pénale a l’encontre d’un mineur ou encore pr permettre son placement en garde à vue. Néanmoins, l’avis du Conseil d’Etat en mars 2018 avait mis en lumière de ‘sérieuses objections’.
La mise en place d’une présomption simple de non consentement s’agissant du crime de viol

5/ aurait vraisemblablement excédé ‘les limites raisonnables’ dans lesquelles la CEDH enserre les présomptions en droit ou en fait en matière pénale compte tenu de la gravité de l’enjeu et de la difficulté en pratique pr le mis en cause de se défendre (CEDH, 7/10/88, Salabiaku).

6/ Ensuite, le CE soulignait que l’ajout d’une mention dans l’article réprimant le viol que ‘l’auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime’ était une mention trop large ne pouvait caractériser à elle seule l’intention criminelle de l’auteur. Or la définition

7/ d’une incrimination doit inclure un élément matériel et un élément moral ou intentionnel (CC, 16/06/99, 13/03/13). L’article risquait sérieusement d’être invalidé par le conseil constitutionnel. Ainsi, le CE remarquait qu’un mineur de 17 ans qui aurait une relation avec une

8/ adolescente de 14 ans et qui se poursuivrait après les 18 ans du mineur, conduirait à ce que ce dernier se voit renvoyer aux assises puisqu’il connaissait ‘l’âge de la victime ou ne pouvait l’ignorer’.
Aussi, selon le CE, en instaurant ce seuil, le Code pénal se retrouvait à

9/ sanctionner différemment deux comportements identiques puisque le nouvel article venait se superposer à l’article 227-25 du CP le fait pour un majeur d’exercer sans violence (...) une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans’. Cette incohérence allait être censurée par le CC

10/ comme cela a déjà été fait par le passé (décision n 2013-328 QPC du 28/06/13). L’exemple cité plus haut rendait la personne devenue majeure passible du TC dans le premier cas et de la CA dans le second.
Enfin, l’instauration de ce seuil venait en doublon avec 2 autres

11/ dispositions du code pénal qui prévoient une circonstance aggravante lorsque la victime de l’agression sexuelle ou du viol est âgée de - de 15 ans. La encore, le CE soulignait le risque de difficultés constitutionnelles.
Ainsi, le CE proposait, pour éviter tout risque

12/ d’inconstitutionnalité, de faciliter la démonstration de la ‘violence, contrainte, menace OU de la surprise’ lorsque la victime est âgée de moins de 15 ans. Préciser la notion de contrainte pour mieux prendre en compte la vulnérabilité des victimes jeunes ou très jeunes.

13/ Cette rédaction, qui permettait de ne pas modifier les éléments constitutifs de l’infraction, permettait d’appliquer la loi de manière immédiate y compris aux faits antérieurs.
Je précise que je fais état ici des éléments juridiques et constitutionnels, tous tirés de l’avis

14/ du CE de mars 2018 pour répondre aux nombreuses demandes qui m’ont été faites pour savoir pourquoi la Chancellerie n’avait pas mis en place ce seuil, alors qu’il avait été évoqué un temps. Ce n’est pas mon avis de magistrat, que je garde pour moi. Je préfère le préciser.